vendredi 20 juin 2008

Djouta, deuxième village le plus haut d'Europe

A la frontière entre les régions historiques de Khévie et de Khevsourétie, Djouta est, à 2200 mètres d'altitude environ, le plus haut village de l'est de la Géorgie, le deuxième plus haut de Géorgie après Ouchgouli en Svanétie, et par conséquent le deuxième plus haut d'Europe - si l'on considère cette partie du monde comme étant en Europe.

Djouta se trouve sur le versant nord de la chaîne du Grand Caucase, à une vingtaine de kilomètres de Stépantsminda, anciennement Khazbégui, la bourgade la plus importante des hautes montagnes géorgiennes. Il se trouve au pied des massifs du Tchaoukhi (3882m) et du Charil (4456m), à l'est du massif du Kazbek (5033m). Le village est également situé à 7km de l'Ingouchie, en Fédération de Russie.

Ce village rustique est fait de maisons de pierre sèches en partie couvertes de bouse de vache en guise d'isolation ; on utilise ces dernières également pour chauffer. Il y a une peite école à Djouta, ainsi qu'un point militaire.


Djouta est peuplé d'une trentaine de familles de Khevsoures, un groupe clanique ou subethnique particulier en Géorgie, célébré par les canons de la culture nationale comme "montagnards des montagnards", garants de l'âme géorgienne.


A ce qu'on dit jamais entièrement soumis à une autorité extérieure, même à l'époque soviétique, les Khevsoures pratiquent un christianisme fort empreint de paganisme, sans prêtres ni églises, et possèdent des "lieux sacrés" où le village s'assemble lors de festivals ; on y sacrifie des moutons, l'Ancien du village y donne le culte, priant les saints, la nature et les ancêtres. Bien que le traditionnalisme des Khevsoures ait fortement décliné, certains rituels se pratiquent toujours et ces festivals sont toujours les évènements majeurs de la vie du village.


Djouta est coupé du monde 6 à 8 mois dans l'année. Une partie des habitants passe l'hiver à Tbilissi, mais certains s'approvisionnent à l'automne pour rester au village. Seule la pomme de terre pousse à Djouta ; l'élevage bovin y est pratiqué et on y produit beurre et fromage. Le reste doit être acheminé sur la mauvaise route en provenance de Khazbégui.


Les soviétiques avaient installé un gazoduc qui fonctionne encore, sortant le village de son isolement ; plus récemment, l'installation d'une ligne électrique à l'automne 2007 a sensiblement amélioré les conditions de vie des habitants.




En dehors de l'agriculture de subsistance, les habitants vivent en partie de la frontière Russe : certains hommes du village travaillent comme gardes frontières dans l'armée géorgienne.


Le tourisme est sans doute l'avenir économique de ce village idéal pour les activités de montagne ; Iago Arabouli, qui vit moitié à Tblissi, moitié à Djouta, a fait de sa maison une maison d'hôtes et espère voir le nombre de visiteur s'agrandir d'année en année. A Djouta, il vaut mieux chercher Iago par son prénom que par son nom de famille : tout le village s'appelle Arabouli!


Iago Arabouli et son père Lagaza


Djouta est à la lisière de la civilisation. Au-dessus règnent le minéral et la maigre faune et flore des hauts alpages.

Toutes les photos : © Nicolas Landru

mardi 17 juin 2008

Parution du Petit Futé Géorgie 2008

La nouvelle édition du Petit Futé Géorgie a paru. Ce guide de voyage couvre l'ensemble des régions et les villes principales de la Géorgie, les sites touristiques majeurs ainsi qu'un certain nombre de lieux hors des sentiers battus. Il combine informations culturelles et scientifiques et indications pratiques (orientation, transports, adresses). Il s'agit de l'unique guide francophone couvrant la Géorgie. Enquête et rédaction ont été effectuées par Nicolas Landru.
http://www.petitfute.fr/detail-122-0-1-PF.html




EXTRAIT

Bienvenue en Géorgie!

Sakartvélo... Peu de pays peuvent sonner aussi étranger à une oreille française que la Géorgie. Ni Europe ni Asie, ni lointaine ni proche, la Géorgie ne rentre dans aucune catégorie connue. Pays postsoviétique? Conflits du Caucase? Patrie de Staline? Autant d'images peu engageantes... Pourtant qui se douterait que ce petit pays possède l'un des plus grands potentiels touristiques de cette partie du monde? Cet antique territoire, sa civilisation plus que millénaire, ses anciennes églises chrétiennes perchées dans des sites impossibles, ses pittoresques traditions, son amour du vin, son goût pour la musique et ses polyphonies, son histoire turbulente, sa capitale cosmopolite, ses côtes subtropicales, ses montagnes immaculées, ses fresques médiévales, son habitat pittoresque, son doux climat méridional... Et son peuple hospitalier! Rarement un pays aussi petit n'a brassé autant d'influences, venues de Perse, de Turquie, de Grèce, de Russie...

A cheval sur deux des plus belles chaînes de montagne du continent eurasien, déployée sur ses plaines fertiles, ses hauts plateaux, ses vertes collines ou dans ses fonds de vallée, jouet des influences contraires de la mer Noire humide et de la Caspienne aride, comment la Géorgie aurait-elle pu être plus riche et plus variée? On s'étonnera à chaque kilomètre que paysage et climat changent aussi rapidement, que chaque vallée déploie un nouveau site époustouflant, une ville troglodyte, un monastère perché ou une ruine de forteresse...

On verra le rocher où Prométhée fut enchainé, le fleuve remonté par Jason arrivé en Colchide. On s'enivrera de celle qui est, à certains dires, le berceau du vin. On se laissera haper par la convivialité et la générosité toujours plus surprenante de ses habitants. On restera fasciné par les couleurs, par l'authenticité... Et par cette nature caucasienne omniprésente que la main de l'homme a tellement peu souillée.

Nicolas Landru
Extrait du Petit Futé Géorgie -3ème édition, 2008-2009

lundi 16 juin 2008

Reportage Photo en Khévie (Grand Caucase)

La descente du col de la Croix : haute vallée du Terek


Le Col de la Croix (2379m), entrée dans le nord Caucase


Descente de la haute vallée du Terek



Source d'eau ferrugineuse dans la vallée du Terek




Village de Sioni - tour défensive et basilique du IXème siècle



Village d'Artcha sur le Terek


Marchroutka dans la vallée du Terek


Kazbégui (officiellement Stépantsminda)


Kazbégui ( Stépantsminda), capitale de la Khévie. Eglise Tsminda Saméba et Mont Kazbek



Rue principale de Kazbégui



Monument au héros mokhévé (de Khévie) : le poète Alexandre Kazbégui (XIXème s.)


Musée Alexandre Kazbégui et église



Mont Kazbek (5047m)


Vers l'église Guerguéti (Tsminda Saméba)


Maison, rive gauche du Terek **


Village de Guerguéti **


Oratoire avant l'église de Guerguéti


L'église de Guerguéti (Tsminda Saméban, Sainte Trinité, XIVème s.) **


Cheval Mokhévé


Vallée de Sno



Fortification médiévale de Sno


Sculpture, tête d'un ancêtre, Sno


La vallée de Sno sous la pluie


Akhaltsikhé, dernier village de Khévie avant la Khevsourétie


Toutes les photos : © Nicolas Landru sauf : ** © Birgit Kuch

mardi 10 juin 2008

Reportage photo : Le Grand Caucase - Route Militaire de Géorgie (Aragvi, Mtioulétie)

Route Militaire de Géorgie

Ananouri
(Aragvi)

(Complexe ecclésial fortifié au dessus du Lac de Jinvali, XVIème siècle **)

(Tour défensive et église, détail)

Mtioulétie
(Haute vallée de l'Aragvi)

(Localité de Mleta)

(Ascension du Col de la Croix)

(Chaîne de Mtioulétie depuis la station de ski de Goudaouri)

(Monument Soviétique à l'Amitié Russo-Géorgienne, 1983)



(Massif du Lasg-Tsiti - 3877m)


(Au Col de la Croix - 2379m)

Toutes les photos : © Nicolas Landru, sauf : ** : © Birgit Kuch

lundi 2 juin 2008

Défilé de l'armée géorgienne sur l'Avenue Roustavéli

© Nicolas Landru & Birgit Kuch

Fête Nationale en Géorgie : cérémonie gouvernementale et manifestation de l'opposition se partagent le terrain



C’est au sein de fortes tensions politiques que la Géorgie a célébré sa fête nationale, l' anniversaire de la déclaration d'indépendance de 1918. Alors que depuis son arrivée au pouvoir en 2004, le président Mikhaïl Saakachvili célébrait le 26 mai dans le faste, la cérémonie officielle n’aura duré en cette année 2008 qu’une quarantaine de minutes. Pour laisser étonnement la place à la manifestation qu’une partie de l’opposition avait organisée dans un autre quartier de la ville.

5 jours après les élections parlementaires du mercredi 21 juin, la célébration Fête de l’Indépendance promettait d’être en Géorgie un symbole chargé d’enjeux politiques. Pour le parti au pouvoir, large vainqueur d’un scrutin dénoncé comme frauduleux par l’opposition, la célébration de l’anniversaire de l’indépendance allait de pair avec celle de sa propre victoire. D’autant que les tensions avec la république séparatiste d’Abkhazie et la Russie, qui touchent de près la question de l’indépendance géorgienne, avaient été au cœur de la campagne électorale du camp présidentiel. Pour une opposition tannée par le résultat du scrutin et par la reconnaissance internationale de ce dernier, il s’agissait non seulement de ne pas laisser la gloire de ce jour retomber uniquement sur le camp vainqueur, mais surtout de contester la victoire de ce dernier au moment de sa parade. D’investir la rue en même temps que lui et de tester sa capacité de mobilisation populaire.

Côté présidentiel, l’invité d’honneur était le président polonais Lech Kaczynski, allié stratégique de Mikhaïl Saakachvili, notamment face à la Russie. Malgré la présence de ce soutien européen, la cérémonie a été on ne peut plus courte.

Avant même que celle-ci ne commence, les partis d'opposition, alliés pour accuser les autorités d’avoir falsifié les élections, avaient entamé un meeting dans le quartier de Sabourtalo, une des bases populaires de l’opposition, perdue lors de ce scrutin. C’est que depuis la nuit qui avait suivi le vote, les opposants n’avait pas entrepris de manifestation de protestation. Le soir de la défaite, le rassemblement organisé à 23 heures au même endroit n’avait pas de quoi engendrer une révolution. Décompte partiel des suffrages, football et eurovision à la télévision, heure tardive et lassitude générale, les leaders ne pouvaient se targuer d’avoir la rue pour eux. Dans les jours qui suivaient, la mission d’observation de l’OSCE entérinait la légitimité du scrutin malgré « un certain nombre de défaillances » ; puis les chefs d’Etat occidentaux reconnaissaient à leur tour l’élection géorgienne, allant jusqu’à la nommer un « important test de démocratie ».





Bien qu’étant en possession de témoignages montrant irrégularités et violences dans un certain nombre de bureaux de votes en région, l’opposition est isolée dans ses allégations de fraudes. Son décompte alternatif des voix, qui donne les partis d’opposition vainqueurs alors que le décompte officiel attribue plus de 2/3 des suffrages au Mouvement National au pouvoir , ne rencontre pas plus d’écho. En outre, si le nœud de l’opposition reste allié – Opposition Unie, Républicains, Travaillistes –, le parti des Chrétiens Démocrates, fondé en février autour de l’ancien présentateur de la télévision d’opposition Imedi (et dont les rumeurs confèrent la création à une manœuvre du ministère de l’intérieur visant à diviser l’opposition), reste à distance du mouvement de protestation.



Dans ce contexte, le scénario de ce 26 mai est pour le moins surprenant. La cérémonie officielle de la fête de l’indépendance est inaugurée devant le parlement, sur l’Avenue Roustavéli, les Champs Elysées de Tbilissi, par de brèves salutations du président Saakachvili, puis par un discours tout aussi court du président polonais. Peu après, le meeting de l’opposition, qui avait commencé une heure plus tôt dans le quartier de Sabourtalo, fort de plusieurs milliers de personnes cette fois, se dirige vers l’Avenue Roustavéli. Les forces de police anti-émeutes, prêtes à combattre, sont déployées au commencement de l’Avenue lorsque l’on vient de Sabourtalo. Des bus urbains sont stationnés en travers pour faire barrage au cortège de l’opposition. Pendant que les opposants se rapprochent en criant "Micha va-t'en", la parade militaire défile rapidement sur l’avenue, une seule fois dans un sens, alors qu’à l’habitude elle fait plusieurs allers-retours. Puis les officiels ajoutent quelques mots et s'en vont ; la tribune se vide et la petite foule amassée ici se disperse.


C’est alors que les forces anti-émeutes, loin d’arrêter les manifestants arrivant sur Roustavéli, se retirent en vitesse et disparaissent du centre-ville. Le cortège de l’opposition investit l’Avenue, occupée quelque minute plus tôt par les officiels et des partisans du président. La tribune installée devant le parlement reste en plan et les factions des différents partis d’opposition viennent l’occuper les unes après les autres en scandant des slogans anti-Saakachvili. Puis les leaders s’installent à la place du président pour tenir des discours fustigeant l’illégitimité du scrutin, promettant le boycott du parlement par les élus de leurs partis et jurant de ne pas laisser le « régime » voler la démocratie au Géorgiens. Après quelques tentatives peu convaincantes de pénétrer dans le parlement, les manifestants écouteront les discours jusqu’à 16 heures, lorsque leurs leaders leur demandent de se disperser et appellent à tenir une autre manifestation lorsque le parlement tiendra sa première séance.

Un partage synchronisé de la conquête de l’Avenue Roustavéli ? Sans nul doute, l’arrivée des manifestants coïncidant parfaitement à la fin de la cérémonie officielle. Pourquoi les forces anti-émeutes ont-elles laissé les opposants conquérir la tribune vidée avec empressement ? Stratégie du camp gouvernemental visant à laisser passer la colère du mouvement de foule pour qu’il s’essouffle plus rapidement ? Marchés conclus entre gouvernement et opposition pour un partage de l’aura qui éviterait une confrontation violente ou trop de concessions ? En échange de quoi un camp vainqueur aux parlementaires laisse-t-il les vaincus conquérir pour un après-midi le parvis du parlement ? Quoiqu’il en soit, en cette fête d’indépendance, le pouvoir a ostensiblement décidé de lâcher une part de gâteau aux opposants frustrés du scrutin. Reste à voir si ces derniers lâcheront également du leste dans les semaines à venir, ou s’ils camperont sur une position sans compromis.

Texte : Nicolas Landru, le 26/05/08
Toutes les photos ci-dessus : © Nicolas Landru & Birgit Kuch

dimanche 1 juin 2008

Géorgie : l’élection présidentielle anticipée laisse-t-elle une chance à l’opposition ?

Article paru dans l'édition du 13/11/2007
Par Nicolas LANDRU à Leipzig

© Nicolas Landru, Affiche du Mouvement National à Tbilissi

Au lendemain de la dispersion musclée des manifestations de l’opposition, quelques heures après la promulgation de l’état d’urgence, le président géorgien a créé la surprise le 8 novembre en annonçant la tenue d’élections présidentielles anticipées le 5 janvier 2008. En prenant le contre-pied d’une opposition qui réclamait des élections parlementaires anticipées, Mikhaïl Saakachvili semble avoir élaboré une stratégie originale pour faire face à la crise politique qui sévit dans le pays depuis plus d’un mois et reconquérir sa popularité mise à mal par les évènements de novembre. Prise de court, l’opposition unie dans la contestation du gouvernement, mais politiquement hétéroclite, va devoir malgré tout se jeter dans la campagne, alors que rien ne garantit qu’elle parvienne à maintenir son union d’ici le jour du scrutin.

Parmi ses revendications lorsqu’elle manifestait devant le parlement géorgien, l’opposition réclamait l’avancée au printemps des élections parlementaires. En effet, l’agenda électoral initial, selon la constitution, prévoyait les élections parlementaires plusieurs mois avant les présidentielles. Mais en décembre 2006, la majorité du Mouvement National votait au parlement des amendements qui avançaient le scrutin présidentiel et reculaient les élections législatives, réunissant les deux entre octobre et décembre 2008.

Stratégies électorales

Le gouvernement a justifié cette décision en soulignant le potentiel de déstabilisation que représentait la tenue simultanée d’élections en Russie et en Georgie, les élections présidentielles russes étant prévues pour le mois de mars 2008. Saakachvili a également insisté dans son adresse à la Nation au lendemain des événements le 8 novembre que la possible reconnaissance de l’indépendance du Kosovo par la communauté internationale en mars 2008 pourrait entraîner la reconnaissance de l’indépendance de l’Abkhazie par la Russie, mettant ainsi en danger la stabilité de la Georgie à un moment crucial.

Malgré ces arguments touchant à la sécurité de l’Etat, partis d’opposition et observateurs ne peuvent manquer de constater que cette opération pourrait permettre au président de s’assurer un parlement de sa majorité au cas où il serait réélu. Avec un scrutin législatif quelques 6 mois avant l’expiration de son mandat, Saakachvili risquait fort de voir l’opposition s’emparer du parlement en s’appuyant sur un mécontentement populaire souvent de rigueur en fins de mandats. En revanche, comptant sur son charisme personnel, sans figure d’opposition ne pouvant réellement rivaliser avec son aura, il détient beaucoup plus de chances de l’emporter individuellement à la présidentielle. La décision de décembre 2006 pourrait donc bien avoir eu pour but de s’assurer d’abord d’un second terme présidentiel et de surfer sur cette vague pour ancrer le Mouvement National au parlement.

Les partis d’opposition fédérés sous le nom de « Conseil National d’un Mouvement Unifié » avaient donc intérêt à réclamer la tenue des élections législatives à leur date initiale, tout en protestant contre les amendements hâtifs du code électoral. Conglomérat de mouvements hétéroclite, le bloc d’opposition est cohérent avant tout dans sa contestation du gouvernement actuel. Ce qui lui permettrait de faire front pour un scrutin législatif, tandis que, en outre dépourvu d’un leader charismatique émergeant, il lui serait beaucoup plus difficile d’unir ses tendances antagonistes autour d’un thème présidentiel (le bloc regroupe de l’extrême droite à l’extrême gauche du pays, en passant par les libéraux, les centristes et des personnalités diverses).

Semblant gagner en légitimité à mesure que les manifestations prenaient racine dans les rues de Tbilissi, à l’aube du 7 novembre, l’opposition faisait retomber sur Saakachvili l’image d’un autocrate sourd aux revendications populaires et irrespectueux des lois démocratiques. Choisissant de disperser les manifestants par la force ce jour-là, le pouvoir en place donnait crédit à cette représentation. La fermeture des médias d’opposition, la violence des forces de police, la promulgation de l’état d’urgence et enfin le défi des critiques internationales qui suivaient semblent justifier cette image d’anti-démocrate. Laquelle avait été fortement relayée par la chaîne de télévision Imedi, à l’audience la plus large du pays, jusqu’à sa fermeture par les forces de police.

Le calcul des autorités

Au lendemain de ce tumulte, les actions du gouvernement s’attachaient aussitôt à démentir ces accusations, les autorités semblant vouloir stratégiquement contrer ces attaques jusqu'à les retourner contre leurs auteurs. D’abord en justifiant instantanément l’action de la police contre les manifestants par la sécurité d’Etat. Le gouvernement a avancé la thèse d’une tentative de coup d’état formenté par des éléments radicaux de l’opposition avec le soutien de l’oligarque Badri Patarkatsishvili et des « forces étrangères », désignant ainsi la Russie. Une thèse sur laquelle le représentant spécial de l’Union Européenne pour le Sud Caucase, Peter Semneby, n’a pas voulu s’exprimer, précisant qu’il ne pouvait le faire en l’absence de preuves.

Les retombées avantageuses de la proclamation de l’état d’urgence pour le gouvernement sont cependant indéniables, ce dernier ayant accusé certains membres de l’opposition de collaboration avec l’ « ennemi » russe. Selon ce scénario, la raison d’Etat permet de dissoudre la voix de l’opposition en instaurant l’état d’urgence, Saakachvili affirmant avoir agi au dessus des luttes de pouvoir pour sauver la Patrie : « Hier, nous avons défendu non le gouvernement (…), mais l’Etat géorgien », déclarait-il le 8 novembre. L’opposition s’est plainte le 13 novembre de l’instrumentalisation par Saakachvili de l’état d’urgence pour désavantager ses adversaires dans la campagne électorale.

A la lumière de cette interprétation, on pourrait voir dans l’intervention d’une police anti-émeutes high-tech une tentative d’enfermer des manifestants désarmés dans le rôle d’émeutiers faisant encourir un danger au pays. En outre, le pouvoir faisait une démonstration de force en expérimentant des technologies toutes nouvelles ; la police anti-émeutes était munie de masques à gaz dernier modèle aux allures futuristes, et utilisait pour l’une des toutes premières fois dans le monde des armes aux ultrasons, qui émettent des bruits visant à désorienter celui qui les entend pour quelques minutes. Les autorités avaient ainsi l’occasion de démontrer aussi bien à des observateurs domestiques qu’extérieurs la métamorphose des forces armées géorgiennes depuis la Révolution des Roses, et ainsi de prouver la modernisation et la fortification que le mandat de Saakachvili aura fait connaître au pays.

Mais surtout, en se déclarant dans la foulée prêt à tenir des élections présidentielles, Saakachvili disait à l’opposition dans un discours du 8 novembre: «Mes chers, vous avez demandé un scrutin anticipé ? Vous l’avez encore plus tôt. Vous avez frappé à la porte de la démocratie ? Elle est ouverte, car en tant que président de ce pays, je suis le garant que cette porte ne sera jamais close. » Atténuant immédiatement l’effet brutal de l’état d’urgence, le coup de théâtre de Saakachvili le remettait en position de démocrate clément, et surtout lui permettait, avant tout le monde, de se jeter de plain pied dans la campagne électorale.

L’opposition prise au piège

Pour autant, Saakachvili ne cédait pas aux revendications des manifestants en annonçant des présidentielles anticipées, au contraire : il allait aux antipodes de la stratégie de l’opposition qui misait sur des législatives précédant les présidentielles. Mais en redistribuant les cartes et en écourtant son mandat, le président créait l’amalgame : il redonnait sa chance à chacun, tout en prenant l’opposition à contre-pied. Comme l’argument principal de l’opposition était que le président s’accaparait le pouvoir, elle n’avait d’autre choix que de saluer cette décision.

Or l’avancée des élections pourrait bien contribuer à handicaper l’opposition face à Saakachvili. Par l’annonce des élections en elle-même, ce dernier commençait du même fait sa campagne électorale. Il a derrière lui des médias favorables – avant tout Georgian Public Broadcasting, la télévision publique et seule ayant droit en état d’urgence de diffuser des informations, et un temps de parole amplifié. Les deux télévisions d’opposition sont interdites jusqu’à l’expiration de l’état d’urgence au 22 novembre, et les propriétaires d’Imedi, principale plateforme médiatique de l’opposition, ont déclaré que les dégâts matériels interdiraient son fonctionnement jusque dans deux ou trois mois au moins.

Saakachvili a aussi avec lui un parti uni et rodé, le Mouvement National, détenant un agenda politique précis, pouvant se targuer du développement rapide de la Géorgie depuis la Révolution des Roses, et prêt à tout moment à déclencher une campagne de communication de masse. En contraste, l’opposition n’était jusqu’à présent unie que dans ses protestations contre le gouvernement sur des questions électorales et institutionnelles. En revanche, elle n’a à ce jour ni programme commun, ni agenda.

Une opposition présidentiable ?

Unies dans l’adversité, les différentes tendances du bloc d’opposition n’ont pas de terreau idéologique pour bâtir une vision commune. Tout sépare a priori les néo-zviadistes des républicains, des post-communistes, des militaristes d’Irakli Okrouachvili ou de l’homme d’affaire Badri Patarkatsichvili, financier des actions de protestation de l’opposition et qui avait aussi mis sa télévision Imedi à leur disposition. Le 10 novembre, ce dernier se portait dores et déjà candidat aux élections, n’ayant d’autre slogan que : « La Géorgie sans Saakachvili est une Géorgie sans terreur ». S’il peut surfer sur la vague d’indignation, il n’a en revanche pour l’instant pas proposé d’agenda alternatif à celui du Mouvement National.

En outre, l’opposition a déjà perdu de son unité : les 10 partis fédérés ne soutiennent pas la candidature de Patarkatsichvili. Le parti des Nouvelles Droites, soutenu par le Parti Industrialistes, a aussi proposé son candidat, Davit Gemkrelidze, de même que le Parti de l’Avenir avec Gia Maisachvili ; le Parti Ouvrier veut aussi présenter son propre candidat. Quant aux 9 partis restants, ils se sont décidés à présenter un candidat commun sans parti, le député Levan Gatchetchiladze, quasi inconnu du grand public. Autant dire que le temps restant avant les élections est plus que court pour jeter les projecteurs sur ce nouveau candidat, d’autant que les moyens de communication de l’opposition seront quasi inexistants jusqu’à la levée de l’état d’urgence et resteront amoindris au-delà.

Si l’unité au sein du bloc est maintenue jusqu’au 5 janvier sous la candidature de Gatchetchiladze, ce dernier sera contraint de faire une campagne hâtive, autour d’un programme qui reste encore à élaborer. La seule ambition que le candidat ait déclarée pour l’instant est en réalité un anti-programme : abolir la présidence une fois élu, et se retirer au profit d’un régime parlementaire, principale revendication de l’opposition.

En jouant depuis l’annonce du scrutin la carte de l’apaisement, en pardonnant à ceux qu’il avait traités de traîtres, en arrêtant les poursuites judiciaires à l’encontre des membres l’opposition et en se targuant de son esprit démocratique incarné par la tenue même de ce scrutin anticipé, Mikhaïl Saakachvili part avec beaucoup de points d’avance.

D’autant qu’avec le recul, la démonstration de force du 7 novembre aura peut-être atteint un objectif secondaire : imposer à la population géorgienne l’idée que la Géorgie de Saakachvili n’est plus la même que celle d’avant. Que c’est une Géorgie qui sait se défendre en cas d’urgence, qui possède une armée et une police des plus modernes, soutenues par les forces occidentales, qui part gagnante. Dans ces conditions, il sera difficile pour l’opposition de s’imposer, même si elle parvient à surfer sur le traumatisme causé sur la population par ce même 7 novembre.

Will the Snap Presidential Election in Georgia Give a Chance to the Opposition?

Article published in caucaz.com, 16/12/2007 Issue
By Nicolas LANDRU in Leipzig

© Nicolas Landru, Poster of the National Movement in Tbilisi


On 8 November, one day after opposition rally protesters got roughly dispersed by anti-riot forces, and a few hours after he proclaimed state of emergency, Georgia’s President surprised everyone with announcing rescheduled presidential election on 5 January 2008. Thus, Mikhail Saakashvili did the complete opposite from what the opposition was asking for: to hold snap parliamentary elections. The President seems to have developed an original strategy in order to face Georgia’s month-long political crisis and to gain back his popularity, which was appreciably damaged by the events of November.

With carrying out demonstrations in front of Georgian parliament, the opposition demanded, among other requests, to hold early parliamentary elections in spring. According to the constitution, the parliamentary elections were planned several months before the presidential elections. However, in December 2006, National Movement MPs voted for amendments which fixed the presidential election earlier and the parliamentary elections later, both supposed to take place between October and December 2008.

Electoral Strategies

The government has justified this decision by underlining the destabilizing potential of holding Georgian elections simultaneously with Russian presidential ones, which are planed for March 2008. In his October speech to the nation, Saakashvili also insisted on the fact that the international community would possibly recognize Kosovo’s independent status in March, which could lead to Russia’s recognition of the independence of Abkhazia and thus threaten Georgia’s stability at an important moment.

Despite those arguments concerning state safety, opposition parties and analysts observe that this move could enable the President to secure the majority in the parliament in case he is re-elected. With parliamentary elections held some 6 months before the end of his term, Saakashvili risks the opposition gaining control in the Parliament by exploiting people’s discontent, which is usual for final phases of presidential terms. Nevertheless, counting on his personal charisma and on the absence of opposition figures who could seriously challenge him, Saakashvili has a better chance to win the presidential election individually. The December 2006 decision could then aim, in the first place, to provide the President with a second term, and secondly, to ride this wave by settling the National Movement in Parliament.

Subsequently, it was in the interest of opposition parties federating under the label « National Council of a United Movement » to demand parliamentary elections on their initial date, while protesting against the hasty amendments to the electoral code. A conglomerate of diverse movements, the opposition bloc finds its coherence in protesting against the current government, which increases their chances to win parliamentary elections. However, lacking an emerging charismatic leader, the opposition faces serious difficulties to unite its antagonistic tendencies in a presidential campaign: the bloc connects parties from the far-left to the far-right, including liberals, centrists and diverse personalities).

Seeming to gain legitimacy as a result of the demonstrations that lasted in Tbilisi streets until 7 November, the opposition assigned to Saakashvili an image of an autocrat deaf to people’s claims and disrespectful of democratic rules. Additionally, while choosing to disperse the crowd with force on the same day, the authorities gave legitimacy to this representation. By closing opposition media, sending police forces which used violence, declaring a state of emergency and defying international critics, the authorities’ successive actions seemed to confirm this antidemocratic image. Such representations were massively broadcasted by Imedi TV, the media outlet with the largest audience in the country, until it was closed by police forces on November 7.

The Authorities’ Calculation

One day after this turmoil, governmental actions already tended to deny the accusations. The authorities seemed to attempt to counter those attacks by turning them back on their authors. First of all, government instantly justified police operation against demonstrators as due to state safety. The government advanced a theory according to which radical elements of the opposition, supported by business tycoon Badri Patarkatsishvili and some “foreign forces”, referring to Russia, were preparing a coup. Peter Semnby, EU Special Representative for the South Caucasus, did not want to discuss this thesis, while explaining that he could not do it as far as there is no evidence.

Nevertheless, the government gained obvious advantages by proclaiming a state of emergency, since it enabled the authorities to accuse the opposition of collaborating with the Russian « enemy ». According to this scenario, the sake of the state enables the dissolution of the opposition’s voice through the imposition of a state of emergency, while Saakashvili assumes that he has been deciding upon power struggles to save the homeland. “Yesterday, we did not defend the government, but Georgian statehood,” he declared on 8 November. The opposition reportedly complained on 13 November that Saakashvili hijacked the state of emergency in order to disadvantage his challengers during the electoral campaign.

According to this interpretation, the intervention of a high-tech anti-riot police can be seen as an attempt to ascribe to rather peaceful protesters the role of rioters which endanger the State . Furthermore, the government demonstrated its strength while experimenting with new technologies. Anti-riot police were wearing the last model of futuristic-looking gas masks. They also used ultra-sound weapons for one of the first times in the world. These machines produce noises which confuse the listener for several minutes. Whereas disarmed protesters should not necessarily justify such equipment, the authorities had the opportunity to demonstrate to domestic as well as to external observers how Georgian armed forces have developed drastically since the Rose Revolution. Thus they were able to prove that Saakashvili’s term brought modernisation and strength to the country.

Above all, while subsequently proposing to hold snap presidential polls, Saakashvili told the opposition on 8 November, “Dear people, did you demand early elections? You have received even earlier ones. Did you knock on the door of Democracy? It is open, because as the President of this country, I am a guarantor that this door will never be closed.” As it immediately softened the brutal effects of the state of emergency, Saakashvili’s coup de theatre re-established him as a clement democrat and enabled him, in front of everyone, to start his electoral campaign.

Trapping the opposition

However, Saakashvili did not agree to demonstrators’ claims in announcing snap presidential elections. On the contrary, he did the opposite from the opposition’s strategy, which banked on the parliamentary elections being held before the presidential ones. By shaking things up and shortening his mandate, the President created a confusion by giving a chance to everyone, at the same time countering the tactic of the opposition. Since the protesters were mainly arguing that the President was keeping all the power, they did not have any choice other than to welcome his decision.

Eventually, holding such early elections could contribute to handicapping Saakashvili’s opposition. He started his campaign as early as he planned the rescheduled elections. He has the support of a favourable media, Georgian Public Broadcasting, the only public TV channel allowed to broadcast news during the state of emergency. Thus, his speaking time is amplified. Both opposition TV channels are forbidden until 22 November, when the state of emergency will expire. Furthermore, owners of Imedi, the main media platform of the opposition, have declared that material damages will prevent it from broadcasting for at least two or three months.

Saakashvili is also backed by the National Movement, a party which is united and trained and which has a precise political agenda. The National Movement can also claim to be the author of Georgia’s quick development since Rose Revolution and is at any time ready to launch a mass communication campaign. By contrast, until now, the opposition was only united as far as they protested against the government about electoral and institutional questions. However, their alliance has to this day neither a common program nor an agenda.

Could the opposition turn president?

As much as the different tendencies from the opposition bloc are united against the National Movement, they actually don’t have any common ideological basis which could enable them to construct a common vision. Everything should separate neo-zviadists from republicans, from post-communists, from Irakli Okruashvili’s militarists and from business tycoon Badri Patarkatsishvili, who financed protest actions and put his TV channel Imedi at the opposition’s disposal. On 10 November, Patarkatsishvili was already saying that he will run for presidency, having no other slogan than “Georgia without Saakashvili is Georgia without terror.” He could perhaps ride the wave of indignation against the authorities. Nevertheless, he has thus far not proposed any alternative agenda to the one of the National Movement.

Moreover, the opposition already lost a part of its unity. The 10 federated parties do not support Patarkatsishvili’s candidature. The New Right party proposed as candidate Davit Gemkrelidze, whom the Industrialist Party also supports. Gia Maisashvili will run for the Party of Future and the Labour Party will also have its own candidate. The remaining parties decided to let a common candidate run, the MP without a party Levan Gachechiladze who is almost unknown to the general public. Obviously, the time remaining before the elections is extremely short for bringing this new candidate to the foreground, especially given that the opposition will have almost no means of communication until the state of emergency is lifted, and won’t have much more possibility afterwards.

If the bloc manages to maintain its unity around Gachechiladze until the 5 January, its candidate will have to hold a hasty campaign, his platform still being developed. The only ambition Gachechiladze has declared is actually an anti-program, which consists in abolishing the presidency after his election. He proposed to retire and to proclaim a parliamentary regime if he gets elected, in accordance with what has been the main demand of the opposition in the last weeks.

Since he announced the earlier presidential polls, Mikhail Saakashvili has played the card of reconciliation, forgiving to those he called traitors, stopping judicial proceedings against members of the opposition and claiming his democratic behaviour would have been in itself proved by the fact he proposed the snap presidential elections. In other words, the President starts the campaign with huge advantages.

Looking back, the 7 November demonstration of strength will perhaps have reached a secondary goal, by imposing in the eyes of Georgian people the idea that Saakashvili’s Georgia is not the same as the one from before. It will have given the impression that this Georgia knows how to defend itself in case of emergency, has among the most modern police forces which are trained by Western powers, that this Georgia is a winner. In those conditions, the opposition may encounter difficulties getting through to the masses, even if one of its candidates manages to politically hijack people’s traumatism caused by that same 7 November.

Manifestations de Tbilissi : le statu quo campe entre l’opposition et le gouvernement

Article paru dans l'édition du 07/11/2007
Par Nicolas LANDRU à Leipzig



© Alexander Kedelashvili, Manifestation de l'opposition à Tbilissi

Le 2 novembre 2007, une alliance des forces d’opposition de Géorgie rassemblait le plus grand nombre de manifestants depuis la Révolution des roses de 2003 devant le parlement de la capitale, avec l’intention de prolonger le mouvement jusqu’à ce que le gouvernement cède à ses revendications. Ce grand rassemblement, annoncé début octobre, et que les auteurs n’ont pas involontairement doté de similarités avec la Révolution dont le gouvernement actuel tire sa légitimité, tenait toujours devant le parlement 5 jours après son commencement, même si le nombre de manifestants avait sensiblement diminué. Au matin du 7 novembre, les forces de police anti-émeutes l'ont dispersé aux canons à eau et au gaz lacrymogène, après une confrontation physique entre forces de l'ordre et manifestants; mais dans les heures qui suivaient, des manifestations reprenaient ailleurs dans Tbilissi, notamment sur la grande place de Rike.

La plus grande manifestation depuis la Révolution

Le gouvernement chiffre 25 000 personnes à avoir répondu à la demande des leaders de l’opposition de venir manifester à Tbilissi pour les journées des 2 et 3 novembres 2007. Les organisateurs parlent en revanche plus de 100 000 manifestants. Les observateurs extérieurs parlent quant à eux de 50 000 personnes. Quoiqu’il en soit, ce rassemblement dans la rue est le plus grand depuis celui qui a porté Mikhaïl Saakachvili et le présent gouvernement au pouvoir, même si les chiffres de 2003 n’ont aucune commune mesure avec ceux de ce mois de novembre.
L’opposition voudrait néanmoins tirer légitimité de cet état de fait pour acculer le régime à céder à ses demandes ; la préparation très médiatisée de l’évènement - la chaîne de television Imedi retransmet les manifestations 24 heures sur 24 - avait d’ailleurs tout fait pour le rendre spectaculaire avant même qu’il n’aie lieu.

Si ce dernier s'est effectivement déroulé, il semblait avoir perdu de son souffle au tournant du week-end, mais l’intervention télévisée d’Irakli Okrouachvili, l’ancien proche du président arrêté puis libéré sur caution et repentir à la mi-octobre, provoquait d’après les observateurs un renouveau d’assiduité. Mardi après-midi, les organisateurs parlaient de planter une « ville de tente » devant le parlement géorgien. Le lendemain matin, les forces anti-émeutes dispersaient le rassemblement, mais celui-ci se reformait ailleurs.

L’attitude du gouvernement s'est sensiblement durcie suite à l’intervention médiatique du président Saakachvili, alors qu’il gérait jusqu'ici la manifestation avec une certaine distance. Si le président minimisait les attaques à son encontre en évoquant le droit à manifester dans une démocratie, il s’empressait également de dénoncer les « technologies politiciennes » des partis d’oppositions qu’il qualifiait d’ « usines de mensonges ». Le ton du régime est surtout monté dans les attaques verbales à l’encontre de l’oligarque Badri Patarkatsichvili qui finance une partie de l’évènement et détient le média Imédi, en lequel l’opposition détient une plateforme d’expression. Entre opposition et gouvernement, les insultes fusent, versant abondamment dans le tendancieux, d’accusations de nazisme à des références antisémites et anti-arméniennes.

Après la dispersion du rassemblement devant le parlement, le gouvernement déclarait que certains membres de l'opposition ont été engagés dans des crimes contre l'Etat. Du ministère de l'Intérieur émanait le propos que l'opposition collabore avec les services de contre-espionage russes. La rhétorique est montée d'un cran dans la journée du 7 novembre, et malgré l'appel au calme de quelques personnalités, dont le patriarche de l'église orthodoxe, il semble difficile d'engager une désescalade, les menaces du gouvernement se faisant de plus en plus concrètes.

Les quatre revendications de l’opposition

Les leaders de la manifestation, qui scandent leurs revendications devant le parlement depuis le 2 novembre, ont 4 exigences principales. La première est d’avancer au printemps les élections parlementaires prévues par des amendements à la constitution pour fin 2008. Il appartient au président de décider de la date exacte ; or il prévoit pour l’instant les élections parlementaires à la même période que les élections présidentielles, ce qui allonge la durée de session du parlement. Saakachvili a maintenu sa décision initiale dans sa déclaration du 4 novembre.

La deuxième concerne l’impartialité de la Commission Electorale Centrale. Ce type de revendication était le fer de lance de la Révolution des Roses. L’opposition s’appuie justement sur le fait que selon elle les conditions de neutralité n’ont pas été améliorées, étant donné que le secrétaire de la Commission, Levan Tarkhnichvili, entretiendrait de proches liens avec le pouvoir alors qu’il serait censé n’avoir aucune affiliation politique. La falsification évidente des scrutins lors des dernières élections locales est l’argument majeur de l’opposition pour réclamer que la Commission inclue des représentants de tous les partis politiques.

En troisième point, les manifestant veulent réformer le scrutin législatif majoritaire en un scrutin permettant aux individus d’être élus députés, et non comme le veut la législation actuelle au parti vainqueur, qui obtient sur la circonscription remportée la totalité des sièges. Ce mode de scrutin permet ainsi au parti le mieux établi, en l’occurrence le Mouvement National au pouvoir, d’avoir une écrasante majorité au parlement, ce qui selon l’opposition ne serait pas le cas si un scrutin proportionnel individuel était en vigueur.

Enfin, les leaders de l’opposition réclament la libération de ce qu’ils considèrent être des prisonniers politiques et de conscience. La demande concerne avant tout le leader d’opposition Irakli Batiachvili, qui aurait selon la sentence de la Cour de Tbilissi porté « assistance intellectuelle » au seigneur de la guerre svane Emzar Kvitsiani. Mardi 6 novembre, les manifestants réitéraient qu’ils n’auraient confiance en une ouverture au dialogue du gouvernement que si Batiachvili était libéré.

Dimanche 4, les leaders les plus radicaux réclamaient la démission de Saakachvili, alors que celui-ci restait sourd aux revendications et que l’unique dialogue entamé avec le régime, en la personne de la présidente du parlement Nino Bourdjanadzé, restait sans lendemain. Une attaque politique plus largement affirmée vise les détenteurs du pouvoir, ex-membres de l'ONG « Liberty Institute », le ministre de l’Intérieur Vano Mérabichvili et le député Giga Bokéria en tête. Selon l’opposition, ils accapareraient le pouvoir autour du président et tiendraient celui-ci en otage. Depuis plus d’un an déjà, le clan au pouvoir issu du Liberty Institute est vu par l’opposition comme l’auteur d’une concentration accrue des pouvoirs.

Un conglomérat d’oppositions

Combien de temps l’union des leaders d’oppositions rassemblés devant le parlement et unis par leurs exigences communes tiendra-t-elle ? La question se pose d’autant plus que les mouvements réunis sous le chapeau des revendications sont pour le moins hétérogènes. Issues des mouvances les plus variées du paysage politique géorgien, et réunies pour la manifestation sous le nom Conseil National d’un Mouvement Unifié, ils comprennent :

Le Parti Républicain de centre-droit autour de Davit Ousoupachvili ; le Parti Conservateur de Zviad Dzidzigouri ; l’extrême-droite « Liberté » de Konstantine Gamsakhourdia ; l’extrême-gauche populiste de Chalva Natelachvili (Parti Ouvrier) ; le parti indépendant de Salomé Zourabichvili, « Une voie pour la Géorgie » ; le parti des réfugiés d’Abkhazie « Par nous-même » de Paata Davitaia ; le Forum National de Kakha Chartava ; le Mouvement pour une Géorgie Unie, nouveau parti militariste de l’ex-ministre de la défense Irakli Okrouachvili ; et la « Troupe Géorgienne », également militariste, de Djondi Bagatouria.

En somme, toutes les tendances politiques qui ne sont pas au pouvoir sont ici réunies, des plus nouveaux partis issus d’anciens collaborateurs de Saakachvili aux anciens mouvements zviadistes, des post-communistes à l’extrême-droite en passant par les modérés. Cette opposition est unie par l’occasion de sa contestation du régime actuel, elle est aussi stratégique ; mais le fait d’être en opposition sera-t-il suffisant pour former un bloc qui tiendrait jusqu’aux prochaines législatives ? L’éclectisme du mouvement engendre sa légitimité populaire, mais aussi sa faiblesse politique.

Vient en outre le soutient du millionnaire et magnat médiatique Badri Patarkatsichvili, entré en politique officiellement au mois d’octobre, qui offre au mouvement contestataire le média Imedi, et que le gouvernement pointe justement pour discréditer le mouvement. Véritable front anti-gouvernemental, le mouvement ne laisse guère les experts prévoir qu’il puisse aller au-delà des revendications exprimées au gouvernement avec le soutien de la rue, même à entrevoir une « Grande Coalition » pour les élections de 2008.

Mais si le statu quo perdure et que le ton durcit encore de la part du gouvernement, la Géorgie pourrait bien s’enliser dans la crise politique, et le mouvement former un front électoral. Celui de la Révolution des Roses, précisément celui qui portait Mikhaïl Saakachvili au pouvoir, n’était-il pas tout autant éclectique ? Et l’élimination subséquente des autres coalisés une fois le pouvoir en place n’est-il pas le reproche de fond adressé par l’opposition ? Mais encore faudrait-il éviter la confrontation violente, dont la journée du 7 novembre s'est sensiblement rapprochée.

Demonstrations in Tbilisi: the status quo camps out between the opposition and the government

Article published in caucaz.com, 16/11/2007 Issue
By Nicolas LANDRU in LeipzigTranslated by Lauren E. Smith


© Nicolas Landru, Demonstrations in Tbilisi

On 2 November 2007, an alliance of Georgian opposition forces assembled the largest number of demonstrators since the 2003 Rose Revolution in front of the capitol’s Parliament, with the intention of prolonging the movement until the government concedes to its demands. This great rally, announced at the beginning of October, which the organisers did not involuntarily bestow with similarities to the Revolution, the source of the current Government’s legitimacy, was still being held in front of Parliament 5 days after its commencement, even if the number of demonstrators had noticeably diminished. On the morning of 7 November, riot police forces dispersed the crowd with water cannons and tear gas. In the hours that followed, the demonstrations resumed elsewhere in Tbilisi, notably in Rike square, however riot police used force again in order to disperse them.

The largest demonstration since the Revolution

The government calculates that 25,000 people responded to the opposition leaders’ call to demonstrate in Tbilisi on 2 and 3 November 2007. However, the organisers report more than 100,000 demonstrators. Outside observers are saying 50,000 people. Regardless, this street gathering is the largest since the demonstration that brought Mikheil Saakashvili and the present government to power, even if the 2003 figures are incomparable to those of November.

Nevertheless, the opposition would like to draw its legitimacy from this state of facts to force the regime to yield to its demands. The highly media-covered preparation for the event – the television channel Imedi broadcasts the demonstration 24 hours a day – had for that matter done everything to make the event spectacular before it even took place.

While the event went off effectively, it seemed to have lost its momentum with the start of the weekend. However, according to observers, the televised speech by Irakli Okruashvili, former ally of the president who was arrested, released on bail and later repented in mid-October, incited an increase in attendance. On Tuesday afternoon, the organisers were talking about setting up a “city of tents” in front of the Georgian Parliament. The following morning, riot police forces dispersed the gathering, which then re-formed elsewhere.

The government’s attitude toughened noticeably following President Saakashvili’s televised speech as, up to that point, he had led the demonstration from a certain distance. While the president was downplaying the attacks against him by evoking the right to demonstrate in a democracy, he also hastened to denounce the opposition parties’ “politician technologies” which he described as “factories of lies”. The regime’s tone especially increased in the verbal attacks against the oligarch Badri Patarkatsishvili, who financed a part of the event and owns Imedi media, in which the opposition has a platform for expression. Insults are flowing between the opposition and the government, and they are lapsing profusely into the tendentious, from accusations of Nazism to anti-Semitic and anti-Armenian references.

After the gathering in front of Parliament was dispersed, the government stated that certain members of the opposition were engaged in crimes against the State. The minister of the Interior remarked that the opposition is collaborating with Russian counter-espionage services. The rhetoric moved up a notch on 7 November and, despite the call for the composure of a few personalities, including the patriarch of the Orthodox Church, it seems difficult to encourage a de-escalation, and the threats of the government are becoming more and more concrete.

The opposition’s four demands

The leaders of the demonstration, who have chanted their appeals in front of Parliament since 2 November, have 4 principal demands. The first is to push the parliamentary elections, provisioned by amendments to the constitution for the end of 2008, forward to the spring. It is up to the president to decide the exact date, although he has, for the moment, scheduled the parliamentary elections at the same time as the presidential elections, which extends the duration of the Parliament session. Saakashvili upheld his initial decision in his 4 November statement.

The second concerns the impartiality of the Central Electoral Commission. This type of demand was the spearhead of the Rose Revolution. The opposition relies precisely on the fact that, according to the Commission, the conditions of neutrality were not improved, given that the secretary of the Commission, Levan Tarkhnishvili, maintained close links with the government while he would have been expected to have no political affiliation. The evident falsification of ballots during the local elections is the major argument of the opposition to demand that the Commission include representatives of all political parties.

As their third point, the demonstrators want to reform legislative election on a majority basis into one ballot allowing individuals to be elected as deputies, and not, as the current legislation wants it, to the winning party, which obtains all of the seats for the won constituency. This voting system thus allows the most well-established party, to be specific the National Movement in power, to have an overwhelming majority in Parliament, which, according to the opposition, would not be the case if separate proportional representation was in effect.

Lastly, the leaders of the opposition demand the release of what they consider to be political prisoners and prisoners of conscience. The demand involves foremost the opposition leader Irakli Batiashvili, who, according to the Tbilisi Court sentence, would have provided “intellectual assistance” to the Svan warlord Emzar Kvitsiani. On Tuesday 6 November, the demonstrators reiterated that they would have confidence in entering into a dialogue with the government only if Batiashvili were released.

On Sunday 4 November, the most radical leaders demanded the resignation of Saakashvili, while he remained deaf to the demands and while the only dialogue started with the regime, through the President of Parliament Nino Burjanadze, remained futureless. A more largely affirmed political attack targets the power-holders, former members of the NGO “Liberty Institute”, Minister of the Interior Van Merabishvili and the head deputy Giga Bokeria. According to the opposition, they would monopolize the power around the president and would hold him hostage. For more than one year already, the group in power from the Liberty Institute is seen by the opposition as the author of an increased concentration of powers.

A conglomerate of oppositions

How much time will the union of opposition leaders, assembled in front of Parliament and united by their common demands, take? The question is posed all the more so since the movements united under the umbrella of demands are at the very least heterogeneous. Stemming from the most varied spectrums of the Georgian political scene, and united for the demonstration under the name the National Council of a United Movement, they include:

The Republican Party on the centre-right led by Davit Usupashvili; Zviad Dzidziguri’s Conservative Party; the far-right “Liberty” party led by Konstantine Gamsakhourdia; the populist far-left of Shalva Natelashvili (Labour Party); the independent party of Salome Zurabishvili, “Georgia’s Way”; the Abkhazian refugee party “Through Ourselves” led by Paata Davitaia; Kakha Shartava’s National Forum; the Movement for United Georgia, a new militarist party led by the former minister of Defense Irakli Okruashvili; and the “Georgian Troop”, also militarist, of Jondi Bagaturia.

In short, all the political tendencies that are not in power are united here, from the newest parties, created by Saakashvili’s ex-allies, to former Zviadist movements, to post-communists on the far-right to moderates. This opposition is united by the opportunity to contest the current regime. It is also strategic, but will the fact of being in opposition be sufficient to form a bloc that would last until the next legislative elections? The movement’s eclecticism generates its popular legitimacy, but also its political weakness.

There is also the support of millionaire and media tycoon Badri Patarkatsishvili, who entered officially into politics in October. Patarkatsishvili offers the anti-establishment movement Imedi media and the government points to him for discrediting the movement. A true anti-government front, the movement does not allow experts to foresee that it can go beyond the demands voiced to the government with the support of the streets, or even to expect a “Great Coalition” for the 2008 elections.

However, if the status quo endures and the tone toughens again on the part of the government, Georgia could very well get bogged down in the political crisis, and the movement could form an electoral front. Wasn’t the front during the Rose Revolution, specifically the one that brought Mikheil Saakashvili to power, just as eclectic? Is the subsequent elimination of others, united once the power was in place, not the opposition’s fundamental criticism? But would it still be necessary to avoid the violent confrontation, which 7 November noticeably approached.

Artikel erschienen in caucaz.com am 19/11/2007
Von Nicolas LANDRU in Leipzig, übersetzt von Fiona GUTSCH und Gebhard REUL


© Nicolas Landru, Demonstrationen in Tbilisi

Am 2. November versammelte ein Bündnis von Oppositionskräften die größte Zahl von Demonstranten seit der Rosenrevolution von 2003 vor dem Parlament der Hauptstadt. Ziel war es, die Proteste solange fortzusetzen, bis die Regierung auf die Forderungen eingeht. Diese große Demonstration, die bereits Anfang Oktober angekündigt wurde und die von den Veranstaltern nicht zufällig an jene Revolution angelehnt wurde, aus der die derzeitige Regierung ihre Legitimation bezieht, dauerte auch noch fünf Tage später an, auch wenn die Zahl der Teilnehmer leicht abgenommen hat. Nachdem es zu einer Konfrontation zwischen den Sicherheitskräften und den Demonstranten gekommen war, wurde die Demonstration am Morgen des 7. November von Polizeikräften mit Wasserwerfern und Tränengas aufgelöst. In den folgenden Stunden flammten die Proteste an anderen Stellen in Tbilissi wieder auf.

Die größte Demonstration seit der Revolution

Die Regierung beziffert die Zahl derjenigen, die dem Aufruf der Oppositionsführer gefolgt sind, um am 2. und 3. November in Tbilissi zu demonstrieren, mit 25.000. Die Veranstalter sprechen hingegen von mehr als 100.000 Demonstranten, Beobachter von 50.000 Personen. Wie auch immer – diese Versammlung ist die größte Demonstration seit der Rosenrevolution, die Michail Saakaschwili und die derzeitige Regierung an die Macht gebracht hat.

Aus diesem Tatbestand versuchte die Opposition die Berechtigung abzuleiten, die Regierung zur Annahme ihrer Forderungen zu zwingen. Die medienwirksam inszenierte Vorbereitung der Demonstrationen – der Fernsehsender Imedi überträgt sie rund um die Uhr – tat ein Übriges dazu, aus ihnen ein spektakuläres Ereignis zu machen, bevor sie überhaupt richtig begonnen hatten.

Am Wochenende schienen die Demonstrationen etwas von ihrem anfänglichen Schwung verloren zu haben. Beobachtern zufolge gewannen die Proteste wieder an Zulauf durch die im Fernsehen übertragene Intervention von Okruaschwili, dem langjährigen Weggefährten Saakaschwilis, der zunächst verhaftet, dann gegen Kaution und öffentliches Geständnis wieder freigelassen wurde. Am Dienstag nachmittag sprachen die Organisatoren davon, vor dem georgischen Parlament eine „Zeltstadt“ aufzubauen. Am nächsten Morgen lösten Spezialeinheiten die Versammlung auf, die sich jedoch andernorts wieder formierte.

Die Haltung der Regierung, die sich zu den Demonstrationen bis dahin distanziert verhalten hatte, verhärtete sich spürbar nach dem Fernsehauftritt von Saakaschwili. Einerseits verharmloste der Präsident die gegen ihn gerichteten Angriffe, indem er das Versammlungsrecht in einer Demokratie würdigte, andererseits jedoch brandmarkte er die „politischen Technologien“ der Oppositionsparteien, die er als „Lügenfabrik“ bezeichnete. Besonders scharf fielen die Verbalattacken gegen den Oligarchen Badri Patarkazischwili aus, der einen Teil der Bewegung finanziert und den Sender Imedi besitzt, den die Opposition wiederum als ihr Sprachrohr nutzt. In Folge wurden zwischen Regierung und Opposition gegenseitige Beleidigungen ausgetauscht, die schnell ins Tendenziöse verfielen, inklusive Nazismusvorwürfen mit anti-semitischen und anti-armenischen Untertönen.

Nach der Auflösung der Versammlung vor dem Parlament erklärte die Regierung, dass einige Oppositionsmitglieder an staatsfeindlichen Aktionen beteiligt waren. Aus dem Innenministerium drang die Äußerung, dass die Opposition mit dem russischen Geheimdienst zusammenarbeite. Am 7. November erreichte die verschärfte Rhetorik eine neue Stufe. Auch wenn einige Persönlichkeiten wie der Patriarch der Orthodoxen Kirche zur Besonnenheit mahnten, scheint eine Deeskalation nur schwer möglich, nachdem die Drohungen seitens der Regierung immer konkreter werden.

Die vier Forderungen der Opposition

Die Anführer der Demonstration, die seit dem 2. November vor dem Parlament zum Mikrofon greifen, haben vier Hauptforderungen. Die erste ist, die Parlamentswahlen, die durch Verfassungsänderungen für Ende 2008 vorgesehen waren, auf das Frühjahr vorzuziehen. Der Präsident, der über das Recht verfügt, das genaue Datum festzusetzen, möchte die Parlamentswahlen zum gleichen Zeitpunkt wie die Präsidentschaftswahlen abhalten, wodurch die Sitzungsperiode des Parlamentes verlängert würde. Diese ursprüngliche Entscheidung hat Saakaschwili in seiner Erklärung vom 4. November bestätigt.

Die zweite Forderung betrifft die Unparteilichkeit der zentralen Wahlkommission. Eine solche Forderung diente auch schon der Rosenrevolution als Angriffsspitze. Die Opposition ist der Auffassung, dass sich die Neutralitätsbedingungen nicht verbessert haben, da der Sekretär der Kommission, Lewan Tarchnischwili, über enge Kontakte zur Macht verfüge, obwohl er parteipolitisch neutral sein muss. Die offensichtliche Manipulation der letzten Kommunalwahlen dient der Opposition als Hauptargument für die Forderung, Vertreter aller Parteien in die Kommission aufzunehmen.

An dritter Stelle fordern die Demonstranten eine Reform des Mehrheitswahlsystems. Während in der jetzigen Gesetzgebung vorgesehen ist, dass diejenige Partei, die im jeweiligen Wahlkreis die Mehrheit der Stimmen erhält, ihre Vertreter ins Parlament schickt, soll es nach dem Willen der Opposition in Zukunft möglich sein, Individuen in direkter Wahl als Abgeordnete zu wählen. Durch das Proporzwahlsystem könne verhindert werden, dass diejenige Partei, die am besten aufgestellt ist – zur Zeit ist dies die Regierungspartei Nationale Bewegung – eine erdrückende Mehrheit im Parlament bekomme.

Die vierte Forderung der Opposition ist die Freilassung aller Personen, die als politische Gefangene angesehen werden. Dies bezieht sich vor allem auf den Oppositionsführer Irakli Batiaschwili, der nach dem Urteil des Gerichtshofs von Tbilissi dem swanischen Rebellen Emsar Kwiziani „intellektuelle Hilfe“ geleistet hätte. Am Dienstag, den 6. November, wiederholten die Demonstranten, dass sie erst nach einer Freilassung Batiaschwilis an die Ernsthaftigkeit eines Dialogs mit der Regierung glauben würden.

Die radikalsten Oppositionsführer forderten am Sonntag, den 4. November, den Rücktritt Saakaschwilis, der sich weiterhin zu keinen Zugeständnissen bereit findet. Der einzige Dialog mit der Regierung, mit der Parlamentspräsidentin Nino Burdschanadse, blieb ohne Folgen. Eine deutliche politische Attacke der Opposition zielt auf die einflussreichen ehemaligen Mitglieder der NGO „Liberty Institute“, an der Spitze Innenminister Wano Merabischwili und der Abgeordneten Giga Bokeria. Nach Ansicht der Opposition hätten sie alle Macht im Umfeld des Präsidenten an sich gerissen und würden ihn nun als Geisel halten. Seit mehr als einem Jahr wird der Machtklan, der aus dem Liberty Institute hervorgegangen ist, von der Opposition als treibende Kraft einer wachsenden Machtkonzentration angesehen.

Ein Oppositionskonglomerat

Wie lange wird das Bündnis der Oppositionsführer halten, die sich vor dem Parlament versammelt haben und durch die gemeinsamen Forderungen vereint sind? Diese Frage stellt sich insbesondere deshalb, weil die durch ihre Forderungen geeinten Gruppierungen äußerst heterogen sind. Sie sind aus den unterschiedlichsten Verhältnissen der georgischen Politiklandschaft hervorgegangen und haben sich für die Kundgebung unter dem Namen „Nationalrat einer Vereinten Bewegung“ versammelt. Dazu gehören: Die republikanische Mitte-Rechts Partei von Dawid Usupaschwili; die konservative Partei von Swiad Dsidsiguri; die extrem Rechtspartei „Freiheit“ von Konstantin Gamsachurdia; die extreme linke, populistische Arbeiterpartei von Schalwa Natelaschwili; die unabhängige Partei von Salome Surabischwili „Georgiens Weg“; die Partei der Flüchtlinge aus Abchasien von Paata Dawitaia „Von uns aus“; das Nationalforum von Kacha Schartawa; die Bewegung für ein geeintes Georgien, die neue militaristische Partei des ehemaligen Verteidigungsministers Irakli Okruaschwili; und die ebenfalls militaristische „Georgische Truppe“, von Dschondi Bagaturia.

Alles in allem sind hier alle politischen Tendenzen vertreten, die nicht an der Macht sind, von den ganz neuen Parteien ehemaliger Weggefährten Saakaschwilis bis zu alten swiadistischen Bewegungen, von den Post-Kommunisten über die gemäßigten bis zur äußersten Rechten. Diese Opposition ist durch den Protest gegen die aktuelle Regierung geeint. Sie ist auch strategisch. Aber reicht die Tatsache, in der Opposition zu sein, aus, um einen Block zu bilden, der bis zu den nächsten Wahlen hält? Der Eklektizismus der Bewegung zeugt von ihrer Legitimierung für das Volk, aber auch von ihrer politischen Schwäche.

Hinzu kommt die Unterstützung des Millionärs und Medienmoguls Badri Patarkazischwili, der im Oktober offiziell in die Politik eingestiegen ist, und den die Regierung mit Nachdruck nennt, um die Bewegung zu diskreditieren. Er bietet der Protestbewegung das Medienunternehmen Imedia als Plattform. Experten prognostizieren der Bewegung, die eine reine Front gegen die Regierung ist, kaum ein Bestehen über die mit Hilfe der Bevölkerung durchgeführten Proteste hinaus, noch nicht einmal eine mögliche „Große Koalition“ für die Wahlen 2008.

Wenn aber der Status quo andauert und der Ton von Seiten der Regierung noch schärfer wird, könnte Georgien in einer politischen Krise versinken und die Bewegung einen Wahlblock bilden. War die Bewegung der Rosenrevolution, die Michail Saakaschwili an die Macht brachte, nicht genauso heterogen? Und ist die Ausschaltung der anderen Koalitionspartner nach dem Erringen der Macht nicht der Hauptvorwurf der Opposition? Aber zunächst muss eine gewalttätige Auseinandersetzung, wie sie sich am 7. November ankündigte, vermieden werden.