vendredi 29 janvier 2010

Quelques images de Géorgie en hiver


La petite ville de Sighnaghi, et en arrière-fond, le Grand Caucase (Daguestan)


Troupeau en Kakhétie, au pied de la chaîne du Daguestan


Ferme à Ninigori, Kakhétie, au pied de la chaîne du Daguestan


Vue sur la chaîne du Kazbek dans le Grand Caucase depuis l'église Tvereli à Tbilissi (Mtatsminda


Didveli (Bakouriani), deuxième station de ski du pays, dans la chaîne de Trialétie du Petit Caucase


Toutes les photos : ©Nicolas Landru

Le marché de Kabali en Kakhétie : intégration régionale autour du cheval?

Article publié dans Caucaz.com le 12/01/2010

Par Nicolas LANDRU à Kabali/Ninigori


© Nicolas Landru, Marché aux chevaux de Kabali

Le marché aux bestiaux dominical de Kabali en Kakhétie, aux confins sud-est de la Géorgie et à quelques kilomètres de la frontière avec l'Azerbaïdjan, semble comme revenu d'une autre époque. C'est le plus grand marché de ce genre en Géorgie, au cœur d'une région témoignant d’une superposition des peuples et des cultures. Là où le pastoralisme rejoint le sédentarisme, quelques perspectives sur un tropisme emblématique de dizaines d’économies locales en Transcaucasie.

La région de Kabali, le district de Lagodékhi, est un espace de transition. Au nord et à l'ouest, la Kakhétie profonde du vin et des traditions géorgiennes. Au sud, la Kakhétie des steppes et des bergers, qui ouvre sur l'Azerbaïdjan et au-delà, la Caspienne et l'Asie centrale.

La zone habitée s'étale comme une lignée entre la muraille de pierre abrupte et sans trouée du Grand Caucase (au-delà de laquelle s'étend le Daguestan en Russie) et la vallée de l'Alazani, vaste lit alluvial de la rivière traditionnellement inhabité en raison des crues, et réservé aujourd'hui à l'agriculture.

Le village de Kabali est en majorité peuplé d'Azéris et c'est l'un des plus anciens de la région. Tout le district de Lagodékhi est composé d'un savant mélange ethnique. Des villages géorgiens, la grande majorité, plus précisément d'Imérétiens de Géorgie occidentale relocalisés ici dans les années 1930 pour peupler cette région alors quasi vide d'habitants ; des villages azéris ; ossètes, en voie rapide de dépeuplement, l'émigration vers l'Ossétie du Nord étant fulgurante ; enfin de groupes ethniques daguestanais (Lezguines, Avars). On trouve même quelques villages d’Oudis, ce peuple chrétien quasiment disparu, formant une petite minorité en Azerbaïdjan, et que l'on dit descendant des anciens Albanais du Caucase.

Pastoralisme

Un groupe de population nomadise tout au long de l'année du nord au sud de la Kakhétie, donnant en quelque sorte son unité à la région : les Touches, bergers originaires des montagnes de Touchétie tout au nord-est, lesquelles constituent les pâturages d'été pour leurs troupeaux. A l'automne, ils descendent toute la vallée de l’Alazani pour atteindre leurs pâtures d'hiver, les steppes de Chiraki à la frontière azérie. Bon nombre d'Azéris du sud de la Kakhétie sont également pasteurs et se déplacent de manière saisonnière dans le sud de la région, franchissant souvent la frontière de leur pays "titulaire", l'Azerbaïdjan.

En somme, le voile du nomadisme fait encore surface dans la région, pour venir se mêler à la culture sédentaire et viticole des Géorgiens. A l'époque soviétique, les peuples nomades ont été à demi-sédentarisés, souvent assignés à surveiller des troupeaux collectivisés. Les cultures « nomades » d'origine n'ont pas tardé à réapparaître en force avec l'effondrement de l'URSS, et dans l'indigence des infrastructures, le cheval a repris une place primordiale dans la culture locale.

Utilisés pour le transport, comme les bœufs et buffles d'eau, mais surtout comme monture pour la surveillance des troupeaux de moutons élevés pour leur laine et leur viande, ces petits chevaux de type arabe rappellent qu'il n'y a pas deux siècles, des peuples turcs nomades en provenance des steppes d'Asie centrale (qui allaient devenir l'un des nombreux composants de la minorité azérie) venaient encore s’établir dans la région .

Nœud d’une économie de subsistance

Important point de commerce des chevaux, bœufs et moutons, installé entre deux villages, le marché aux bestiaux de Kabali se présente comme un vaste espace plat sans infrastructure précise, étalé autour du lit alluvial de la rivière Kabali. Vite boueux quand il a plu, il ressemble surtout à un vaste terrain vague où chaque dimanche, on peut venir tenter de vendre ses bêtes.

Les véhicules (Ladas et charrettes à chevaux pour la plupart) sont vaguement garés sur les côtés, et sur le terrain, les hommes exposent et montent les bêtes, négocient un cheval pour 300 à 2000 laris selon la "qualité" de la bête, son âge, sa taille, sa force. Des courses et essais de charrettes et de chevaux ont lieu entre les étalages, fournissant le divertissement nécessaire aux longues heures d'attente, semant parfois la panique parmi l'attroupement.

L'attirail annexe, selles et étriers, chars ou harnais, est confectionnés à la main, en bois, en cuir ou en peau de mouton. Si le marché aux chevaux ne rassemble quasiment que des hommes, le marché d’équipement, de victuailles, vêtements, et produits divers, sous des halles précaires installées de l'autre côté du site, est l'apanage des femmes et des familles. Ce marché, comme on en trouve de partout dans le Caucase, est néanmoins le plus important du sud de la Kakhétie.

Un facteur d’intégration régionale ?

A l'image du festival religieux d’Alaverdoba, au nord de la Kakhétie, qui a lieu autour de la cathédrale orthodoxe d'Alaverdi et qui est traditionnellement ouvert à toutes les confessions, le marché de Kabali est un point de rencontre des villages et des groupes ethniques de la région. Facteur d’équilibre régional, on vient de loin pour y participer, dans cette province rurale ou l’agriculture et, dans une moindre mesure, le pastoralisme, sont un élément important de l'économie des foyers.

La Kakhétie fait partie des régions les plus multiethniques de la Géorgie, mais elle appartient aussi aux plus stables et aux moins empreintes de tensions ethno-politiques. Si ce phénomène est lié à un grand nombre de facteurs, le mode de gestion des dirigeants locaux, la structure du pouvoir, l’histoire, des causes géostratégiques, il a aussi indéniablement à voir avec le fait que tous les groupes de la région – dont aucun n’est isolé et qui parlent tous le Géorgien comme langue de communication – sont unis dans un système socio-économique particulier qui tourne autour de cette rencontre entre viticulture, pastoralisme, nomadisme et sédentarisme.

« 14 peuples vivent à Lagodékhi », s’exclame dans un toast Batcho, que son métier amène à faire du porte à porte dans toute la région. « Tout le monde a besoin de tout le monde, et tous vivent en paix, en bons voisins. ».

Bien loin de Tbilissi et de la nouvelle Géorgie, le marché de Kabali est un résidu d'âges où le temps n'avance pas aussi vite. C’est un vestige que l'URSS n'a pas enterré, loin de là, et que la Géorgie mettra longtemps à faire disparaître. Les transformations socio-économiques récentes que connaît le pays concernent des domaines précis touchant presque uniquement la population de la capitale. Elles ont bien peu d'impact sur les "écosystèmes" de province. Faute d'une révolution économique durable capable de restructurer de fond en comble une société encore ancrée dans la ruralité et le pastoralisme, le marché de Kabali et ses innombrables parents animeront encore bien des dimanches de micro-régions du Caucase.

Voir aussi le portfolio de Caucaz.com : Le marché de Kabali

Der Markt von Kabali in Kachetien: Regionale Integration durch das Pferd?

Veröffentlicht in Caucaz.com am 26/01/2010

Von Nicolas LANDRU in Kabali/Ninigori
übersetzt von Astrid HAGER



© Nicolas Landru, Der Pferdemarkt von Kabali

Der Viehmarkt von Kabali in Kachetien, an der südöstlichen Grenze Georgiens und einige Kilometer von der Grenzelinie zu Aserbaidschan entfernt, erscheint wie die Wiederkehr einer anderen Epoche. Dieser Markt ist der größte seiner Art in Georgien, im Herzen einer Region, in der sich Völker und Kulturen überlappen. Hier treffen sich Weidewirtschaft und Sesshaftigkeit und lassen Einblicke in den beispielhaften Tropismus von Dutzenden von Lokalwirtschaften im Transkaukasus zu.

Die Region von Kabali, der Bezirk Lagodechi, ist eine Übergangsregion. Im Norden und Westen das tiefe Kachetien mit seinem Weinbau und seinen georgischen Traditionen. Im Süden das Kachetien der Steppen und Hirten, das sich nach Aserbaidschan hin öffnet, und jenseits davon dem Kaspischen Meer und Zentralasien.

Das bewohnte Gebiet zieht sich wie eine Linie zwischen der lückenlosen steinernen Steilmauer des Großen Kaukasus (auf deren anderer Seite sich Dagestan in Russland erstreckt) und dem Alasani-Tal hindurch, jenem Schwemmgebiet am Fluss Alasani, das aufgrund der hohen Überschwemmungsgefahr traditionell nur dünn besiedelt ist und heute hauptsächlich landwirtschaftlich genutzt wird.

Das Dorf Kabali wird überwiegend von Aseris bewohnt und ist einer der ältesten Orte in der Region. Der Bezirk Lagodechi setzt sich zusammen aus einem sehr feingliedrigen ethnischen Gefüge. Zum einen die georgischen Dörfer, die die Mehrheit ausmachen, genauer gesagt, Imeretier aus Westgeorgien, die in den 1930er Jahren hier angesiedelt wurden, um diese damals nahezu menschenleere Gegend zu bevölkern; daneben aserische Dörfer; sowie ossetische Dörfer, die allerdings aufgrund der rasanten Emigration nach Nordossetien immer leerer werden; und schließlich die ethnischen Gruppen der Dagestaner (Lesgier, Awaren). Selbst einige Dörfer der Udis finden sich hier, einer christlichen Volksgruppe, die nahezu verschwunden ist und nur noch eine kleine Minderheit in Aserbaidschan bildet. Von ihnen wird behauptet, sie stammen von den alten kaukasischen Albanern ab.

Weidewirtschaft

Es gibt eine Bevölkerungsgruppe, die das gesamte Jahr hindurch vom Norden in den Süden Kachetiens als Nomaden umherzieht und auf diese Weise die Region sozusagen zusammenhält: die Tuschen, ein Hirtenvolk aus den Bergen von Tuschetien ganz im Nordosten des Landes, wo sich die Sommerweiden ihres Viehs befinden. Im Herbst treiben sie ihr Vieh das gesamte Alasani-Tal herunter, um ihre Winterweiden, die Steppen von Schiraki an der aserischen Grenze zu erreichen. Auch zahlreiche Aseris aus dem Süden Kachetiens sind Hirten und ziehen saisonbedingt in den Süden der Region, wobei sie häufig die Grenze zu ihrem „Stammland“ Aserbaidschan überschreiten.

Letztlich taucht die Spur des Nomadentums nach wie vor in der Region auf und verschmilzt mit den Traditionen der Sesshaftigkeit und des Weinbaus der Georgier. Zur Sowjetzeit waren die Nomadenvölker halb sesshaft und oft dazu eingeteilt, sich um das Vieh der Kolchosen zu kümmern. Die ursprünglichen „nomadischen“ Kulturen erlebten jedoch rasch nach dem Zusammenbruch der UdSSR eine starke Renaissance und aufgrund fehlender Infrastrukturen eroberte sich das Pferd seinen einst so wichtigen Platz als Verkehrsmittel in der lokalen Kultur zurück.

Wie Rinder oder Wasserbüffel werden Pferde für den Transport, aber vor allem auch als Reittier für die Bewachung der Schafherden genutzt, die wegen Ihrer Wolle und Ihres Fleisches gehalten werden. Diese kleinen Araberpferde erinnern daran, dass noch vor 200 Jahren nomadische Turkvölker aus den Steppen Zentralasiens (die zusammen mit anderen ethnischen Gruppen zu einem Bestanteil der aserischen Minderheit wurden) in diese Region gekommen waren, um sich dort anzusiedeln.

Knotenpunkt einer Subsistenzwirtschaft

Der Viehmarkt von Kabali, eines der wichtigsten Zentren für den Handel mit Pferden, Rindern oder Schafen, befindet sich zwischen zwei Dörfern und erscheint als eine riesige, ebene Fläche ohne genauer definierbare Infrastruktur, die sich entlang des Schwemmlandes des Flusses Kabali ausbreitet. Schnell verschlammt, sobald es regnet, gleicht er in erster Linie einem weitläufigen, verschwommen Platz, auf dem man jeden Sonntag versuchen kann, sein Vieh zu verkaufen.

Die Fahrzeuge (zumeist Ladas und Pferdewagen) sind mehr oder weniger an den Seiten geparkt, auf dem Platz selbst präsentieren die Männer ihr Vieh, verhandeln den Preis eines Pferdes zwischen 300 und 2000 Lari, je nach „Qualität“ des Tieres, seines Alters, seiner Größe und seiner Stärke. Rennen und Probefahrten mit Karren oder Pferden finden zwischen den Auslagen statt, um in Anbetracht langer Wartezeiten für Zeitvertreib zu sorgen, was aber manchmal auch zu Panik in der Menschenmenge führen kann.

Das gesamte Zubehör wie Sattel und Steigbügel, Karren oder Geschirr ist Handarbeit, gefertigt aus Holz, Leder oder Schafsfell. Während der Pferdemarkt nahezu ausschließlich Männer ansammelt, so ist der Markt für Haushaltswaren, Lebensmittel, Kleidung und andere Produkte, der notdürftig in Hallen auf der anderen Seite untergebracht ist, den Frauen und Familien vorbehalten. Dieser Markt, wie man ihn in dieser oder in ähnlicher Form überall im Kaukasus finden kann, ist gleichwohl der bedeutendste im Süden Kachetiens.

Ein Faktor der regionalen Integration?

Ebenso wie das religiöse Festival Alaverdoba, das im Norden Kachetiens, um die orthodoxe Kathedrale von Alaverdi herum veranstaltet wird und traditionell allen Konfessionen offen steht, ist auch der Markt von Kabali ein Treffpunkt für die Dörfer und ethnischen Gruppen dieser Region. In dieser ländlichen Gegend, in der die Landwirtschaft und in geringerem Maße auch die Weidewirtschaft nach wie vor wichtige Elemente der privaten Wirtschaft sind, stellt er einen wichtigen Punkt des regionalen Gleichgewichts dar, zu dem man von weit her anreist, um daran teilhaben zu können.

Kachetien zählt zu den Regionen in Georgien, die am meisten multiethnisch geprägt sind, gleichwohl gilt sie auch als eine der stabilsten Regionen des Landes mit den geringsten ethno-politischen Spannungen. Auch wenn dieses Phänomen an eine Vielzahl von Faktoren geknüpft ist, wie z.B. die Organisation der lokalen Führung, die Machtstrukturen, die Geschichte, geostrategische Überlegungen, so ist doch zweifelsohne augenscheinlich, dass sämtliche Gruppen dieser Region, von denen keine isoliert lebt und die alle Georgisch als gemeinsame Verkehrssprache benutzen, in einem besonderen sozio-ökonomischen System vereint leben, das sich genau auf dieses Zusammentreffen von Weinbau, Weidewirtschaft, Nomadentum und Sesshaftigkeit stützt.

„14 Völker leben in Lagodechi“, beschwört Batscho, der aufgrund seines Berufes von Haus zu Haus durch die gesamten Region zieht, in einem Trinkspruch. „Jeder braucht jeden und alle leben als gute Nachbarn in Frieden zusammen.“

Weit ab von Tbilissi und dem neuen Georgien ist der Markt von Kabali ein Überbleibsel jener Tage, in denen die Zeit nicht so schnell verging. Er ist ein Relikt, das die Sowjetunion nicht begraben hat und das – im Gegenteil – Georgien sobald nicht beerdigen wird. Die jüngsten sozio-ökonomischen Transformationen in Georgien betreffen nur die wenigen Bereiche, die die Bevölkerung der Hauptstadt berühren. Sie haben aber kaum Auswirkungen auf die „Ökosysteme“ der Provinz. In Ermangelung einer nachhaltigen wirtschaftlichen Revolution, die fähig wäre, eine nach wie vor tief im Landleben und in der Weidewirtschaft verankerte Gesellschaft komplett neu zu strukturieren, werden Märkte wie der von Kabali noch einige Sonntage Mikroregionen des Kaukasus beleben.

Siehe auch die Fotogalerie von Caucaz.com: Der Kabali-Viehmarkt

dimanche 10 janvier 2010

Noël et jour de l'an à Tbilissi


"Guilotsavt akhal tsels..."

Pour les fêtes 2009-2010, la mairie de Tbilissi a cette fois investi dans une grandiose décoration de style "opéra", avec lustres et lumières blanc diamant. L'avenue principale, Roustavéli, a été recouverte d'un tapis de petits lampions scintillants aspirant à l'élégance et au style grand siècle.

Si certains en sont fiers, d'autres reprochent à ces décorations de n'être destinées qu'aux "beaux quartiers", tandis que l'immense majorité de la ville est toujours aussi sombre.

D'autres encore spéculent sur leur coût (million de dollars?) et sur le fait qu'on eût pu investir cet argent autrement, par exemple dans la vieille ville de Tbilissi qui s'effondre littéralement. Enfin, certains disent qu'avant les élections municipales au printemps prochain, le Mouvement National au pouvoir veut mettre en mettre plein la vue...


Photos et texte : Nicolas Landru