vendredi 17 avril 2009

Le rôle des macroperspectives appliquées aux conflits de Géorgie



Par Nicolas Landru


La recherche occidentale et post-soviétique prenant comme objet les conflits séparatistes de Géorgie et qui forme une discipline spécialisée, la « conflictologie » (1), utilise principalement trois macroperspectives dont elle met souvent en avant l’intercorrélation. Selon ce courant d’analyse, la rencontre de phénomènes « conflictogènes » relevant de ces trois catégories serait la cause profonde de l’explosion des conflits séparatistes en Géorgie et dans le Caucase en général, ou en tous cas se superposerait à un terrain local préalablement porteur de conflit, pour lui conférer une dimension internationale.

Transition politique dans l’espace post-soviétique

Il s’agit premièrement de la « transitologie », qui se focalise sur les dynamismes de la transformation politique dans l’espace post-soviétique. Elle tend vers l’analyse, volontiers comparée, des différentes ex-régions soviétiques qui ont connu et connaissent encore un processus de transition du communisme vers la démocratie, parfois vers la dictature. Cette discipline a pour cadre l’espace post-soviétique, ce qu’il contient de spécifique et de commun à des régions fort éloignées (le Tadjikistan et la Lituanie par exemple). Elle permet aux différents phénomènes régionaux d’être mis en parallèle et comparés. Le phénomène politique observé est la transition, dans certains cas douloureuse, d’un système communiste vers un système de forme démocratique, impliquant un renouvellement ou une reconversion des élites. Il est souvent accompagné de l’apparition de nouvelles structures politico-territoriales, tels que les nouveau Etats indépendants (Géorgie, Azerbaïdjan, Kazakhstan…) ou bien, dans les cas conflictuels, les régions séparatistes (Abkhazie, Ossétie du Sud, Nagorno-Karabagh, Transnistrie, Tchétchénie). Un nouveau jeu de pouvoir s’est mis en place après l’effondrement de l’Union Soviétique. Les séparatismes, tout comme l’unitarisme des Etats concernés, se trouvent au cœur des nouvelles affiliations, rivalités et légitimités politiques.

On peut donc analyser la première phase des conflits séparatistes de Géorgie, de la fin des années 1980 à 1993, sous le prisme d’une transition de système et de reconversion des élites de la nomenklatura locale au pouvoir. L’Ossétie du Sud et l’Abkhazie étaient à l’époque soviétique deux entités territoriales dotées d’institutions autonomes, basées sur des critères ethniques. Ces critères ne reflétaient pas nécessairement la réalité démographique de l’entité autonome : en Abkhazie, les Abkhazes étaient de loin une minorité sur la population totale, moins nombreux même que d’autres minorités (les Arméniens par exemple). Pourtant, le parlement et les ministères de la République autonome étaient réservés aux Abkhazes ethniques. L’ethnie et la langue abkhazes constituaient par là même une plateforme idéale pour les ambitions politiques : dès les années 1970, promouvoir l’enseignement universitaire en Abkhaze, limiter la pression démographique des Géorgiens ou le centralisme de Tbilissi ont constitué des prototypes de combats politiques en mesure d’asseoir la légitimité des leaders abkhazes soviétiques, qui sont devenus avec la perestroïka (restructuration) de l’URSS des leaders indépendantistes (2). Tout comme la préservation de la langue géorgienne et l’indépendance vis-à-vis de Moscou ont représenté un corpus de revendications promues par une élite géorgienne indépendantiste qui allait gouverner un nouvel Etat. Dans la mouvance de la perestroïka initiée sous Mikhaïl Gorbatchev au milieux des années 1980, alors que la dislocation centrifuge de l’URSS était entamée et que l’idéologie communiste cessait de jouer un rôle unificateur, les leaders abakhzes allaient s’appuyer sur les institutions autonomes et les revendications politiques que celles-ci cautionnaient pour pérenniser leur pouvoir et empêcher le leadership de Tbilissi d’intervenir dans leur espace de coercition. En Abkhazie, la transition d’un système politique socialiste, centralisé et autoritaire, vers un ordre revendiquant la démocratie et le « principe de liberté des peuples à disposer d’eux-mêmes », allait se traduire par une reconversion des administrateurs locaux du système central en des dirigeants potentiels d’un Etat indépendant.

« Dès que le système central a commencé à se fracturer, la composante nationale à repris le dessus. Les élites nationales ont alors promu les idées nationalistes pour continuer d’affermir leur pouvoir local au détriment de Tbilissi. » (3)

Les cadres de l’administration soviétique allaient endosser la cause ethno-nationaliste pour devenir des leaders politiques selon le modèle des dirigeants des démocraties occidentales : président, premier ministre, ministre, etc. La République Soviétique Autonome se voulait un Etat indépendant, les cadres soviétiques des chefs d’Etat à l’occidentale.

En Ossétie du Sud, le même type d’analyse peut être fourni, à ceci près que les institutions d’un Territoire autonome étaient moins évoluées que celles d’une République autonome telle que l’Abkhazie. Elles avaient un profil politique, éducatif, culturel et linguistique sensiblement moins développé. La nomenklatura ossète, en grande partie composée de directeurs de kolkhozes, était moins préparée encore que celle d’Abkhazie à jouer un rôle de leadership politique d’envergure. Dans cette perspective, le pas du Territoire Autonome d’Ossétie du Sud vers une République souveraine était plus grand que dans le cas abkhaze.

Diamétralement opposée, la stratégie des leaders Géorgiens consistant à revendiquer l’existence d’un Etat géorgien indépendant sur la base du territoire de l’ancien territoire de la République Socialiste Soviétique de Géorgie est entrée en conflit avec les velléités des élites des institutions des entités autonomes. La question de la légalité engendrée par les statuts territoriaux soviétiques est à ce propos pertinente (voir ci-dessous), puisqu’elle pose la différence en termes de droit entre deux types d’indépendances qui ont en réalité les mêmes fondements de légitimité ethno-identitaires : celles des anciennes Républiques de l’Union, comme la Géorgie, et celles des anciens Républiques et Territoires Autonomes d’une République de l’Union (Abkhazie, Ossétie du Sud).

Dans la perspective des prismes offerts par une étude transitologique, la « guerre d’août 2008 » est un avatar tardif de ce processus de transition politique conflictuel, qui a vu une nouvelle démarche des dirigeants de Tbilissi pour asseoir leur domination sur un territoire revendiqué qui lui échappait encore, l’Ossétie du Sud. Après l’échec de cet politique, engendré par l’intervention de la Russie pour défendre le territoire séparatiste, ce processus a débouché sur une nouvelle affirmation politique des deux entités séparatistes, dont la reconnaissance officielle par la Russie constitue une nouvelle étape.

Une confrontation OTAN/Russie à travers les conflits de Géorgie : une prolongation de la guerre froide ?

Le 26 août 2008, après que la Russie ait reconnu l’indépendance de l’Abkhazie et de l’Ossétie du Sud, le président de la Géorgie Mikhaïl Saakachvili déclarait :

“Now the restoration of Georgia’s territorial integrity and protection of Georgia’s independence is no longer a matter of only Georgia or a matter of Georgia-Russian relations; this is a matter of Russia and the rest of the civilized world.” (4)

Le président géorgien veut ici démontrer que le conflit a été « internationalisé » et que la Géorgie fait partie d’un camp. La deuxième macroperspective prise en compte en conflictologie caucasienne est la « géopolitique post-guerre froide », sous-tendue par un postulat : la concurrence entre le « camp OTAN » et la Russie s’est poursuivie au-delà de l’effondrement de l’URSS. Beaucoup de productions des médias internationaux et d’essais généralistes contemporains véhiculent cette vision (5). Les ex-Républiques soviétiques et ex-pays satellites de l’Union Soviétique seraient au cœur d’un affrontement qui consiste en une velléité américaine de gagner du terrain sur les « fiefs » russes et en une tentative de Moscou de défendre ses positions, voire de reconquérir son empire démantelé. Le cadre géographique de ce champ est à la fois mondial, puisqu’il décrit la querelle de superpuissances pour le contrôle d’une partie du monde, et régional, puisqu’il se concentre sur les zones d’achoppement entre les deux blocs géopolitiques. Cette zone aurait reculé en défaveur de la Russie et les points d’affrontements actuels (Géorgie, Ukraine, Kirghizistan) ne seraient pas de nature bien différente de ceux de l’époque de la guerre froide (Corée, Viêt-Nam, Afghanistan). Les phénomènes observés sont en particulier :

-l’expansion de l’OTAN (aux pays Baltes, candidatures de la Géorgie ou de l’Ukraine) ;

-le soutien américain, notamment militaire et financier, aux nouveaux Etats qui se sont affranchis de Moscou et s’opposent au moins partiellement à la Russie : Géorgie, Ukraine, Kirghizistan, Azerbaïdjan, Ouzbékistan, Moldavie… Comme le fait remarquer Silvia Serrano, la Géorgie était en 1999 et 2000 le troisième pays au monde bénéficiaire d’aide américaine par habitant ; les programmes de soutien financier ont été massifs (le Millenium Challenge Programme, composé de 295 millions de dollars), y compris pour lancer le financement des membres du gouvernement de la Révolution des Roses (6).

-les « révolutions colorées », changements de régimes provoqués par une révolution populaire qui s’est opposée aux anciennes élites soviétiques plus ou moins affiliées à Moscou pour les remplacer par une nouvelle équipe gouvernementale pro-occidentale et revendiquant la démocratie. Ces révolutions colorées, fortement soutenues voire provoquées par Washington, seraient partie intégrante d’une stratégie américaine de gain d’influence dans l’espace post-soviétique. Inspirées du modèle Serbe de 2000, il s’agit par ordre chronologique de la Révolution des Roses de Géorgie en 2003, qui a porté l’équipe de Mikhaïl Saakachvili au pouvoir, de la Révolution Orange en Ukraine (2004) et de la Révolution des Tulipes au Kirghizistan (2005). En Géorgie, la Révolution des Roses a ceci de spécial qu’elle a renversé un leader, Edouard Chévardnadzé, qui certes avait été un dirigeant soviétique, mais qui n’était pas pro-russe, loin de là. D’importants accrochages diplomatiques et conflits plus ou moins directs avaient eu lieu entre Moscou et Tbilissi sous le mandat de ce dernier, qui par ailleurs avait de bonnes relations avec les pays occidentaux, notamment l’Europe et l’Allemagne. Avant d’arriver au pouvoir, Mikhaïl Saakachvili prônait même une amélioration des relations avec le voisin russe, avant de mener une politique bien plus radicalement antirusse que Chévardnadzé. De même, Vladimir Poutine déclarait lors de l’élection de Saakachvili qu’il espérait que ce soit de bonne augure pour les relations russo-géorgiennes. Il serait donc simplificateur de voir en le « phénomène coloré » de Géorgie un choix initialement délibérément antirusse. En revanche, c’est tout un héritage soviétique, donc avant tout « d’importation russe » aux yeux des Géorgiens, que la Révolution des Roses se promettait de balayer : népotisme, corruption, clientélisme, opacité, léthargie sociale, clanicité, aussi un pragmatisme désidéologisé… Au profit d’un libéralisme démocratique volontariste, jeune (7), moderne, capitaliste et surtout très orienté vers un modèle spécifiquement américain.

En contrepartie, le soutien de la Russie aux conflits séparatistes de ces nouveaux Etats serait une carte dans les mains du Kremlin pour tenter d’entraver l’émancipation de ses anciennes « colonies » et de gêner l’adhésion de celles-ci au camp OTAN. Ce soutien aux conflits participeraient de la même politique extérieure russe que l’appui sur la minorité russophone en Ukraine : soutenir une population loyale envers Moscou ou en tous cas en porte-à-faux, pour des raisons ethniques, avec l’autorité centrale des pays concernés. Il s’agit donc de l’Abkhazie et de l’Ossétie du Sud en Géorgie et de la Transnistrie en Moldavie. Dans une moindre mesure, l’Azerbaïdjan a également accusé Moscou d’avoir soutenu les Arméniens séparatistes du Nagorno-Karabakh pour paralyser l’indépendance Azérie.

Les problématiques liées aux relations russo-américaines se retrouveraient donc directement dans les conflits de Géorgie. Selon Thomas Balivet, « ce contexte est à envisager dans les grandes tendances qui existent depuis les deux évènements clés qui ont été l’élection de V. Poutine en Russie en mars 2000 et les attentats du 11 septembre 2001 aux Etats-Unis » (8)

Il y aurait donc deux tendances résultant en une confrontation en Géorgie : en Russie, la reconstitution d’une Russie forte et décidée à réintégrer son territoire perdu lors du fiasco politico-économique de la fin des années 1980 et des années 1990 ; côté américain, une nouvelle tentative de sécuriser l’équilibre mondial, passant par un contrôle du Moyen-Orient et des périphéries de l’ex-URSS, dont la Géorgie est l’allié idéal.

Si cette configuration semble avoir été accélérée depuis la Révolution des Roses de 2003 et portée à son apogée lors de la « guerre d’août 2008 », l’armée russe étant intervenue militairement en Géorgie en défense des séparatistes sud-ossètes, Washington et l’OTAN ayant clairement pris diplomatiquement position pour Tbilissi et contre Moscou, il est en revanche loin d’être établi que cette constellation ait été côté russe le fruit d’une stratégie unanime et programmée. Les conflits du début des années 1990 ont été particulièrement embrouillés et l’attitude de la Russie à leur égard ambiguë. Alors que l’armée russe armait les rebelles abkhazes, Moscou portait officiellement son soutien à Edouard Chévardnadzé et à l’armée géorgienne. Aucune analyse ne saurait être unanime quant au rôle exact joué par Moscou dans les conflits des années 1990, ce rôle ayant pu en outre être divergeant selon les ministères (défense, intérieur, affaires étrangères), ou même les responsables (officiers de l’armée, ministres). Même lors de l’arrivée de M. Saakachvili au pouvoir, il semblait que les relations russo-géorgiennes aient été prêtes à repartir aux beaux fixes, sans que la Russie perçoive instantanément la Révolution des Roses comme une menace. Ce processus de « cristallisation » autour de deux camps post-guerre froide semble surtout s’être rapidement accéléré dans les 4 ans ayant précédé la « guerre d’août 2008 ».

La thèse d’une « guerre des hydrocarbures »

La troisième macroperspective fréquemment appliquée à l’analyse conflits séparatiste est une approche géostratégique qui met les enjeux économiques et surtout énergétiques au centre des politiques globales et locales. Les pays Occidentaux seraient avant tout intéressés par le contrôle de l’acheminement des hydrocarbures des zones de gisements vers leurs territoires et tenteraient de mettre le plus de cartes de leur côté pour un approvisionnement sécurisé et bon marché. Ainsi, le Caucase serait une zone de transit majeure entre les gisements de la Caspienne et la zone OTAN (Turquie) qui offrirait une alternative intéressante aux hydrocarbures russes dont l’achat implique une dépendance économique et politique à l’égard de la Russie. C’est ce que l’on appelle le développement des axes longitudinaux, au cœur du « Grand Echiquier » théorisé par Zbigniew Brzezinski (9). Ainsi, en Azerbaïdjan et en Géorgie, les Occidentaux tenteraient de s’aménager une zone protégée, ce que les Russes tenteraient d’empêcher pour s’assurer le monopole ou en tous cas une domination du marché via les pipelines qui passent par leur territoire.

Selon le géopolitologue François Thual,

« Cette bataille des oléoducs a pour conséquence de désenclaver géopolitiquement et géographiquement le Caucase, qui se voit proposer deux grandes radiales d’évacuation : l’une traditionnelle, favorable à la Russie et suivant un axe sud-nord ; l’autre, un axe est-ouest, qui représente le schéma américain et occidental. (10) »

L’oléoduc Bakou-Tbilissi-Ceyhan qui relie les champs pétroliers d’Azerbaïdjan au port turc de Ceyhan, a été construit par la British Petroleum et inauguré le 10 mai 2006. Il traverse la Géorgie d’est en ouest dans le sud du pays sur 260km, sur les hauteurs de la chaîne du Petit Caucase. Son parcours en Géorgie n’est pas directement mis en danger par les conflits séparatistes, dont les territoires se trouvent au nord du pays. La seule zone politiquement sensible qu’il traverse est la Djavakhétie, qui connaît des tensions en raison de revendications autonomistes d’une partie de la communauté arménienne qui l’habite en grande majorité.

En revanche, on a pu constater à plusieurs reprises lors de l’intervention militaire russe sur le territoire géorgien en août 2008 que sa mise en danger était un argument potentiel visant à amener les puissances occidentales à intervenir aux côtés de la Géorgie. Du moins l’on peut supposer que ce fut le calcul des autorités géorgiennes : à deux reprises, le ministère de l’Intérieur géorgien annonçait que l’oléoduc avait été touché par des bombardements russes, ce que démentait aussitôt British Petroleum. Sans rapport avec le conflit géorgien, le pipeline était dans le même temps incendié sur le territoire turc et subséquemment fermé pour un temps. Ce fait du hasard jette un flou supplémentaire sur la question du rôle que la peur occidentale d’un endommagement de l’oléoduc et les motivations politiques visant à sa protection ont réellement joué durant le conflit.

Quoiqu’il en soit, la thèse d’une « guerre des hydrocarbures », parfois mise en avant notamment dans les médias anglo-saxons, sous-tendue par approche pan-économiste où les acteurs et intérêts locaux seraient supplantés par des intérêts économiques globaux bien plus importants serait trop restreinte pour définir les tenants et les aboutissants des conflits de Géorgie. Ce prisme reflète néanmoins de réels intérêts pour lesquels les acteurs politiques internationaux sont certainement prêts à beaucoup investir. Avant tout, il représente en Géorgie l’un des atouts vis-à-vis des Européens et des Américains dont le leadership géorgien est conscient et qu’il sait exploiter pour accroître l’importance de son pays aux yeux de ses alliés, tantôts européens, tantôt américains (11). L’emphase d’une identité européenne et chrétienne (12), d’une authentique culture démocratique, d’une lutte contre l’héritage soviétique ou bien contre le terrorisme islamiste (13) relève de la même stratégie. Mais pris de manière isolée, une telle approche tend largement à décontextualiser le cadre géographique, politique et social dans lequel se situent ces enjeux énergétiques, à occulter le jeu complexe du pouvoir politique, tant local que global, ainsi que l’importance des motivations ethno-identitaires et à réduire les manœuvres politiques à des enjeux économiques.

Portée et conséquences du prisme des macroperspectives

Très majoritairement, les journalistes, analystes, experts régionaux, spécialistes des conflits ou de disciplines des sciences humaines (sciences politiques, sociologie, relations internationales, géopolitique), voire responsables politiques occidentaux cherchant à expliquer la genèse de la guerre d’août 2008 et des conflits séparatistes de Géorgie en général ont jusqu’à présent opté pour des approches s’appuyant sur une macroperspective issue d’une de ces catégories. En revanche, ils ont largement laissé pour compte des analyses plus « localistes », « autochtonistes », basées sur une observation du jeux des acteurs politiques, économiques et sociaux locaux, de leurs stratégies et appropriations de la situation de conflit. Encore, l’étude des structures de construction des identités collectives et de leur interrelation avec les comportements et décisions des nombreux protagonistes locaux est jusqu’à présent loin d’avoir été privilégiée. Enfin, la vision du « grand échiquier » tend également à occulter la part de « l’incontrôlable », de l’ « imprévisible » et du « réversible » dans la genèse du mécanisme de conflit à l’œuvre en Ossétie du Sud ou en Abkhazie.

Cette consistance du discours analytique répandu dans les pays Occidentaux a naturellement une insistance sur les dynamiques des conflits et des démarches entreprises pour leur résolution : les acteurs politiques locaux justifient leurs décisions et optent pour certaines stratégies aussi en fonction des réactions internationales : ils se servent également de ces macroperspectives pour affiner l’image du conflit qu’ils cherchent à diffuser auprès de la communauté internationale. Celle-ci prend à son tour des décisions concernant les conflits fondées sur certaines visions développées par l’expertise s’appuyant sur ces macroperspectives.

Notes

(1)L’utilisation du terme « conflictologie » a été déplacée du champ sociologique vers le champ géopolitique dans les années 1990 pour désigner un domaine particulier des sciences politiques doté d’un corpus théorique spécifique, visant à formuler une analyse performante des différents conflits séparatistes du monde post-communiste (Caucase, Asie Centrale, Moldavie, Balkans) qui avaient des origines communes ou des parallélismes flagrants. Cf. les travaux de Valery Tishkov, par exemple Ethnic Conflicts in the Former USSR : the Use and Misuse of Typologies and Data, Tishkov Journal and Peace Research, vol. 36, n.5 (1999), p.571-591
(2)Thomas Balivet, Géopolitique… , p. 90
(3)Thomas Balivet, Géopolitique de la Géorgie, Souveraineté et Contrôle des Territoires, L’Harmattan, Paris 2005, p. 90
(4)« A présent, la restauration de l’intégrité territoriale de la Géorgie et la protection de l’indépendance de la Géorgie n’est plus l’affaire de la simple Géorgie ou l’affaire des relations Géorgie-Russie ; c’est l’affaire de la Russie et du reste du monde civilisé. » Traduction de l’auteur. Source : http://www.president.gov.ge/?l=E&m=0&sm=3&st=30 , 26 août 2008, The President of Georgia Mikheil Saakashvili’s statement (site visité le 10/10/2008)
(5)En témoigne par exemple le livre de Gaïdz Minassian, Caucase du Sud, la nouvelle guerre froide – Arménie, Azerbaïdjan, Géorgie, Editions autrement, Paris 2007
(6)Silvia Serrano, Géorgie, Sortie d’Empire, CNRS Editions, Paris 2007, p.251
(7)La moyenne d’âge de l’équipe des cadres issus de la Révolution des Roses est l’une des plus jeunes au monde. Mikhaïl Saakachvili a été élu président à l’âge de 37 ans, il est plus âgé que les membres de son gouvernement.
(8)Thomas Balivet, Géopolitique de la Géorgie, Souveraineté et Contrôle des Territoires, L’Harmattan 2005, Paris, p. 101
(9)Silvia Serrano, Géorgie, Sortie d’Empire, CNRS Editions, Paris 2007, p. 252
(10)François Thual, Le Caucase, Arménie, Azerbaïdjan, Daghestan, Géorgie, Tchétchénie, Dominos Flammarion 2001, p. 63
(11)Cf. Silvia Serrano, Géorgie, Sortie d’Empire, CNRS Editions, Paris 2007, p.236-238
(12)Idem, p. 238
(13)Idem, p. 256/257

mercredi 15 avril 2009


©Birgit Kuch, Marjanishvili in Tbilisi

By Birgit KUCH, University of Leipzig in Tbilisi/Leipzig,
Article published in Caucaz.com on March 21, 2009

Georgian society has undergone rapid changes and continuous transformation in recent years, and determining attitudes towards the Soviet past remains a complex and difficult issue. Which historical moments should be remembered and which ones are better to be forgotten is still a matter of ongoing discussion. A look at the changes and continuities experienced by the Marjanishvili State Academic Drama Theatre in Tbilisi provides a vivid example of how these questions concerning collective identities, memories and representations are being discussed in Georgia today.


A new generation at the Marjanishvili Theatre

The Marjanishvili, which celebrated its 80 years of existence last November, is exemplary of the generational changes and both the aesthetic, thematic and political trends that have been observed in Tbilisi’s theatres and in other institutions since the Rose Revolution. After three years of renovation, the theatre, its picture frame stage and 480 seats, reopened in September 2006 with a new artistic director, Levan Tsuladze. A graduate from the Shota Rustaveli Theatre and Film Institute of Tbilisi, Tsuladze’s roots are in Tbilisi’s free theatre scene. With his nomination to the post, a representative of the younger generation of stage directors became artistic director of the Marjanishvili.

In 1997, Tsuladze co-founded the Sardapi ‘Basement’ Theatre, where he staged a large number of productions, mainly comedies and vaudevilles. With his entertaining works he secured the lasting interest of a predominantly young public, transforming the Sardapi into one of the most popular theatres in town. In 2003, the theatre’s success led to the opening of a second Sardapi branch in the Vake district.

Today, Tsuladze successfully applies the same strategy of creating attractive spectacles for a young audience, only this time for the Marjanishvili. He has worked for the theatre in the past and in December 2005 he received a medal of honour from President Saakashvili for his accomplishments as a director. At the ceremony Saakashvili gave awards to other honourees who were either too young to have Soviet pasts or who had never been associated with the old elite. At the same time, the President used strong words to verbally attack the so-called “red intelligentsia”. (1) The event is an example of post-revolutionary Georgia’s continuation of traditional Soviet practices albeit with strong anti-Soviet rhetoric.

Since reopening in 2006 the Marjanishvili’s repertoire has been characterized by a remarkable heterogeneity. The theatre hosts not only premieres and new performances, but also productions that were performed before the renovation.

Both Georgian and foreign plays in translation have been performed in recent years under the leadership of a variety of directors, including Tsuladze. Three popular productions from three directors of different generational backgrounds give a clear idea of the negotiations taking place on the Marjanishvili’s stage.

“Art”: A Western play performed in Georgia

The first of these productions is Temur Chkheidze’s “Art”. Chkheidze graduated from the Rustaveli Theatre and Film Institute as a director in 1965. During the 1980s, like Tsuladze today, he was artistic director of the Marjanishvili. Although during the 1990s he worked full time at the BDT in St. Petersburg, he regularly returned to the Marjanishvili and other theatres in Tbilisi to direct productions such as “Art”, which premiered in October 1999.

Three middle-aged friends get into a quarrel about a painting that one of them bought. The entirely white canvas of the piece initially raises questions on sense and meaning, but step by step the discussion also threatens to challenge their friendship. In his Georgian adaptation of the internationally acclaimed play by contemporary French writer Yasmina Reza, Chkheidze worked closely with the text, focusing on simplicity. The set is minimalist: there is a carpet that functions as the stage, several chairs and of course, the white painting. The production’s main characteristic is the expressive and occasionally comical acting which involves quick verbal exchanges that sometimes break the “fourth wall” by directing the discussion towards the spectators.

Strikingly, this adaptation for the Georgian stage exceeded the literal interpretation of the play. By giving explicitly Georgian names to the characters and even to the unseen, but oft-mentioned painter, the plot was naturalized. On the one hand, in staging the international hit at Marjanishvili, the theatre and the audience delve into Western culture. This appears to be true as well for the content of the play, which resumes long-lasting discussions on the uses and significations of abstract art. In order to make the plot truly socially relevant for the local audience, however, it seems to have been necessary to transplant the plot to a clearly Georgian setting.

“Kakutsa Cholokhashvili”: A Georgian National Epic

“Kakutsa Cholokhashvili” was directed by Levan Tsuladze and first performed in May 2007. The play about resistance hero Cholokhashvili who fought against the Bolsheviks in the 1920s was written by Guram Kartvelishvili, who also received a medal of honour from President Saakashvili in 2005. Georgia’s Ministry of Defence was one of the theatre’s main partners, donating 15 guns, which were used to great effect during the performance.

Comments by the director himself indicated that the production fits into the context of the intellectual militaristic mobilization that came along with Georgia’s increased military spending long before the outbreak of 2008’s August War. “I hope that the performance will be interesting and important,” Tsuladze told the English language newspaper Georgia Today in March 2007. “It will be a heroic saga that will serve the military aspirations in Georgia that benefit our country,” he continued.

It is pleasant for me to work on this performance. It does not mean that the theatre will turn into the heroic one but I do believe that this genre is necessary for the Georgian population today. Kakutsa Cholokashvili is my ideal. He was a real hero. I want to restore the popularity of the profession of officer in Georgia, as I believe there can be no better job for a man. (2)

Consequently, Cholokhashvili’s central character embodies a heroic, rather non-scientific image of the past, which has many features of a patriotic historical master narrative. Although there are some female characters on stage, it’s a man’s world that Tsuladze presents: in addition to depictions of the life, deeds and death of the hero, there are several battle scenes, accompanied by pathos and bawdy humour.

While the producers brought the glorious military performance of the hero, defeated at last, into focus before the August War, a slight, but important shift in meaning has taken place since. Today, the production seems to be a reminder of the Red Army’s 1921 invasion which resulted in Georgia‘s integration into the Soviet Union. Following the recent war with Russia, the portrayal of the 1921 invasion also now evokes the events of August 2008. In the context of this war, the ideal of heroic resistance against the intruder acquires a new significance, even if this resistance resulted in defeat. Therefore, the historical character of Cholokhashvili, who had not been officially remembered for decades, could turn into a symbol of 2008’s “fight against imperialism”.

“Uriel Acosta”: A Kind of Nostalgic Museum

While “Kakutsa Cholokhashvili” is in line with today’s official readings of the past that promote memories of an oppressive occupation by the Soviet empire, another production at the Marjanishvili, “Uriel Acosta”, functions as a vehicle through which nostalgic memories of Soviet times seem to be possible. “Uriel Acosta” was directed by the theatre’s founder Kote Marjanishvili in 1929, and brought back in 2006 by the late actress Sophiko Chiaureli. In the intervening years, the play had been revived several times by Veriko Anjaparidze, Chiaureli’s mother, who first played the lead role, before passing it on to her daughter. She took care to maintain the Marjanishvili production as authentically as possible, and Chiaureli strove to do the same in 2006. As a result, a piece of early Soviet Avant-garde theatre has survived for decades in Tbilisi

The play by 19th century German writer Karl Gutskow is situated in Amsterdam’s 17th century Jewish community. The main character, Uriel Acosta, is revolting against the backwardness and narrow-mindedness of his surroundings that have prevented him from marrying his beloved Judith. After Judith is forced to marry another man and Uriel is expelled by the others, the couple commits suicide.

While staging ”Uriel Acosta”, Marjanishvili clearly emphasised the play’s revolutionary message. Armed with his experiences from Russia’s Theatrical October, he returned to Georgia after the Bolshevik annexation, and continued to create revolutionary theatre, laying the groundwork for modern theatre in his home country at the same time. However, the production’s historical and political background and its links to the Avant-garde movement do not appear to be the main concern today. For the time being, memories of the bygone stars, who had been involved in the original production, and the good old times they represent, appear to be in the foreground.

As a result, there is little room for interpretation for actor couple Nato Murvanidze and Nika Tavadze (who also embodies Cholokhashvili), who play the leading roles in the contemporary version of “Uriel Acosta”. Their task instead is to incarnate their forbears. It is this system of dynastic transmission of tradition that gives the Marjanishvili theatre its character of a self-referential realm, a storehouse of collective memory. Other ever-lasting attributes of the Marjanishvili were and are its specific topicality, its being in line with the spirit of the times, as much as its closeness to the respective holders of power.

These three exemplary productions presented at the Marjanishvili indicate that there are many competing images and narrations attempting to answer questions about Georgia’s collective identity issues. This plurality of representations is also true for Tbilisi’s theatre landscape in general, where the Marjanishvili holds its important and particular position for already 80 years.

(1)See: 31 December 2005, President Saakashvili awards public figures with orders and medals of honor, http://www.president.gov.ge/?l=E&m=0&sm=3&st=1200&id=1281 (20.11.08)
(2)Maka Lomadze: The Catcher in the Rye and Georgian History: Innovations and Plans at Marjanishvili Theatre, in: Georgia Today, 30.03.2007, electronic version: http://www.georgiatoday.ge/article_details.php?id=2612# (16.02.08)

mercredi 1 avril 2009

Das Mardschanischwili-Theater bringt in Tbilissi Identitäts-Fragen auf die Bühne


©Birgit Kuch, das Mardschanischwili Theater in Tbilissi

Von Birgit KUCH, Universität Leipzig in Tbilissi/Leipzig
veröffentlicht in Caucaz.com am 10/03/09

Die georgische Gesellschaft hat in den letzten Jahren rapiden Wandel und anhaltende Transformationsprozesse erlebt. Trotzdem oder vielleicht gerade deshalb bleibt eine Positionierung gegenüber der sowjetischen Vergangenheit eine komplexe und schwierige Angelegenheit. Welche historischen Momente erinnert werden sollten, und welche man besser vergisst, wird weiterhin diskutiert. Schaut man auf das Staatliche Akademische Mardschanischwili Drama Theater in Tbilissi, lassen sich anschauliche Beispiele dafür finden, wie diese Fragen, die kollektive Identitäten, Erinnerungen und Repräsentationen betreffen, im heutigen Georgien verhandelt werden.


Eine neue Generation am Mardschanischwili-Theater

Das Mardschanischwili, das im letzten November sein 80. Jubiläum feierte, stellt ein spannendes Beispiel für den Generationenwechsel, sowie für die ästhetischen, thematischen und politischen Trends dar, die sich in der Theaterlandschaft von Tbilissi und darüber hinaus auch anderswo seit der Rosenrevolution in Georgien beobachten lassen. Im Zuge der Wiedereröffnung im September 2006 zog nach den drei Jahre andauernden Renovierungsarbeiten des Gebäudes, das mit einer Guckkastenbühne und 480 Sitzplätzen ausgestattet ist, auch eine neue künstlerische Leitung ins Mardschanischwili ein. Mit Lewan Tsuladse, der am Schota Rustaweli Institut für Theater und Film studiert hatte, wurde ein Vertreter der jüngeren Generation von Regisseuren für den Posten nominiert. Seine Wurzeln liegen in der freien Theaterszene von Tbilissi. 1997 gehörte Tsuladse zu den Mitbegründern des Sardapi “Basement” Theaters, wo er zahlreiche Stücke inszenierte, vor allem Komödien und Vaudevilles. Mit Hilfe dieser Masse an eher unterhaltsamen Regiearbeiten, die das bleibende Interesse einer vorwiegend jungen Zuschauerschaft sicherten, schaffte er es, aus dem Sardapi eines der beliebtesten Theater der Stadt zu machen. Der Erfolg des Theaters erlaubte 2003 die Eröffnung einer zweiten Sardapi-Filiale, die sich im Wake-Viertel befindet.

Heute wendet Tsuladse die gleiche Strategie – attraktive Produktionen für ein junges Publikum – für das Mardschanischwili an, wo er schon öfter in den Jahren vor seiner Nominierung inszeniert hatte. Im Dezember 2005 erhielt er für seine Leistungen als Regisseur die Ehrenmedaille des Präsidenten Saakaschwili. Wie er waren die anderen Preisträger entweder jung genug, um sich nicht mit einer sowjetischen Vergangenheit beschmutzt zu haben oder sie gehörten zu jenen, die niemals Teil der alten Elite gewesen waren. Gegen diese sogenannte „rote Intelligentsia“ brachte Saakaschwili dann auch während der Vergabezeremonie intensive Verbalattacken hervor.(1) Diese Zeremonie stellt nur ein Beispiel für die Kontinuitäten traditioneller sowjetischer Praktiken dar, die, mit antisowjetischer Rhetorik verknüpft, im post-revolutionären Georgien zu beobachten sind.

Beim Blick auf das Repertoire des Mardschanischwili seit der Wiedereröffnung zeichnet sich eine bemerkenswerte Heterogenität ab. Der Spielplan bestand seit 2006 nicht nur aus Premieren oder neuen Produktionen, sondern auch aus Inszenierungen, die vor der Renovierung erarbeitet worden waren. Ebenso georgische wie übersetzte ausländische Stücke wurden in den letzten Jahren gespielt, so wie immer schon an diesem Theater. Sie wurden von einer Vielzahl an Regisseuren inszeniert, unter ihnen natürlich Tsuladse. Drei beliebte Produktionen, die dort seit 2006 gezeigt und von drei Regisseuren aus verschiedenen Generationen erarbeitet wurden, können einen Eindruck davon vermitteln, wie sich die Aushandlungsprozesse auf der Bühne des Mardschanischwili gestalten.

„Kunst”: Ein Stück aus dem Westen in Georgien

Die erste dieser Inszenierungen ist Temur Tschcheidses „Kunst”. Tschcheidse absolvierte im Jahr 1965 das Rustaweli Institut für Theater und Film. Und wie Tsuladse heute, war er während der 1980er künstlerischer Leiter am Mardschanischwili. Obwohl er seit den 1990ern dauerhaft am BDT in St. Petersburg arbeitete, kehrte er regelmäßig ans Mardschanischwili und an andere Bühnen in Tbilissi zurück, um neue Stücke zu inszenieren. So auch für „Kunst“, das im Oktober 1999 Premiere feierte.

Drei Freunde im mittleren Alter verwickeln sich in einen Streit um ein Gemälde, das einer von ihnen gekauft hat. Die komplett weiße Leinwand des Kunstwerks ruft Fragen nach Sinn und Bedeutung hervor, doch schrittweise droht die Diskussion auch die Freundschaft der drei herauszufordern. In seiner Umsetzung des international erfolgreichen Stücks der französischen Schriftstellerin Yasmina Reza für die georgische Bühne arbeitete Tschcheidse nah am Text und verwendete minimalistische Mittel. Es gibt nicht viel Dekor, außer einem Teppich, der als die eigentliche Bühne fungiert, daneben ein paar Stühle und natürlich das weiße Bild. Hauptmerkmal dieser Produktion ist das ausdrucksvolle und immer wieder komische Spiel der Darsteller, das aus schnellen Dialogwechseln und dem gelegentlichen Durchbrechen der vierten Wand besteht.

Auffälligerweise ging diese Adaption des Stücks für die georgische Bühne über die buchstäbliche Interpretation des Texts hinaus. Indem den Figuren, und sogar dem manchmal erwähnten, aber nie auftauchenden Maler des Bildes georgische Namen verpasst wurden, fand eine Naturalisierung der Handlung statt. Einerseits schwimmen das Theater und sein Publikum mit der Aufführung dieses internationalen Kassenschlagers in den Wässern der Kultur des Westens. Dies geschieht vor allem über den Inhalt des Stücks, das sich lang anhaltenden Diskussionen über Zweck und Bedeutung abstrakter Kunst anschließt. Andererseits, so scheint es, bestand die Notwendigkeit, dem Stück einen klaren „georgisierten“ Hintergrund zu erarbeiten, damit die Handlung wirkliche soziale Relevanz für die lokalen Zuschauer erhält.

„Kakutsa Tscholochaschwili“: Ein georgisches Nationalepos

“Kakutsa Tscholochaschwili” wurde von Lewan Tsuladse inszeniert und zum ersten Mal im Mai 2007 aufgeführt. Das Stück über den Widerstandskämpfer Tscholochaschwili, der in den 1920ern gegen die Bolschewiki gekämpft hatte, wurde von Guram Kartwelischwili geschrieben, der 2005 ebenfalls eine Ehrenmedaille vom georgischen Präsidenten erhielt. Für diese Produktion war das Verteidigungsministerium einer der Hauptpartner des Theaters und sponserte 15 Gewehre, die während der Aufführung effektvollen Einsatz fanden.

Kommentare des Regisseurs selbst weisen darauf hin, dass diese Inszenierung im Kontext der intellektuellen militaristischen Mobilisierung gesehen werden kann, die die gesteigerten militärischen Ausgaben in Georgien lange vor dem Ausbruch des August-Krieges im Sommer 2008 begleitete: „Ich hoffe, das Stück wird interessant und wichtig sein“, sagte der Regisseur der englischsprachigen Zeitung „Georgia Today“ im März 2007. „Es wird eine heroische Saga sein, die den militärischen Bestrebungen Georgiens, die unserem Land nutzen, dienen werden.“, fuhr er fort.

„Es macht mir Spaß, an dieser Inszenierung zu arbeiten. Das soll nicht heißen, dass sich das Theater in eine heroische Einrichtung verwandelt, aber ich glaube, dass dieses Genre notwendig für die heutige georgische Bevölkerung ist. Kakutsa Tscholochaschwili ist mein Ideal. Er war ein echter Held. Ich möchte die Beliebtheit des Offiziers-Berufes in Georgien wiederherstellen, ich glaube, dass es keinen besseren Job für einen Mann gibt.“ (2)

Folglich verkörpert die Hauptfigur Tscholochaschwili ein heroisches, vielmehr unwissenschaftliches Geschichtsbild, das sehr an patriotische historische Master-Narrative erinnert. Obwohl es ein paar weibliche Figuren auf der Bühne gibt, handelt es sich hier um eine Männerwelt, die Tsuladse herausgearbeitet hat. Neben der Darstellung von Leben, Taten und Tod des Helden gibt es mehrere Kampfszenen, die mit Pathos und heftigem Humor unterlegt wurden.

Während Tsuladse vor dem August-Krieg die glorreiche militärische Leistung des schließlich besiegten Helden in den Mittelpunkt stellte, scheint sich seitdem eine leichte, aber nicht unerhebliche Sinnverschiebung abzuzeichnen. Heute eignet sich die Produktion offenbar auch zunehmend, um an die Invasion der Roten Armee zu erinnern, deren Resultat die Integration Georgiens in die Sowjetunion war. Mit den Erfahrungen des jüngsten Krieges mit Russland neigt die Darstellung der Invasion von 1921 außerdem dazu, gleichzeitig die Ereignisse vom August 2008 zu repräsentieren. Im Kontext des August-Kriegs erhält das Ideal des heroischen Widerstands gegen den Eindringling eine neue Bedeutsamkeit, auch wenn dieser Widerstand in einer Niederlage endete. Deshalb könnte die historische Figur Tscholochaschwili, an die jahrzehntelang nicht erinnert werden durfte, zu einem Symbol für den „Kampf gegen den Imperialismus“ von 2008 werden.

„Uriel Acosta“: Eine Art Nostalgisches Museum

Während “Kakutsa Tscholochaschwili” übereinstimmt mit zeitgenössischen offiziellen Lesarten der Vergangenheit, die die Erinnerung an die gewaltsame Unterdrückung durch das sowjetische Imperium wach halten, fungiert zur selben Zeit am Mardschanischwili eine andere Inszenierung, „Uriel Acosta“, als eine Art Vehikel, durch das nostalgische Erinnerungen an sowjetische Zeiten möglich zu werden scheinen. „Uriel Acosta“ wurde vom Gründer des Theaters, Kote Mardschanischwili, 1929 inszeniert und 2006 von der kürzlich verstorbenen Schauspielerin Sophiko Tschiaureli erneuert. In der Zwischenzeit wurde die Inszenierung mehrere Male von Veriko Andschaparidse, Tschiaurelis Mutter, „renoviert“, die in der ersten Fassung die Hauptrolle gespielt hatte, bevor sie diese später an ihre Tochter weitergab. Dabei bemühte sie sich, Mardschanischwilis Produktion auf möglichst authentische Weise weiterzugeben – ein Prinzip, das Tschiaureli 2006 weiterführte. Folglich hat ein Stück Avantgarde-Theater aus den frühen sowjetischen Jahren jahrzehntelang in Tbilissi überlebt.

Das aus dem 19. Jahrhundert stammende Stück des deutschen Schriftstellers Karl Gutskow ist in der Amsterdamer jüdischen Gemeinde des 17. Jahrhunderts angesiedelt. Die Hauptfigur, Uriel Acosta, rebelliert gegen die Rückständigkeit und Engstirnigkeit seiner Umgebung, die ihn auch daran hindern will, seine geliebte Judith zu heiraten. Nachdem man Judith gezwungen hat, einen anderen zu ehelichen und Uriel aus der Gemeinschaft verstoßen wurde, nimmt sich das Paar das Leben.

Als Mardschanischwili “Uriel Acosta” inszenierte, betonte er deutlich die revolutionäre Botschaft des Stücks. Mit seinen Erfahrungen, die er beim Theateroktober in Russland gesammelt hatte, kehrte er nach der bolschewistischen Annektierung nach Georgien zurück und fuhr dort fort, revolutionäres Theater zu machen. Dabei schuf er in seiner Heimat auch gleichzeitig die Grundlagen für modernes Theater. Die historischen und politischen Hintergründe dieser Inszenierung oder ihre Verbindung zur Avantgarde-Bewegung scheinen heute jedoch nicht von allerwichtigstem Belang zu sein. Derzeit stehen eher Erinnerungen an all die gegangen Stars, die an den verschiedenen Fassungen der Inszenierung beteiligt waren, und mit ihnen, die guten alten Zeiten, im Vordergrund.

Demzufolge gibt es nicht viel Raum zum Interpretieren für das Schauspielerehepaar Nato Murwanidse und Nika Tawadse (der auch Tscholochaschwili darstellt), die die beiden Hauptrollen in der heutigen Version von „Uriel Acosta“ geerbt haben. Ihre Aufgabe scheint vielmehr, die Vorfahren zu verkörpern. Es ist dieses System der dynastischen Weitergabe von Tradition, das dem Mardschanischwili-Theater den Charakter eines selbst-referentiellen Raumes, oder eines Erinnerungsspeichers verleiht. Andere zeitlose Eigenschaften des Mardschanischwili waren und sind seine eigentümliche Aktualität, seine Übereinstimmung mit dem Zeitgeist, sowie seine Nähe zu den jeweiligen Machthabern.

Die drei hier exemplarisch vorgestellten Produktionen am Mardschaniachwili verweisen darauf, dass es etliche konkurrierende Bilder und Narrationen gibt, die am selben Haus auf Fragen kollektiver Angelegenheiten Antwort geben. Diese Vielfalt der Repräsentationen ist darüber hinaus auch der Theaterlandschaft von Tbilissi selbst zueigen, in der das Mardschanischwili seine wichtige und spezifische Position seit mehr als 80 Jahren behauptet.

(1) Vgl.: 31 December 2005, President Saakashvili awards public figures with orders and medals of honor, http://www.president.gov.ge/?l=E&m=0&sm=3&st=1200&id=1281 (20.11.08)
(2) Maka Lomadze: The Catcher in the Rye and Georgian History: Innovations and Plans at Marjanishvili Theatre, in: Georgia Today, 30.03.2007, electronic version: http://www.georgiatoday.ge/article_details.php?id=2612# (16.02.08)