samedi 31 mai 2008

L’oligarque Badri Patarkatsichvili se retire de Géorgie

Article paru dans caucaz.com, édition du 11/03/2007
Par Nicolas LANDRU à Tbilissi


© Paata Vardanashvili

Badri Patarkatsichvili, l’un des plus célèbres oligarques géorgiens, a quitté la Géorgie. Le 5 mars 2007, il l'a annoncé depuis Londres, soulignant vouloir quitter définitivement le pays, ainsi que déplacer ses affaires « de Géorgie en Occident ». Le millionnaire, auquel on attribue une influence de premier rang sur le plan financier mais aussi médiatique, co-détient l’un des plus importants groupes de médias géorgiens, Imedi, qui comprend une radio et une télévision.

La décision de l’oligarque, quoique ambiguë et réversible, porte un dur coup à l’économie du pays, dont Patarkatsichvili était l’un des plus dynamiques animateurs : il avait investi des dizaines de millions de dollars en Géorgie depuis 2001. Sans nul doute un mauvais signe pour la situation politique d’un pays leader en terme de démocratie et de libéralisation dans le Caucase, dont le climat ne semble pourtant pas aussi favorable aux affaires que le régime ne voudrait en donner l’image.

Le Kremlin, après l’arrivée au pouvoir de Vladimir Poutine, s’était empressé de se débarrasser de ces oligarques parvenus sur le devant de la scène pendant les incertaines années Eltsine. En Russie à cette époque, le manque de législation, le passage brutal à l’économie de marché et la faiblesse des politiques avaient permis des enrichissements fulgurants. L’un des plus connus de ces « nouveaux russes », Boris Berezovski, avait cependant contribué à la prise du pouvoir de Poutine. Mais ce dernier devait dans la foulée se lancer dans une grande opération de nettoyage à l’égard de ceux qui « ont sucé le sang de la nation », et Berezovski devait en 2001 trouver refuge à Londres.

Six ans plus tard, son ami et associé géorgien Badri Patarkatsichvili – ils ont construit leur fortune ensemble – s’exile dans la même ville et pourrait laisser croire que le même type de politique à l’encontre des businessmen se met en place en Géorgie. Victime de la même politique du Kremlin, Patarkatsichvili est actuellement, comme Berezovski, poursuivi par la justice russe. Après des années de repli dans son pays natal, son nouvel exil fait beaucoup parler.

Le rôle joué pendant ces quelques années par Patarkatsishivli sur la scène politique géorgienne est complexe. A l’inverse du « millionnaire sans visage », l’imérétien Ivanichvili qui vit à l’abri des médias, Patarkatsichvili a cherché à être un acteur de premier plan dans la vie publique du pays. Il détient des investissements « clés » dans l’économie nationale, comme le terminal pétrolier de Koulevi sur la mer noire ou une part importante du marché immobilier. Il a aussi fondé le puissant groupe de lobbying Fédération des Businessmen Géorgiens (FGB) ; il a en outre beaucoup investi dans des entreprises « caritatives », au nombre desquelles la télévision Imedi. Il a en effet toujours justifié l’existence de celle-ci au nom de la liberté d’expression et d’information qu’elle incarnerait en tant qu’unique alternative aux chaînes sous contrôle du gouvernement. Imedi représente l’unique réel contrepoids à la chaîne Rustavi 2, progouvernementale, et aux chaînes publiques 1 (Pirveli) et 2 (Gbp).

En 2006, Patarkatsichvili avait à plusieurs reprises élevé la voix contre la politique du gouvernement. Il avait accusé ce dernier d’extorquer les entrepreneurs en vue soi-disant de collecter des fonds visant au « développement des mesures exécutives ». Il avait aussi exprimé ses craintes à propos de l’image que les autorités tentaient de donner des businessmen et de lui-même, celle d’un ennemi, faisant ainsi une allusion directe à la politique de Poutine à l’égard des oligarques. Non sans certaines raisons, puisque le gouvernement géorgien avait immédiatement réagi à ses critiques en y dénonçant l’activité des oligarques criminels et dirigés par Moscou.

Un départ ambigu

Le conflit entre Patarkatsichvili et le régime du Mouvement National s’est ensuite développé autour de l’information « d’opposition » diffusée par Imedi, qui n’a eu de cesse de révéler des cas compromettants pour le gouvernement, et que ce dernier qualifie de calomnies. Cette escalade d’accusations a engendré de nombreuses spéculations sur les ambitions de Patarkatsichvili, qui selon certains tenterait de se tailler une place avant tout politique à Tbilissi.

Nombre d’analystes politiques ont défini la situation comme un combat enclenché entre le gouvernement, qui jusque récemment contrôlaient la plupart des entreprises, et les oligarques, qui ont graduellement pris un poids politique important en investissant dans les médias et dans les partis d’opposition. Dans ce cadre, le possible départ du millionnaire avait déjà été évoqué. Dans la perspective du contrôle de leviers politiques et économiques clés de Géorgie, son exil soudain pourrait bien être une étape importante.

Pourtant, dans les évènements récents, rien n’est clair. Si parmi les politologues de Tbilissi la rumeur court que Patarkatsichvili aurait été molesté par des hommes du Mouvement National, les raisons que l’oligarque a invoquées pour son départ n’ont pas été confirmées par les autorités ni par les analyses. Il avait accusé le gouvernement d’avoir l’intention de l’extrader vers la Russie, où il est passible d’une peine de prison. Ce que nie le procureur général de Géorgie.

L’autre argument mis en avant par Patarkatsichvili est directement politique : le millionnaire exprime son refus d’être engagé dans les luttes politiques internes entre gouvernement et opposition, et de voir son nom instrumentalisé d’un côté ou de l’autre. Mais cet apparent retrait de la politique s’accompagne d’une ambiguïté de taille, puisqu’il ajoute qu’il pourrait être forcé d’entrer en politique étant donnée l’extrémité des circonstances.

Retraite ou retour en force ?

Le monde politique géorgien a vivement réagi aux déclarations de Patarkatsichvili. Le leader du parti d’opposition Républicain, David Ousoupachvili, a exhorté l’oligarque à clarifier sa position, tout en pointant le danger que ce dernier représente pour les autorités de par sa prestance sociale et son pouvoir médiatique. Il a même exprimé sa certitude de ce que les autorités poursuivront leur « attaques hystériques » à son encontre.

En vue des élections présidentielles de 2008, le départ de Patarkatsichvili, qui pourrait bien être une retraite stratégique, fait des vagues à Tbilissi, l’opposition insistant sur sa possible entrée en politique à travers un parti existant ou par la création d’une nouvelle force. Les partis d’opposition essaient d’ores et déjà d’établir des alliances pour contrer le bloc du Mouvement National.

Badri Patarkatsichvili avait sans nul doute anticipé sa retraite : l’année dernière, il vendait son principal investissement en Géorgie, le terminal pétrolier de Koulevi, à la compagnie pétrolière nationale d’Azerbaïdjan (SOCAR). Son départ marque un tournant dans la structure du marché géorgien, sur lequel il était omniprésent, et sème le doute sur la future composition du paysage politique interne. Et il montre encore qu’affaires et politique sont très imbriquées et personnalisées dans ce pays qui malgré ses résolutions pro-occidentales a encore du mal à offrir de la stabilité aux investissements économiques.

Oligarch Badri Patarkatsishvili withdraws from Georgia

Article published in caucaz.com, 21/03/2007 Issue
By Nicolas LANDRU in Tbilisi, translated by Yvette CHIN


© Paata Vardanashvili



Badri Patarkatsishvili, one of the most famous Georgian oligarchs, has left Georgia. On March 5th, 2007, his departure was announced in London as the relocation of his activities of "Georgia in the West," underscoring the desire to leave the country definitively. The millionaire, who holds first-rank influence in both finances and the media, co-holds one of the most important Georgian media concerns, Imedi, which includes a radio station and a television station.

The oligarch's decision, although ambiguous and reversible, strikes a hard blow to the economy of the country, where Patarkatsishvili was one of the most dynamic organizers there: he has invested tens of millions of dollars in Georgia since 2001. Without any doubt, this is a bad sign for the political situation of the Caucasus’ leading country in terms of democracy and liberalization—a climate that, however, does not seem as favorable to business as the regime would like to portray.

After the arrival of Vladimir Putin, the Kremlin was eager to get rid of these oligarchs who had arrived on the scene during the dubious Yeltsin years. At that time in Russia, the lack of legislation, the brutal passage into a market economy, and the political weakness had allowed the lightning-fast accumulation of money. One of the most well-known of these "New Russians," Boris Berezovsky, had contributed to Putin's seizure of power. But Putin launched a great cleaning operation against those who had "sucked the blood of the nation," and in 2001 Berezovsky sought refuge in London.

Six years later, his friend and associate Georgian Badri Patarkatsishvili, with whom he built his fortune, exiled himself to the same city and would have it believed that the same kind of policy against businessmen is set up in Georgia. Victim of the same policy of the Kremlin, Patarkatsishvili is currently, like Berezovsky, sought by Russian justice. After years of seclusion in his native land, the new exile now has much to say.

The part played by Patarkatsishvili on the Georgian political scene in the last few years has been complex. Contrary to Ivanishvili, the "millionaire without a face" who is sheltered from the media, Patarkatsishvili has always sought to be in the foreground of the country’s public life. He holds key investments in the national economy, like the Kulevi oil terminal on the Black Sea and a significant part of the real estate market. He also founded the powerful lobbying group--the Federation of Georgian Businessmen (FGB); moreover, he has invested much in a number of "charity" companies, which include Imedi television. Indeed, he always justified the existence of Imedi in the name of freedom of expression and information as the only alternative to the government-controlled channels. Imedi represents the only real alternative to the pro-government channel Rustavi 2 and to the public channels 1 (Pirveli) and 2 (GBP).

In 2006, Patarkatsishvili spoke out on several occasions against the policy of the government. He has accused them of extorting the entrepreneurs while collecting funds for the "development of executive measures." He has expressed his fears in connection with the image the authorities have given of businessmen and of himself as enemies, thus making a direct allusion to Putin's anti-oligarch policies. This is not without reason, since the Georgian government immediately reacted to his criticism by denouncing the criminal activity of the oligarchs as directed by Moscow.

An ambiguous departure

The conflict between Patarkatsishvili and the National Movement government then developed around information about "the opposition" broadcasted by Imedi, which did not stop revealing events that compromised the government, described by the latter as slander. This escalation of charges has generated great speculation on Patarkatsishvili's ambitions, which according to some, are to carve out, above all, a place of political influence in Tbilisi.

A number of political analysts have defined the situation as combat between the government, who until recently controlled most companies, and the oligarchs, who have gradually taken on important political influence by investing in the media and in the parties of opposition. Within this framework, the possible departure of the millionaire had already been suggested. From the point of view of the control over key Georgian political and economic levers, this sudden exile could be an important step.

However, in recent events, nothing is clear. If among the political economists of Tbilisi rumors abound that Patarkatsishvili could have been molested by the men of the National Movement, the reasons that the oligarch gave for his departure were not confirmed by the authorities or by the analysts. He has accused the government of having the intention of extraditing him to Russia. The Prosecutor General of Georgia denies these claims.

The other argument proposed by Patarkatsishvili is directly political: the millionaire had expressed his refusal to be engaged in the political struggles between the government and the opposition or to see his name used by one side or the other. But this apparent withdrawal from politics is accompanied by ambiguity about the scope of this action, since he adds that he could be forced to enter into politics given the extreme circumstances.

Retreat or return to strength?

The Georgian political world reacted strongly to Patarkatsishvili's announcement. The leader of the Republican opposition party, David Usupashvili, exhorted the oligarch to clarify his position, while pointing out the latter represents danger for the authorities because of his social presence and media power. He has even expressed certainty that the authorities will continue their "hysterical attacks" on the opposition.

In light of the 2008 presidential elections, the departure of Patarkatsishvili, which could be a strategic retreat as well, is making waves in Tbilisi, with the opposition insisting on its possible entry into politics through an existing party or by the creation of a new one. The opposition parties are currently trying to establish alliances to counter the National Movement bloc.

Badri Patarkatsishvili had without any doubt anticipated his retreat: last year, he sold his principal investment in Georgia, the Kulevi oil terminal, to the national oil company of Azerbaijan (SOCAR). His departure marks a turning point in the structure of the Georgian market, in which he was omnipresent, and sows doubt about the future composition of the internal political scene. This shows that business and politics are interwoven and personalized in this country, which, in spite of its pro-Western resolve, still has little stability to offer for economic investments.

Der Oligarch Badri Patarkatsischwili zieht sich aus Georgien zurück

Artikel erschienen in caucaz.com am 21/03/2007
Von Nicolas LANDRU in Tbilissi, übersetzt von Fiona GUTSCH

© Paata Vardanaschwili

Badri Patarkatsischwili, einer der bekanntesten georgischen Oligarchen, hat Georgien verlassen. Am 5. März ließ er aus London verlauten, dass er definitiv das Land verlassen und seine Geschäfte „von Georgien in den Westen“ verlegen wolle. Der Millionär, dem ein bedeutender finanzieller wie medialer Einfluss nachgesagt wird, ist Mitinhaber einer der wichtigsten Mediengruppen im Land, Imedi, der ein Radio- und ein Fernsehsender gehört.

So zweideutig und umkehrbar auch die Entscheidung des Oligarchen ist, fügt sie der Wirtschaft des Landes doch einen schweren Schlag zu. Patarkatsischwili war einer der dynamischsten Förderer, er hatte seit 2001 mehrere Millionen Dollar in Georgien investiert. Zweifellos ist es ein schlechtes Zeichen für die politische Situation eines Landes, das im Kaukasus führend im Bereich Demokratisierung und Liberalisierung ist. Das Klima im Land scheint für Geschäfte nicht ganz so positiv zu sein, wie es die Regierung gerne darstellen würde.

Der Kreml hatte sich nach dem Amtsantritt von Wladimir Putin beeilt sich von den Oligarchen zu befreien, die während der unsicheren Jahre unter Jelzin aufgestiegen waren. In dieser Zeit ermöglichten in Russland eine fehlende Gesetzgebung, der brutale Wechsel zur Marktwirtschaft und schwache Politiker eine überwältigende Bereicherung. Einer der bekanntesten dieser „neuen Russen“, Boris Beresowskij, hatte zu dem Machtwechsel zu Wladimir Putin beigetragen. Dieser allerdings musste in großen Schritten eine Säuberungsaktion gegen die durchführen, die „der Nation das Blut ausgesaugt haben“. Beresowskij musste 2001 nach London fliehen.

Sechs Jahre später geht sein georgischer Freund und Teilhaber Badri Patarkatsischwili – sie haben ihr Vermögen gemeinsam aufgebaut – in die gleiche Stadt ins Exil. Damit könnte impliziert werden, dass sich in Georgien eine vergleichbare politische Haltung gegenüber Geschäftsleuten etabliert. Patarkatsischwili ist momentan ebenso wie Beresowskij Opfer der Politik des Kremls und wird von der russischen Justiz verfolgt. Nachdem er jahrelang zurückgezogen in seiner Heimat gelebt hat, erregt sein neues Exil viel Aufmerksamkeit.

Die Rolle, die Patarkatsischwili in diesen paar Jahren auf der politischen Bühne Georgiens gespielt hat, ist komplex. Im Gegensatz zu dem „Millionär ohne Gesicht“, dem Imereten Iwanischwili, der abgeschirmt von den Medien lebt, wollte Patarkatsischwili eine wichtige Rolle im öffentlichen Leben im Land spielen. Er verfügt über entscheidende Anlagen der Volkswirtschaft, wie z. B. die Erdölstation Kulewi am Schwarzen Meer oder einen großen Teil des Immobilienmarkts. Er hat außerdem den „Bund der georgischen Geschäftsleute“, eine Gruppe mit einflussreicher Lobby gegründet. Darüber hinaus hat er viel in sogenannte „wohltätige“ Unternehmen investiert, zu denen auch der Fernsehsender Imedi gehört. Tatsächlich hat er dessen Existenz auch immer im Namen der Meinungs- und Informationsfreiheit verteidigt, die er als einzige Alternative zu den übrigen unter staatlicher Kontrolle stehenden Sendern darstelle. Imedi ist das einzige ernsthafte Gegengewicht zu dem regierungsnahen Sender Rustavi 2 und den öffentlichen Sendern 1 (Pirveli) und 2 (Gbp).

Im vergangenen Jahr hatte Patarkatsischwili sich häufiger gegen die Regierungspolitik ausgesprochen. Er beschuldigte sie, von den Unternehmern Geld zu erpressen, sozusagen um ein Grundlage zur „Entwicklung von Exekutivmaßnahmen“ zusammenzusammeln. Er hatte auch seine Befürchtungen dazu geäußert, dass die Unternehmer und auch er durch die Regierung als Feinde dargestellt werden, wobei er einen direkten Bezug zu Putins Politik gegenüber den Oligarchen herstellte. Nicht ganz unbegründet, da die georgische Regierung sofort auf seine Kritik reagierte und dabei die Aktivität krimineller und von Moskau gelenkter Oligarchen verurteilte.

Ein zweideutiger Abgang

Der Konflikt zwischen Patarkatsischwili und der Regierung der „Volksbewegung“ hat sich anschließend wegen durch Imedi ausgestrahlte Informationen der „Opposition“ verschärft. Diese hatte immer wieder kompromittierendes Material über die Regierung aufgedeckt, was letztere als Verleumdungen bezeichnete. Dieses Hochschaukeln von gegenseitigen Anschuldigungen hat unzählige Spekulationen über die Ambitionen von Patarkatsischwili aufgebracht, der angeblich versuche, eine vor allem politische Position in Tbilissi zu bekommen.

Viele Spezialisten bezeichnen die Situation als einen Kampf zwischen der Regierung, die bis vor kurzem den Großteil der Unternehmen kontrollierte, und den Oligarchen, die durch Investitionen in die Medien und die Oppositionsparteien nach und nach ein bedeutendes politisches Gewicht gewonnen haben. Der mögliche Abschied des Millionärs wurde bereits mit diesem Hintergrund in Verbindung gebracht. Bezüglich der Kontrolle über die wichtigsten politischen und wirtschaftlichen Schalthebel in Georgien könnte sein plötzliches Exil einen bedeutenden Schritt darstellen.

Allerdings sind die kürzlichen Ereignisse alles andere als klar. Zwar kursiert unter den Politologen in Tbilissi das Gerücht, dass Patarkatsischwili von Mitgliedern der „Volksbewegung“ belästigt wurde, aber die Gründe, die der Oligarch für seine Abreise angegeben hat, wurden weder von der Regierung noch von Analytikern bestätigt. Er hatte die Regierung beschuldigt, ihn nach Russland ausliefern zu wollen, wo ihm eine Gefängnisstrafe droht. Vom georgischen Generalstaatsanwalt wird dies dementiert.

Ein weiterer Grund, den Patarkatsischwili angegeben hat, ist ganz klar politisch: Der Millionär möchte nicht in die internen politischen Kämpfe zwischen Regierung und Opposition hineingezogen werden und seinen Namen weder von der einen noch von der anderen Seite instrumentalisieren lassen. Dieser offensichtliche Rückzug aus der Politik ist jedoch sehr ambivalent, da er hinzufügt, dass er gezwungen sein könnte, durch die extremen Umstände in die Politik einzusteigen.

Rückzug oder erzwungene Rückkehr?

Die politischen Kreise in Georgien haben sehr lebhaft auf die Erklärungen von Patarkatsischwili reagiert. Der Führer der oppositionellen Partei der Republikaner, David Usupaschwili, hat den Oligarchen ermahnt seine Position klarer darzustellen. Dabei hob er hervor, welche Gefahr für die Regierung letzterer durch seine soziale Stellung und seine mediale Macht darstelle. Er war sich sogar sicher, dass die Regierung ihre „hysterischen Angriffe“ gegen ihn weiterführen werde.

Im Hinblick auf die Präsidentschaftswahlen 2008 hat der Abschied von Patarkatsischwili, der auch als ein strategischer Rückzug betrachtet werden kann, in Tbilissi gewaltige Wellen geschlagen, da die Opposition auf seinen möglichen Eintritt in die Politik innerhalb einer bereits bestehenden oder durch die Gründung einer neuen Partei bestand. Die Oppositionsparteien versuchen nun Allianzen zu bilden, um ein Gegengewicht zum Block der „Volksbewegung“ zu bilden.

Badri Patarkatsischwili hat seinen Rückzug ohne Zweifel vorbereitet. Im letzen Jahr verkaufte er seine Hauptanlage in Georgien, den Erdölhafen von Kulewi, an die staatliche aserbaidschanische Erdölgesellschaft (SOCAR). Sein Abschied stellt einen Wendepunkt in der Struktur des georgischen Markts dar, auf dem er allgegenwärtig war, und lässt Ungewissheit über die zukünftige Zusammensetzung der internen politischen Landschaft aufkommen. Er zeigt auch noch, dass in diesem Land, das trotz seiner prowestlichen Erklärungen noch einige Schwierigkeiten damit hat, wirtschaftlichen Investitionen Stabilität zu gewähren, Politik und Wirtschaft eng miteinander verwoben und von einzelnen Personen abhängig sind.

Isolées, les régions montagneuses de Kvémo Kartlie restent au point mort

Article paru dans caucaz.com, édition du 05/03/2007
Par Nicolas Landru à Manglissi et Tsalka


© Nicolas Landru (Route Tbilissi-Tsalka, vers Manglissi)


A moins de 100 kilomètres de Tbilissi, la petite ville de Tsalka pourrait être une périphérie de la capitale géorgienne. A l’époque soviétique, elle était l’un des « greniers » de la métropole, assurant à celle-ci son approvisionnement en produits laitiers et en pommes de terres. Mais dans cette zone montagneuse, l’effondrement de l’URSS a immédiatement engendré, outre la ruine des structures de production, la dégradation extrême des routes et des voies ferrées. Aujourd’hui, la haute Kvémo Kartlie est une des régions les plus isolées et délaissées de Géorgie. Evocation d’un exemple extrême de la désintégration du territoire géorgien.

Après le prestigieux village de Tskhnéti, à une dizaine de kilomètres à peine de Tbilissi, la route de Tsalka se jonche de nids de poules. Un tronçon en a été refait il y a peu, mais comme souvent en Géorgie, la réparation n’ayant pas été relayée par un entretien permanent de la voie, celle-ci est de nouveau dégradée. L’asphalte s’amenuise au fil des kilomètres, jusqu’à devenir quasi-absent après Manglissi, autrefois une zone de villégiature estivale prisée des Tbilissiens. Au-delà, il est presque impossible de s’aventurer sur la route escarpée – Tsalka se situe à 1.600 mètres d’altitude – sans véhicule tout terrain.

Signé en juillet 2006, un programme de rénovation complète parrainé par la Banque mondiale, devrait prendre place – même si des projets similaires avaient été formulés ces dernières années sans être menés à bien. En attendant, pour rejoindre Tsalka depuis Tbilissi, il faut passer par l’est, où la route entre Tetri-Tskaro et Tsalka avait été regoudronnée en par British Petroleum lors de la construction de l’oléoduc Bakou-Tbilissi-Ceyhan (BTC). Mais cette voie aussi est rapidement retournée à son état de dégradation initial. La solution la plus sûre est de faire un détour de plus de 300 kilomètres, en allant plein ouest pour revenir sur l’est vers Tsalka par la lointaine Djavakhétie, dont les routes ont pourtant une médiocre réputation. Naturellement, les voies secondaires de la région sont en plus piteux état encore. Le progrès notable en matière de transports concerne la voie de chemin de fer, tombée à l’abandon, puis rouverte en août 2006. Reste toutefois un écueil de taille : l’insuffisance des trains et leur lenteur.

Une région morcelée et vidée

Tsira, 75 ans, vit dans un village près de Manglissi, à sept kilomètres de la route. Une fois par semaine, elle s’y rend à pied pour attendre qu’une voiture l’emmène à Tbilissi, les transports en commun ayant quasiment disparu. Elle va y vendre de la sauce de tkhemali pour augmenter sa maigre retraite. A l’époque soviétique, elle travaillait dans une usine de Tskhnéti, faisant la navette tous les jours. Le voyage durait moins d’une demi-heure ; il faut aujourd’hui deux à trois fois plus de temps. Les activités de la région, autrefois centralisées, ont virtuellement cessé. Dans cette zone encore proche de la capitale, ceux qui vont vendre des produits de l’agriculture vivrière sur les marchés de Tbilissi ne le peuvent le faire quotidiennement que s’ils ont un bon véhicule, et à la belle saison. « Au début des années 1990, les Grecs ont pu partir en Grèce et les Arméniens à Erevan », se souvient -elle, « mais nous, les Géorgiens de la région, nous n’avons eu d’autre choix que de rester. »

C’est que les districts montagneux de Kvémo Kartli connaissent, outre une grande désintégration logistique et économique, le morcellement communautaire le plus important du pays. Avant 1991, le rayon de Tsalka était majoritairement peuplé de Grecs et d’Arméniens, celui de Tetri-Tskaro de Géorgiens, et celui de Dmanissi au sud, d’Azéris. A l’intérieur de zones majoritaires, les villages de communautés différentes se côtoyaient sans toutefois que les contacts intercommunautaires ne soient très élevés, ni qu’il y ait une tendance à la mixité ethnique. L’effondrement économique et la dégradation des routes n’ont fait que renforcer cette caractéristique, et aujourd’hui chaque village tend à vivre isolé et replié sur lui-même.

L’émigration a bouleversé la structure sociale de la région, en particulier à Tsalka, celui des trois rayons qui connaît la situation la plus difficile, où le départ massif des Grecs depuis 1991 a laissé la majorité des villages vides. En général, les communautés arméniennes ont aussi été enclines à émigrer ; les Azerbaïdjanais également, mais de manière moins massive, en partie parce qu’ils avaient moins de destinations viables en perspective. Même le rayon de Tetri-Tskaro, à majorité géorgienne, s’est fortement dépeuplé.

Les chiffres parlent d’eux même : à comparer les recensements de 1989 et 2002, le nombre d’habitants du rayon de Tsalka a été divisé par 2,2 ; celui de Dmanissi par 1,8. Même si les statistiques officielles ne sont pas entièrement fiables – il semblerait que les chiffres soient tantôt augmentés ou diminués selon les besoins politiques. De plus, les mouvements chaotiques de migration rendent le décompte presque impossible. Il semble que la population de la haute Kvémo Kartlie atteindrait à peine 80.000 âmes, alors qu’elle dépassait les 150.000 en 1989.

Tsalka : une zone déstabilisée

Un autre facteur démographique a été cause d’instabilité dans la région : l’immigration de populations géorgiennes, en général dans des zones dépeuplées, en vagues successives, à la fin des années 1980, en 1998, 2002 et 2004. Des Svanes et des Adjares provenant de zones sinistrées par des glissements de terrains ou à haut risque y ont été relogés, particulièrement à Tsalka, dans les habitations laissées vides par les Grecs.

Des controverses sont apparues sur l’objectif réel du gouvernement. Certains porte-paroles des minorités ethniques y ont vu la volonté de « géorgiser » une région à majorité non-géorgienne. Les autorités ont avancé l’argument de l’urgence à parer au dépeuplement de la région.

Au-delà des discours ethnicisant, il est clair qu’une lutte ardue pour le contrôle des ressources et de l’économie de la région de Tsalka s’est déclenchée entre anciens et nouveaux habitants.

L’absence d’organisation qui a caractérisé le processus d’implantation des nouveaux venu a engendré un flou général sur les questions de la propriété – certains se sont installés dans des maisons vides appartenant encore à d’autres. Le manque de légalisation et de déploiement de forces de sécurité a laissé place au crime et à la violence, surtout depuis 2004.

En mars 2006, le meurtre d’un Arménien par un Svane à Tsalka a provoqué d’intenses remous au sein de la communauté arménienne de Géorgie. Peu de temps auparavant, l’assassinat d’un couple de Grecs par des Adjares avait entraîné une série de règlements de comptes entre anciennes et nouvelles structures communautaires.

En marge de l’attention publique

Ces défis sociaux et communautaires s’ajoutent à des problèmes structurels de taille. Ces trois districts montagneux sont parmi les plus pauvres de Géorgie. Dans les environs de Tsalka, la plupart des villages n’ont pas l’eau courante ni l’électricité. Le banditisme a longtemps contribué à tenir la région à l’écart des processus politiques majeurs, et la méconnaissance qu’ont les minorités ethniques de la langue géorgienne renforce cet isolement politique. Même si, sous l’ancien président Edouard Chevardnadze, puis avec « la révolution des roses », l’Etat a peu à peu rétabli son autorité sur la région, les administrations sont ici largement moins transparentes que dans la moyenne du pays.

Le découpage géographique de la Kvémo Kartlie en fait une région particulièrement artificielle, déséquilibrée, et donc difficile à administrer. Son manque de cohérence n’est pas unique en Géorgie, mais les disparités y sont particulièrement grandes : entre Vazisubani, banlieue difficile de Tbilissi, le grand ensemble industriel Roustavi-Gardabani, la plaine agricole majoritairement azérie de Marnéouli et Bolnissi et les trois districts montagneux, isolés et pluriethniques, les défis sociaux et économiques sont très différents. Ironiquement, Kvémo Kartlie signifie « basse Kartlie », mais trois de ses districts ont l’un des reliefs les plus montagneux et les plus chahutés du pays. Comparés aux rayons très peuplés de la plaine, ces trois districts paraissent souvent aux décideurs politiques régionaux d’une importance limitée.

Autre handicap, et non des moindres, la région et ses difficultés passent largement inaperçues dans la vie publique et médiatique géorgienne. La Djavakhétie est souvent pointée comme la région pauvre et isolée par excellence en Géorgie.

Mais cette image lui est souvent attribuée pour couvrir les problèmes ethno-politiques qui la sous-tendent – région fortement arménienne, elle contient une base militaire russe qui doit fermer en 2008 ; surtout, elle occulte souvent la région de Tsalka, dont les difficultés liées à l’isolement et la pauvreté sont bien plus accrues, et qui n’a pas, comme sa voisine, l’Arménie comme porte.

Si la Grèce exerce quelques pressions pour que des projets de réhabilitations soient menés à bien à Tsalka, la minorité grecque a bien trop fondu pour que cela ait une portée conséquente.

Certaines organisations arméniennes se préoccupent fortement de la situation des Arméniens de la région, les tensions sociales prenant bien souvent une tournure « ethnique » ; mais jusqu’à présent, la Djavakhétie a autrement plus mobilisé leur attention.

Bien que certains projets de développement, comme le Millenium Challenge Program, incluent les zones montagneuses de la Kvémo Kartlie, il n’existe pour l’instant aucun facteur qui pourrait rapidement faire évoluer la situation. Il manque encore les moyens et la vision d’un développement d’ensemble de la part des autorités géorgiennes, et les divers projets sont le plus souvent développés au coup par coup.

« A Manglissi, ils ont de la chance que M. Bejouachvili (ministre des affaires étrangères de Géorgie) en soit originaire », se plaint Tsira, « il y fait de bonnes choses. Mais dans mon village, on ne reçoit rien du tout. »

Reportage photo en Arménie : Tbilissi-Erévan-Tbilissi - 1ère partie

ARMENIE, région de LORI
Région de Lori, Au loin, Canyon du Debed

Région de Lori, Monts Pambak

Restaurant, Lori

Vanadzor, Lori


EREVAN

Banlieue d' Erevan, Grand Ararat

Pont, Maréchal Baghramian Poghots, vue sur le centre ville

Bordure du centre ville, rivière Hrazdan

Le Petit et le Grand Ararat

Toutes les Photos : © Nicolas Landru & Birgit Kuch

Isolated, the Mountainous Regions of Kvemo Kartli Rest at a Standstill

Article published in caucaz.com, 20/03/2007 Issue
By Nicolas LANDRU in Manglisi, translated by Kathryn GAYLORD-MILES


© Nicolas Landru (Road Tbilisi-Tsalka, near Manglisi)

Less than 100 kilometers from Tbilisi, the small town of Tsalka could be a suburb of the Georgian capital. During the Soviet era, it was one of the “attics” of the metropolis, assuring the city’s supply of dairy products and potatoes. But in this mountainous region, the breakup of the USSR immediately caused, besides the ruin of the structures of production, the extreme deterioration of roads and railroads. Today, upper Kvemo Kartli is one of the most isolated and neglected regions in Georgia. It is an extreme example of the disintegration of Georgian territory.


After the prestigious village of Tskhneti, barely a dozen kilometers from Tbilisi, the road from Tsalka is strewn with potholes. One branch was redone a bit, but as often in Georgia, the repairs weren’t followed by a permanent maintenance of the road, so it is again deteriorated. The asphalt dwindles for kilometers, to the point of being almost absent after Manglisi, in another time a summer resort region visited by residents of Tbilisi. After Manglisi, it is almost impossible to venture on the steep road—Tsalka is at an altitude of 1,600 meters—without an ATV.

Singed in July 2006, a complete renovation program sponsored by the World Bank should take place—even if similar projects have been formulated in recent years without leading to anything. In the meantime, to reach Tsalka from Tbilisi, one must pass by the east, where the road between Tetri-Tsakaro and Tsalka has been re-tarred by British Petroleum during the construction of the oil pipeline Baku-Tbilisi-Ceyhan (BTC). But this road has also quickly returned to its initial state of disrepair. The surest solution is to take a detour of more than 300 kilometers, going directly west, only to turn back east towards Tsalka by way of the far-away Javakhetia, whose roads have a mediocre reputation. Naturally, the secondary roads of the region are in worse shape. The notable progress in transportation is the railroad, abandoned, then reopened in August 2006. There rests a sizable stumbling block: the insufficiency of trains and their slowness.

A Divided and Empty Region

Tsira, who is 75 years old, lives in a village close to Manglisi, seven kilometers away by road. Once a week, she walks there to wait for a car to take her to Tbilisi, public transportation having almost completely disappeared. There, she sells tkemali sauce to supplement her meager pension. During the Soviet era, she worked in a factory in Tskhneti, commuting every day. The trip took less than a half an hour; today, it is two to three times longer. The regional activities, centralized in other times, have virtually ceased. In this zone close to the capital, those who go to sell agricultural products in the markets of Tbilisi are not able to do it daily unless they have a good vehicle and only then, in summer. “At the beginning of the 1990s, Greeks could leave for Greece and Armenians for Yerevan,” she remembers, “but we, the Georgians of the region, we didn’t have any other choice but to stay.”

It’s what the mountainous districts of Kvemo Kartli know, other than a large logistic and economic disintegration: the most important division of community in the country. Before 1991, the Tsalka raion was largely populated by Greeks and Armenians, that of Tetri-Tskaro by Georgians, and that Dmanisi, to the south, by Azeris. Inside the majority zones, villages of different communities are located close to each other, but intercommunity contacts aren’t very high, nor that there is a tendency towards ethnic mixing. The economic collapse and the degradation of the roads only served to reinforce this characteristic, and today each village tends to live isolated and inward-looking.

Emigration has upset the social structure of the region, especially in Tsalka, the one of the three raions that has the most difficult situation, where the massive departure of Greeks since 1991 has left the majority of villages empty. In general, the Armenian communities were also inclined to emigrate; the Azerbaijanis as well, but on a smaller scale, in part because they had fewer viable destinations. Even the raion of Tetri-Tskaro, majority Georgian, has been largely depopulated.

The numbers speak for themselves: to compare the census data from 1989 and 2002, the number of residents of Tsalka raion was divided by 2.2; that of Dmanisi by 1.8. Even if the official statistics are not entirely trustworthy—it would seem that the numbers are alternately increased or diminished according to political needs—the difference is significant. Additionally, the chaotic movements of migration leave detailed counts almost impossible. It seems that the population of upper Kvemo Kartli is barely 80,000, even though it was more than 150,000 in 1989.

Tsalka: A Destabilized Zone

Another demographic factor that has caused instability in the region is the immigration of Georgian populations in successive waves, generally in depopulated zones, at the end of the 1980s, in 1998, 2002, and 2004. Svans and Ajars come from zones threatened by landslides or are at high risk of being resettled there, especially in Tsalka, in homes left empty by the Greeks.
Controversies have arisen on the real objective of the government. Certain spokespeople of ethnic minorities have seen in it the desire to Georgianize a region that is majority non-Georgian. The authorities advance the argument of the urgency of dealing with the depopulation of the region.

Other than the ethnicizing discourse, it is clear that an arduous fight for the control of resources and the economy of the Tsalka region has been set off between the old and new residents.
The absence of organization that has characterized the process of the implantation of the new arrivals has caused a general fuzziness on questions of property ownership—some have installed themselves in empty houses that still belong to others. The lack of legislation the deployment of security forces has left a place for crime and violence, especially since 2004.

In March 2006, the murder of an Armenian by a Svan in Tsalka provoked intense reaction in Georgia’s Armenian community. A little while earlier, the assassination of a couple of Greeks by Ajars led to a series of settling of accounts between old and new community structures.

At the Margins of Public Attention

These social and community defiances add to the serious problems. These three mountainous districts are among the poorest in Georgia. Near Tsalka, most of the villages have neither running water nor electricity. Crime has long held the region on the sidelines of major political processes, and the lack of knowledge of the Georgian language by ethnic minorities reinforces this political isolation. Even if, under the former President Eduard Shevardnadze, then with the Rose Revolution, the State has little by little re-established its authority over the region, administrations are here largely less transparent than the average for the country.

The geographic carving of Kvemo Kartli has made a particularly artificial region, unbalanced, and therefore difficult to administer. Its lack of coherence isn’t unique in Georgia, but the disparities there are particularly large: between Vazisubani, the difficult suburb of Tbilisi, the large industrial complex Rustavi-Gardabani, the largely Azeri agricultural plain of Marneuli and Bolnisi and the three isolated and multi-ethnic mountainous districts, the social and economic defiances are very different. Ironically, Kvemo Kartli means “lower Kartli,” but three of its districts have some of the most mountainous and rugged terrain in the country. Compared to the highly-populated raions of the plain, these three districts often seem of limited importance to regional political decision-makers.

Another handicap, not any less important, is that the region and its difficulties pass largely unnoticed in the Georgian media and public life. Javakhetia is often pointed to as the example of a poor and isolated region in Georgia.

But this image is often attributed to cover the ethno-political problems that underpin it—a largely Armenian region, it has a Russian military base scheduled to close in 2008; above all, it often overshadows the Tsalka region, in which the difficulties linked to isolation and poverty are more heightened, and which doesn’t have Armenia as a door, like its neighbor.

If Greece exercises its influence so that the rehabilitation projects are done well in Tsalka, the Greek minority has diminished too much for that to have lasting consequences.

Certain Armenian organizations occupy themselves largely with the situation of Armenians in the region, where social tensions often take on an ethnic dimension, but to this day, Javakhetia has mobilized their attention more.

While certain other development projects, like the Millennium Challenge Program, include the mountainous zones of Kvemo Kartli, for the moment, there isn’t any factor that could quickly make the situation evolve. The means and the vision of a comprehensive development plan on the part of the Georgian authorities, and the diverse projects are more often developed on an ad hoc basis.

“In Manglisi, they are lucky that Mr. Bejuashvili (Georgian Minister of Foreign Affairs) is from there,” complains Tsira. “He’s doing good things there. But in my village, we aren’t getting anything at all.”

Die isolierten Bergregionen von Kwemo-Kartli im Stillstand

Artikel erschienen in caucaz.com am 19/03/2007
Von Nicolas LANDRU in Manglissi und Tsalka, übersetzt von Monika RADEK und Nicolas LANDRU














© Nicolas Landru, Straße Tbilissi-Tsalka, in der Nähe von Manglissi

Das weniger als 100 km von Tbilissi entfernte kleine Städtchen Tsalka könnte ein Vorort der georgischen Hauptstadt sein. In der sowjetischen Ära diente es als einer der „Speicher“ der Metropole, der die Versorgung der Hauptstadt mit Milchprodukten und Kartoffeln sicherstellte. In der Bergregion hat der Zerfall der UdSSR jedoch unmittelbar zu einem Ruin der Produktionsstrukturen und einer extremen Verschlechterung der Straßen und Eisenbahnlinien geführt. Das heutige Kwemo-Kartli zählt zu den isoliertesten und am stärksten vernachlässigten Regionen Georgiens und zeugt von einer extremen Desintegration des georgischen Territoriums.

Hinter dem malerischen Dorf Zchneti, das keine 10 km von Tbilissi entfernt liegt, ist die Straße nach Tsalka von Hühnernestern übersät. Eine Teilstrecke wurde jüngst neu gebaut, doch wie so oft in Georgien, wurden die Instandhaltungsarbeiten vernachlässigt, so dass sie erneut zerfällt. Der Asphalt wird mit jedem Kilometer immer dünner, bis er hinter Manglissi, einem ehemaligen Sommerurlaubsgebiet der Tbilissier, nur noch zu erahnen ist. Dahinter wird es sehr abenteuerlich, wenn man sich ohne Geländerwagen auf der steilen Straße – Tsalka liegt auf 1.600 m über dem Meeresspiegel – fortbewegt.

Obwohl bereits in den letzten Jahren zahlreiche Projekte initiiert wurden, die allerdings nicht umgesetzt wurden, soll demnächst ein im Juli 2006 unterzeichnetes Komplettsanierungsprogramm, das von der Weltbank unterstützt wird, realisiert werden. In der Zwischenzeit müsste man, um Tsalka von Tbilissi aus zu erreichen, vom Osten her kommen, wo die Straße zwischen Tetri-Tskaro und Tsalka für den Bau der Pipeline Baku-Tbilissi-Ceyhan (BTC) von der Firma British Petroleum neu asphaltiert wurde. Doch auch dieser Weg verfällt zunehmend in seinen ursprünglichen Zustand. Selbstverständlich sind die Nebenstraßen der Region in einem noch erbärmlicheren Zustand. Einen erkennbaren Fortschritt im Bereich des Transportwesens machen zur Zeit nur die Eisenbahnlinien, die zunächst in Vergessenheit geraten zu sein schienen, im August 2006 jedoch wiedereröffnet wurden. Nachteile hier: die geringe Leistungsfähigkeit und Langsamkeit der Züge.

Zerfall und Leere einer Region

Tsira, 75 Jahre alt, lebt in einem Dorf nahe Manglissi, 7 km von der Straße entfernt. Einmal die Woche läuft sie den Weg zu Fuß, um an der Straße auf ein Auto zu warten, das sie nach Tbilissi mitnimmt. Die öffentlichen Verkehrsmittel sind nahezu verschwunden. Nach Tbilissi fährt sie, um dort Tqemali-Sauce zu verkaufen und auf diesem Weg ihre schmale Rente zu verbessern. Zu Zeiten der UdSSR arbeitete sie in einer Fabrik in Zchneti und pendelte jeden Tag dorthin. Die Fahrt dauerte damals weniger als seine halbe Stunde; heute braucht man für denselben Weg zwei bis drei Mal länger. In diesem so nah an der Hauptstadt gelegenen Distrikt können die Menschen, die auf dem Markt von Tbilissi Lebensmittel verkaufen, dies nur wöchentlich während der Hauptsaison tun und das auch nur, wenn sie einen guten Wagen haben. „Anfang der 1990er Jahre konnten die Griechen nach Griechenland und die Armenier nach Erevan reisen“, erinnert sich Tsira, „doch wir Georgier aus der Region hatten keine andere Wahl als zu bleiben“.

Die Bergdistrikte von Kwemo-Kartli waren nämlich nicht nur von einer Auflösung der Infra- und Produktionsstrukturen betroffen; hinzu kam auch eine massive soziale Zersplitterung des Landes, wie sie woanders kaum zu finden war. Vor 1991 war der Umkreis von Tsalka mehrheitlich von Griechen und Armeniern, der Umkreis von Tetri-Tskaro von Georgiern und der von Dmanissi im Süden von Aserbaidschanern bewohnt. Die Dörfer unterschiedlicher Bewohnergruppen verkehrten miteinander, ohne dass die Kontakte zwischen den Gemeinden besonders eng waren. Auch gab es kaum eine ethnische Vermischung. Der ökonomische Zerfall sowie die Degradation der Straßen haben diesen Umstand noch verstärkt, so dass heutzutage jedes Dorf dazu tendiert, sehr isoliert und auf sich selbst gestellt zu leben.

Die Auswanderung hat die Sozialstruktur der Region stark erschüttert, insbesondere in Tsalka, wo die Situation am gravierendsten ist, wo der massive Weggang der Griechen nach 1991 zu einer Entvölkerung der meisten Dörfer geführt hat. Generell hatten auch die armenischen Gemeinden eine relativ starke Tendenz zur Auswanderung; die Aserbaidschaner ebenfalls, doch in einer weniger massiven Weise, zum Teil, weil sie weniger Zielregionen mit Perspektive zur Verfügung hatten. Selbst die Bevölkerungszahl des mehrheitlich georgischen Umkreises von Tetri-Tskaro hat sich stark verringert.

Die Zahlen sprechen für sich: vergleicht man die Volkszählungen von 1989 und 2002, so hat sich die Bevölkerungszahl des Umkreises von Tsalka fast, in Dmanissi gar mehr als halbiert. Auch wenn die offiziellen Statistiken oftmals nicht zuverlässig sind – es scheint, dass Zahlen je nach politischen Interessen mal höher, mal niedriger angesetzt werden – und die Migrationsströme eine exakte Zählung unmöglich machen, so scheint sich die Bevölkerungzahl von Kwemo-Kartli von gut 150.000 Einwohnern im Jahr 1989 auf knapp 80.000 reduziert zu haben.

Tsalka, eine instabile Region

Ein anderer demographischer Faktor verursachte Instabilität in der Region: die Einwanderung in aufeinander folgenden Wellen – Ende der 1980er Jahre, 1998, 2002 und 2004 – von georgischen Bevölkerungsgruppen vor allem in die entvölkerten Gebiete. Swanen und Adscharen aus Erdrutsch-Katastrophengebieten oder aus Risikozonen wurden dorthin umgesiedelt, besonders nach Tsalka, wo die Griechen leere Häuser hinterlassen hatten.

Es entspannen sich Kontroversen um die Motive der Regierung. Manche Vertreter von ethnischen Minderheiten sahen darin die Absicht, diese Region mit der geringsten Zahl an georgischen Einwohnern zu georgisieren. Die Regierung behauptete, dass Maßnahmen gegen die Entvölkerung der Region besonders dringend wären.

Jenseits der ethnisierenden Diskurse wird deutlich, dass ein Kampf zwischen alten und neuen Einwohnern um die Kontrolle von Ressourcen und wirtschaftlicher Tätigkeit in der Region von Tsalka entbrannte.

Die Abwesenheit einer Ordnung, die den Eingliederungsprozess der Neuankömmlinge charakterisierte, verursachte eine allgemeine Unklarheit in Besitzfragen. Manche zogen in leere Häuser, die noch Anderen gehörten. Der Mangel an Gesetzgebung und an Sicherheitskräften eröffnete vor allem seit 2004 einen Raum für Verbrechen und Gewalt.

Im März 2006 war der Mord eines Armeniers durch einen Swanen in Tsalka Grund für schwere Unruhen innerhalb der armenischen Gemeinde Georgiens. Kurz zuvor wurde ein griechisches Ehepaar von Adscharen ermordet, wonach eine Reihe von Racheakten zwischen alten und neuen Gemeinschaftsstrukturen folgte.

Abseits der öffentlichen Aufmerksamkeit

Zu diesen sozialen und gesellschaftlichen Herausforderungen kommen gewaltige strukturelle Probleme. Diese drei Bergbezirke zählen zu den ärmsten in Georgien. In der Umgebung von Tsalka verfügen die wenigsten Dörfer über fließendes Wasser und Strom. Organisierte Kriminalität hat lange Zeit dazu geführt, dass die politischen Entwicklungen an dieser Region vorbeigegangen sind. Die Unkenntnis der georgischen Sprache unter den ethnischen Minderheiten verstärkt diese politische Isolierung. Auch wenn der Staat, erst unter dem ehemaligen Präsidenten Edward Schewardnadse, und dann infolge der „Rosenrevolution“, seine Herrschaft über die Region langsam wiederhergestellt hat, bleiben hier die Institutionen merklich weniger transparent als im Landesdurchschnitt.

Durch seine geographische Einteilung ist Kwemo-Kartli eine besonders künstliche, unausgeglichene Region, die nur schwer zu verwalten ist. Ein weiterer Nachteil ist die geringe öffentliche und mediale Aufmerksamkeit für diese Region. Als typisch arme und isolierte Region Georgiens wird hingegen oft Dschawachetien dargestellt. Dabei sind, was Isolierung und Armut betrifft, die Schwierigkeiten in der Region Tsalka noch größer.

Obwohl Griechenland Druck ausübt, damit Rehabilitationsprojekte in Tsalka durchgeführt werden, hat sich die griechische Minderheit sich zu stark verkleinert, um einen Erfolg dieser Bemühungen wahrscheinlich zu machen.

Einige armenische Organisationen sind über die Situation der lokalen Armenier besorgt, da die soziale Spannung sehr oft einen „ethnischen“ Aspekt annimmt. Doch hat bisher Dschawachetien ihre Aufmerksamkeit viel mehr auf sich gezogen.

Obwohl manche Entwicklungsprojekte, wie das Millenium Challenge Program, auch die Bergregionen von Kwemo-Kartli betreffen, wurden bisher keine Schritte geplant, die die Situation schnell ändern könnten. Der georgischen Regierung mangelt es noch an Vermögen oder an einer umfassenden Vision für die Entwicklung dieser Region.

„In Manglissi haben sie das Glück, dass Herr Beschuaschwili [der georgische Außenminister, Anm. d. Red.] von dort stammt“, beschwert sich Tsira. „Er macht dort gute Sachen. Aber in meinem Dorf bekommen wir gar nichts.“

vendredi 30 mai 2008

Hausse des prix : un Azerbaïdjan à deux vitesses

Article paru dans caucaz.com, édition du 11/02/2007
Par Nicolas LANDRU à Bakou


© Nicolas Landru (marché Teze à Bakou)

Bakou, début 2007. Le boom économique et immobilier que connaît la capitale azerbaïdjanaise depuis trois ans bat son plein. En centre-ville, comme en banlieue, les tours se multiplient. De gigantesques ponts autoroutiers apparaissent en l’espace de quelques mois. Le parc automobile de la ville est saturé ; les embouteillages sont désormais routiniers sur les axes principaux. Mais ce visage du capitalisme pétrolier azerbaïdjanais a son pendant. Le 6 janvier, le gouvernement, qui contrôle l’ensemble de l’économie, a pris la décision de doubler les prix de l’énergie domestique, ce qui aura un effet domino sur l’ensemble du marché intérieur. Rude choc pour une majorité de la population azerbaïdjanaise qui a de plus en plus de mal à suivre.

Les médias azerbaïdjanais, en ce début d’année 2007, affichent une multitude de records pulvérisés par l’économie nationale. La liste est longue. D’après Today.az, l’excédent commercial du pays aurait été de 650% en 2006 ; l’actif de l’Azerdemiyolbank aurait augmenté de 79%, celui de l’Azerneqliyyatbank de 46% et celui de l’Azerbaijan Industry Bank de 60%. Le capital nominal des compagnies d’assurance azerbaïdjanaises aurait progressé de 22,4% ; les prêts investis dans l’économie azerbaïdjanaise seraient montés de 64%. La production agricole aurait battu tous les records avec une valeur de 1.894.731.200 manats.

Sur fond d’exportation pétrolière et gazière et d’investissements étrangers toujours à la hausse, les prix de l’immobilier à Bakou ont littéralement flambé. En deux ans, ce domaine de prédilection des investisseurs azéris a atteint des dimensions dignes des grandes villes européennes. Par comparaison, quand une location à Bakou ne se trouve guère en dessous de 600 manats par mois, le salaire minimum fixé par le gouvernement au 1er février est de 50 manats : ce marché s’est développé en ciblant la communauté internationale travaillant en Azerbaïdjan, en marge de la réalité sociale du pays.

La hausse des prix du 6 janvier ne provient cependant pas des fluctuations du marché : en Azerbaïdjan, les prix de l’énergie domestique sont fixés par le Conseil du Tarif, un organe gouvernemental dépendant du ministère du développement économique. Jusqu’alors, les tarifs sont subventionnés par l’Etat, dopant les prix à la baisse et prévenant une libéralisation du marché qui échapperait au contrôle du gouvernement. Ce système avait entraîné les critiques des organisations économiques internationales, en ce qu’il isolait l’Azerbaïdjan de l’économie mondiale.

Une déclaration du directeur de l’antenne bakinoise du Fonds monétaire international (FMI), Basil B. Zavoico, en novembre 2004, résume la politique de l’organisation à l’égard du pays : « après que les cours de l’euro et du dollar ont augmenté, le prix d’une Mercedes a augmenté. Pourtant, les consommateurs azerbaïdjanais continuent à en acheter. Personne ne s’est plaint. Pourquoi devrait-il en être autrement pour l’énergie ? »

En juin 2006, le représentant de la mission de la Banque mondiale à Bakou, Viktor Kramarenko, pressait le gouvernement de réduire ses subventions pour « augmenter les dépenses sociales ».
En accord avec la demande internationale, le Conseil du Tarif prend donc la décision d’augmenter les prix du gaz et du pétrole domestiques. Le coût de la gazoline est augmenté de 50%, devenant plus élevé en Azerbaïdjan (0,65$ environ) qu’aux Etats-Unis (0,62$) ; celui du diesel de 25%. Le kérosène est multiplié par 2,3 ; le mazout par 3,3. L’électricité connaît la hausse record de 650%.

Cette décision entraîne alors une cascade d’augmentations, tant dans le domaine des services que sur l’ensemble du marché domestique : le prix des transports en communs à Bakou augmente de 33% ; le 31 janvier, la décision est prise d’accroître le prix de l’eau de 40%.
Bien que le gouvernement ait déclaré que ces augmentations ne s’étendraient pas à l’ensemble de l’économie, les premières secousses se font vite sentir. Dans la foulée, certains produits utilisant l’une de ces sources d’énergies haussent leurs prix ; le 1er février, ce sont les journaux, après que les tarifs de publication ont doublé. Naturellement, les domaines les plus variés de l’économie domestique connaissent un choc : le prix du pain a doublé, celui des voitures grimpe. En général, tous les secteurs du marché sensibles aux coûts de l’énergie devraient inévitablement voir leurs propres prix s’aligner.

Les arguments du gouvernement - s’aligner sur l’économie mondiale, augmenter les recettes de l’Etat et lutter contre la contrebande des produits azerbaïdjanais – n’auront guère convaincu les experts indépendants qui ont dénoncé, outre le coût social, les risques d’une inflation galopante.

Apathie?

Prise au dépourvu, la société azerbaïdjanaise n’a pas bougé. Si la mauvaise humeur s’est faite sentir, elle n’a pas dépassé les altercations entre chauffeurs de marchrutkas et passagers. L’heure ne semble pas être à la protestation populaire. Certes, certains partis d’opposition, tel Musavat, ont exprimé leur indignation et leur crainte de voir le pays dirigé vers la banqueroute. Mais malgré leur menace d’organiser des manifestations, rien n’est pour l’instant allé au-delà des déclarations.

Pour contenir le mécontentement, le gouvernement a opéré quelques actions de réindexation des revenus : au 1er février, ceux des employés de l’Etat étaient revus à la hausse de 25%, en même temps que les retraites et les salaires minimums. Mais alors que cette hausse des prix, la quatrième depuis 1991, s’élève en moyenne à plus de 50% - la dernière, celle de 2004, était de 10 à 12% - , ces mesures peuvent paraître pâles au consommateur azerbaïdjanais, d’autant qu’elles jettent de l’ombre sur la logique de l’opération. Dans ces conditions, la presse internationale s’est interrogée sur une possible explosion de colère populaire.

Mais la main de fer du régime Aliyev semble l’emporter. Quelques jours après la hausse des prix, le bruit court à Bakou qu’un homme se serait immolé par le feu devant le palais présidentiel en guise de protestation. L’information, sur le fait évoquée dans les médias, n’est plus mentionnée le soir même et disparaît des médias en ligne.

Le journaliste Bakhtiyar Hadjiev, qui avait fait campagne contre la hausse des prix, aura passé 12 jours en prison, de quoi dissuader d’autres protestataires.

Membre d’une ONG étudiante, Etimad s’irrite contre la passivité de ses compatriotes : « le gouvernement peut bien faire ce qui lui plaît : personne ne réagira en Azerbaïdjan. Il n’y a pas de souci à se faire, la "révolution des grenades" n’est pas pour demain. »

Price hikes: Azerbaijan’s dual-speed economy

Article published in caucaz.com, 27/02/2007 Issue
By Nicolas Landru in Baku, translated by Kathryn Gaylord-Miles and Christian Nils LARSON


© Nicolas Landru (The Teze Market in Baku)

Baku, early 2007. The economic and real estate booms that the Azerbaijani capital has experienced for the past three years are at their heights. Downtown, as in the suburbs, the office towers are multiplying. Gigantic auto bridges appear over the course of a couple of months. The city’s parking lot is overflowing; traffic jams now occur daily on the main thoroughfares. But this aspect of Azerbaijani oil capitalism has its pitfalls. On January 6th, the government, which controls the whole economy, decided to double the price of domestic energy. This will have a domino effect on the whole interior market and it will be a rude shock for a majority of the Azerbaijani population, which has an increasingly difficult time surviving.

During the first months of 2007, Azerbaijani media heavily publicized a multitude of records broken by the national economy. The list is long. According to Today.az, the country’s commercial surplus was 650% in 2006; the assets of Azerdemiryolbank rose 79%, those of Azerneqliyyatbank, 46%, and those of Azerbaijan Industry Bank, 60%. The nominal capital of insurance companies progressed by 22.4%; loans invested in the Azerbaijani economy increased 64%. Agricultural production broke all records with a value of 1,894,731,200 manats.

On a base of record foreign investment and oil and gas exportation, real-estate prices in Baku have risen exponentially. In two years, this favored domain of Azeri investors has reached levels on par with large European cities. For comparison, while a rental in Baku can hardly be had for less than 600 manats per month, the minimum salary set by the government on February 1 is 50 manats. This booming market has developed on the margins of the country’s social reality by targeting the international community working in Azerbaijan.

The January 6 price increase does not come from market fluctuations. Domestic energy prices in Azerbaijan are set by the Tariff Council, a government organ dependant on the Ministry of Economic Development. Currently, tariffs are subsidized by the state, keeping prices low and preventing market liberalization that could escape government control. This system has drawn criticism from international economic organizations because it isolates Azerbaijan from the world economy.

A November 2004 declaration from Basil B. Zavoico, head of the Baku branch of the International Monetary Fund (IMF), summarizes the organization’s policies with regards to the country: “After the euro and the dollar rose, the price of a Mercedes went up. Even so, Azerbaijani consumers continue to buy them. No one has complained. Why should it be different for energy?”

In June 2006, the representative of the mission of the World Bank in Baku, Viktor Kramarenko, pressed the administration to reduce its subsidies to “increase social spending.”

In accordance with international demand, the Tariff Council therefore decided to raise the prices of domestic natural gas and oil. The cost of gasoline rose 50%, becoming higher in Azerbaijan (around $0.65 per liter) than in the United States ($0.62). Diesel prices rose 25%. Kerosene multiplied by a factor of 2.3; heating oil by 3.3. Electricity saw a record increase of 650%.
This decision led to a cascade of increases in the services sector and the entire domestic market. The price of public transportation in Baku rose 33%. On January 31, the decision was made to raise the price of water 40%.

Although the government has declared that these price increases will not spread to the economy as a whole, the first shocks are being felt. On the heels of the energy price increases, the price of certain products that use those sources is increasing. On February 1st, after the costs of publication doubled, with the price of newspapers also rose. Naturally, the most variable areas of the economy are experiencing a shock: the price of bread has doubled, and that of cars is climbing steadily. In general, all market sectors sensitive to the costs of energy will inevitably see their own prices align with the new economic order.

The government’s argument that an alignment with the world economy, an augmentation of state revenues and a strong fight against smuggling Azerbaijani products will hardly convince independent experts who have denounced the risks and social costs of galloping inflation.

Apathy?

Although taken by the unexpected, Azeri society has not budged. If considered in terms of bad humor, Azeri society has not moved beyond altercations between shared taxi drivers and their passengers. It does not seem to be the hour of popular protest. Of course, certain opposition parties, such as Musavat, have expressed their indignation and fear of seeing the country driven to bankruptcy. But despite their threat to organize demonstrations, apart from declarations, nothing has occurred.

To contain the discontent, the government has taken action to redistribute some of the revenue. On February 1 public employee salaries, minimum salaries and pensions were increased by at least 25%. But because the January price hike, the fourth such hike since 1991, averaged an actual 50% increase while the last hike in 2004 was only 10-12%, these measures may appear insufficient to the Azerbaijani consumer. They also make more unclear the aim of the whole operation. In these conditions, the international press speculated about a possible explosion of widespread anger.

But the iron fist of the Aliyev regime seems to have things under control. Several days after the price hike, a man in front of the presidential palace set himself on fire in protest. The information was initially relayed in the media, but by evening, the news was no longer mentioned and had disappeared from online sources as well.

Journalist Bakhtiyar Hadjiev, who had campaigned against the price hikes, spent 12 days in prison, a punishment which would dissuade other protesters.

A member of a student NGO, Etimad, is irritated by the passivity of his compatriots. “The government can do whatever it wants. No one will react in Azerbaijan. There is no need to worry, the ‘pomegranate revolution’ won’t be tomorrow.”

Preissteigerungen im Aserbaidschan der zwei Geschwindigkeiten

Artikel erschienen in caucaz.com am 18/02/2007
Von Nicolas LANDRU in Baku, übersetzt von Myriam GOINARD und Monika RADEK


© Nicolas Landru (Der Markt Teze in Baku)

Baku, Anfang 2007. Der Wirtschafts- und Bauboom, den die aserbaidschanische Hauptstadt seit drei Jahren erlebt, ist in vollem Gange. Im Stadtzentrum wie in den Vororten entsteht ein Hochhaus nach dem anderen. Gewaltige Autobahnbrücken werden innerhalb weniger Monate gebaut. Der Fahrzeugmarkt der Stadt ist gesättigt; die Staus auf den Hauptstraßen gehören nun zum alltäglichen Bild der Stadt. Aber dieses Gesicht des aserbaidschanischen Ölkapitalismus hat auch seine Kehrseite. Die Regierung, die die gesamte Wirtschaft kontrolliert, hat am 6. Januar 2007 beschlossen, die Energiepreise für die Haushalte zu verdoppeln, was sich auf den gesamten Binnenmarkt auswirken wird. Ein schwerer Schlag für die Mehrheit der Bevölkerung, der es immer schwerer fällt, bei diesen Entwicklungen mitzuhalten.

In den aserbaidschanischen Medien wurde zu Beginn des Jahres 2007 eine eindrucksvolle Anzahl an gebrochenen Rekorden der nationalen Wirtschaft aufgelistet. Der Handelsüberschuss habe im Jahre 2006 650% betragen, berichtet Today.az. Das Kapital der Azerdemijolbank sei um 79%, das der Azerneqliyyatbank um 46% und das der Azerbaijan Industry Bank um 60% gestiegen.

Das Nominalkapital der aserbaidschanischen Versicherungsfirmen habe ein Wachstum von 22,4% erlebt; die in die aserbaidschanische Wirtschaft investierten Ausleihen seien um 64% gestiegen.Vor dem Hintergrund von Gas- und Ölexporten und zunehmenden ausländischen Investitionen sind die Baupreise in Baku regelrecht explodiert. Innerhalb von zwei Jahren hat dieses Lieblingsgebiet der aserbaidschanischen Investoren ein Ausmaß erreicht, das sich an die Gegebenheiten der großen europäischen Hauptstädte annähert. Zum Vergleich: während es fast unmöglich ist, eine Mietwohnung unter 600 Manat monatlich zu finden, beträgt der am 1. Februar 2007 von der Regierung festgelegte Mindestlohn 50 Manat. Dieser Markt hat sich in Ausrichtung auf die internationale Gemeinschaft entwickelt, die in Aserbaidschan arbeitet und völlig neben der sozialen Wirklichkeit des Landes lebt.

Der Preisanstieg vom 6. Januar 2007 erklärt sich jedoch nicht aus den Marktschwankungen: in Aserbaidschan werden die Energiepreise vom Tarifrat festgelegt, einem vom Ministerium für wirtschaftliche Entwicklung abhängigen Regierungsorgan. Bis heute werden die Preise vom Staat subventioniert, der die Preise drückt und somit eine Liberalisierung des Markts verhindert, die sich der Regierungskontrolle entziehen würde. Dieses System hatte kritische Stimmen der internationalen Wirtschaftsorganisationen laut werden lassen, mit dem Argument, diese Politik isoliere Aserbaidschan von der Weltwirtschaft.

Eine Erklärung des Vorsitzenden des aserbaidschanischen Vertretung des Internationalen Währungsfonds (IWF), Basil B. Zavoico, vom November 2004 fasst die Politik seiner Organisation gegenüber diesem Land so zusammen: „Nachdem die Kurse des Euro und des US-Dollar gestiegen sind, ist der Preis eines Mercedes ebenfalls nach oben gegangen. Dennoch kaufen die aserbaidschanischen Konsumenten ihn weiter. Keiner beklagt sich darüber. Warum sollte es im Energiebereich anders sein?“

Im Juni 2006 forderte der Vertreter der Niederlassung der Weltbank in Baku, Viktor Kramarenko, die Regierung dazu auf, ihre Zuschüsse zu reduzieren, um eine „Zunahme der sozialen Ausgaben“ zu ermöglichen.

Entsprechend der internationalen Nachfrage beschloss der Tarifrat daraufhin, die Gas- und Ölpreise zu erhöhen. Die Kosten für Benzin sind in der Folge um 50% gestiegen und seitdem in Aserbaidschan (0,65 USD) teurer als in den USA (0,62 USD). Der Dieselpreis stieg um 25%, das Kerosin um das 2,3-fache; das Heizöl wurde um das 3,3-fache teurer. Der Strompreis stieg um den Rekordprozentsatz von 650%.

Dieser Beschluss hat somit eine Welle von Preiserhöhungen zur Folge, und das nicht nur im Dienstleistungsbereich, sondern auf dem gesamten heimischen Markt: der Preis für öffentliche Verkehrsmittel in Baku stieg um 33%, und am 31. Januar 2007 wurde beschlossen, den Wasserpreis um 40% zu erhöhen.

Obwohl die Regierung erklärt hat, die Erhöhungen würden nicht an die gesamte Volkswirtschaft weitergegeben, bekommt man die ersten Auswirkungen schnell zu spüren. Schritt für Schritt steigen die Preise der Produkte, die auf eine der genannten Energiequellen angewiesen sind. Am 1. Februar 2007 waren es die Zeitungen, die infolge einer Erhöhung der Druckkosten ihre Preise verdoppelt haben. Von diesem Preisschock sind die verschiedensten Sektoren der heimischen Volkswirtschaft betroffen: der Brotpreis hat sich verdoppelt, die Automobilpreise steigen. Insgesamt dürften alle Sektoren, die auf Energiepreise sensibel reagieren, nicht umhinkommen, ihre eigenen Preise zu erhöhen.

Die Argumente der Regierung – Anpassung an die Weltwirtschaft, Erhöhung der Staatseinnahmen, Kampf gegen den Schmuggel aserbaidschanischer Produkte – haben unabhängige Experten, die neben den sozialen Kosten vor allem das hohe Risiko einer galoppierenden Inflation betonen, kaum überzeugen können.

Apathie?

Die überrumpelte aserbaidschanische Gesellschaft hat sich nicht gerührt. Wenn sich die schlechte Stimmung bemerkbar macht, dann geht sie nicht über die Unterhaltungen zwischen Marschrutka-Fahrern und ihren Gästen hinaus. Für Demonstrationen scheint die Zeit nicht geeignet zu sein. Zwar haben einige Oppositionsparteien, so Musavat, ihre Empörung und ihre Sorge, das Land im Bankrott enden zu sehen, geäußert. Entgegen ihren Drohungen, Demonstrationen zu organisieren, hat bislang nichts stattgefunden, das über den Charakter von Erklärungen hinausginge.

Um die Unzufriedenheit im Zaum zu halten, hat die Regierung einige Maßnahmen zur Indexierung der Löhne ergriffen: am 1. Februar wurden die Gehälter der Staatsfunktionäre sowie die Renten und Mindestlöhne um 25% erhöht. Obwohl diese Lohnerhöhung – die vierte seit 1991 – durchschnittlich 50% beträgt – die letzte (2004) belief sich auf 10-12% - müssen die unternommenen Maßnahmen in den Augen der aserbaidschanischen Verbraucher blass erscheinen. Angesichts dieser Bedingungen hat sich die internationale Presse zu Recht gefragt, ob der Ausbruch einer kollektiven Wut nicht doch zu erwarten sei.

Die eiserne Faust des Alijew-Regimes scheint jedoch den Sieg davon zu tragen. Einige Tage nach der Preiserhöhung gibt es in Baku Gerüchte, dass ein Mann sich als Zeichen des Protestes vor dem Präsidentenpalast angezündet hätte. Die Information über diesen Zwischenfall, von dem zunächst umgehend in den Medien berichtet wurde, verschwand bereits am selben Abend aus der Berichterstattung der regimetreuen Medien.

Der Journalist Bachtiyar Hadschijew, der eine Kampagne gegen die Preiserhöhungen gestartet hatte, musste 12 Tage im Gefängnis verbringen, was weitere Proteste abschrecken sollte. Etimad, Mitglied einer studentischen NGO, ärgert sich über die Passivität seiner Landsleute: „Die Regierung kann machen, was sie will: In Aserbaidschan wird niemand reagieren. Keine Sorge, die ‘Granatapfel-Revolution’ wird sobald nicht kommen.”

Les minorités religieuses restent dans l’ombre en Géorgie

Article paru dans caucaz.com, édition du 29/01/2007
Par Nicolas LANDRU à Tbilissi


© Nicolas Landru (Eglise Catholique Saint Pierre et Paul à Tbilissi)

Jusqu’à la « révolution des roses », la Géorgie avait attiré l’attention internationale en raison des agressions commises par des factions radicales de l’église orthodoxe à l’encontre de religions minoritaires, d’églises chrétiennes surtout. La nouvelle équipe au pouvoir a pris des mesures spectaculaires dans le cadre plus large de la lutte contre la criminalité. Parmi lesquelles, l’arrestation en mars 2004 du prêtre défroqué Bassili Mkalavichvili, meneur charismatique d’attaques sur les minorités religieuses. Le discours officiel mentionne souvent cette date comme la fin des « persécutions ». Cette vision, si elle s’appuie sur une réelle amélioration, occulte pourtant l’activisme de groupes orthodoxes fondamentalistes et cache mal le malaise des groupes minoritaires dans la société géorgienne. Les évènements survenus lors de la publication du livre Pour la vérité et la justice sur l’église d’Ivlita montrent que les problèmes rencontrés par les minorités religieuses depuis près de vingt ans sont toujours d’actualité.

la fin des années 80, le Front Populaire Géorgien énonce les valeurs d’une Géorgie souveraine. Les activistes du renouveau national associent étroitement l’identité géorgienne à l’orthodoxie, parce qu’elle était notamment la religion royale de l’âge d’or, au 12e siècle, référence principale de la construction nationale. Alors que les populations géorgiennes ont au cours des siècles professé diverses confessions et que d’autres groupes ethnico-religieux sont profondément implantés sur le territoire, l’orthodoxie – qui représente en 1989 la religion d’origine d’à peine deux tiers des habitants – devient une condition sine qua non d’adhésion à la nation.

Au sein de ce renouveau religieux, intervenant après 70 ans d’athéisme d’Etat, les autres religions sont perçues comme des menaces. Le premier président de la Géorgie indépendante, Zviad Gamsakhourdia, déclarait devant la mosquée de Batoumi, capitale de l’Adjarie, alors république autonome traditionnellement peuplée de Géorgiens musulmans : « Etes-vous Géorgiens ou non ?».

Lors des troubles de la guerre civile, les minorités ethniques et religieuses sont les premières cibles des organisations nationalistes. Dès 1989, les dévots de Krishna sont persécutés par le groupe paramilitaire des Mkhedrionis. En particulier les églises chrétiennes « non traditionnelles », celles que les canons nationaux ne reconnaissent pas comme historiquement implantées en Géorgie et qui présentent une potentielle concurrence à la foi orthodoxe, sont victimes de vexations. Sous la période Chevardnadze, la paralysie de la société, la corruption des forces de l’ordre et des tribunaux laissent ces groupes avec peu de moyens de défense.

Des fondations orthodoxes radicales sont créées dans les années 90, avec pour mission d’éradiquer les hérétiques : sectes, protestantismes, mais aussi catholicisme. Des confréries extrémistes se forment. Les organisations Mdzleveli ou Djvari visent assemblées, réunions, constructions, personnes isolées ou symboles religieux ; les autodafés se multiplient. Les témoins de Jéhovah, présents dans le pays depuis les années 50, deviennent les cibles d’agressions, tout comme les baptistes et adventistes du septième jour. Au début des années 2000, les attaques du Père Bassili atteignent des sommets. La « révolution des roses » viendra mettre un terme à l’impunité constante de ce type d’agression.

Les violences depuis « Père Bassili »

L’arrestation du Père Bassili, surmédiatisée, n’a pas éliminé le fondamentalisme – contrairement à ce que le pouvoir cherche souvent à montrer. Certes, les bases d’un Etat de droit ont été posées et les auteurs de violences sont plus régulièrement inquiétés par les forces de l’ordre. Que celles-ci ne prennent plus directement part aux agressions et n’emprisonnent plus les témoins de Jéhovah est en soi un progrès décisif. Les tribunaux ne sont plus tronqués ou le sont moins ouvertement. D’après Beka Mindiachvili, médiateur du gouvernement, il y aurait eu environ 800 attaques contre les témoins de Jéhovah jusqu’à l’arrestation du Père Vassili. Depuis, une trentaine ont été enregistrées. Pourtant, les mesures de début 2004 n’ont pas embrayé sur un traitement de fond du problème.

Certains prêtres extrémistes sont encore largement actifs : le métropolite Kalistrat de Koutaïssi profère de violents sermons contre les catholiques, historiquement importants en Imérétie. Le Père David Isakadze de l’église de Dighomi à Tbilissi s’en prend aux pentecôtistes, ou tente de « transformer » les assyriens catholiques en orthodoxes. Récemment, il traitait le pasteur évangélique de « singe de Luther ». Beka Mindiachvili énumère agressions sur personnes et bâtiments ou insultes ayant porté tort à des groupes religieux en 2006 ; elles n’atteignent pas la gravité ni le nombre de ces dernières années, mais restent une constante de l’actualité géorgienne, souvent négligée par les médias.

Si le changement de régime a marqué un certain renforcement de la légalité, la promotion de l’église orthodoxe au sein du pouvoir depuis 2003 va de pair avec un deuxième renouveau religieux. Paradoxalement, alors que leur situation s’est concrètement améliorée, les minorités religieuses se sont subséquemment retrouvées dans une position sociale non moins délicate.

Les pressions de la société

Le Catholicos orthodoxe, Ilia II, n’a jamais incité à la violence. Les actions violentes sont l’œuvre de groupes marginaux ; mais certains observateurs les considèrent portées par un climat d’intolérance baignant la société géorgienne. Alors que pour beaucoup de politiciens, les réponses seraient dans le renforcement de l’Etat de droit, Emil Adelkhanov, activiste des droits de l’homme, y voit un problème beaucoup plus profond : « Il faudrait procéder à une éducation générale de la société, au sens des Lumières. L’ignorance est la base de l’intolérance.»

La falsification de l’histoire religieuse donne les conditions d’une animosité envers les autres religions. Les médias de masse jouent souvent un rôle négatif à cet égard, en servant une publicité pro-orthodoxe. La chaîne de télévision Imedi par exemple se réfère uniquement à l’orthodoxie. Quand les autres religions n’y sont pas montrées négativement, elles sont souvent, de même que les minorités ethniques, ignorées des médias géorgiens.

En outre, l’intervention violente de groupes orthodoxes dans des questions de société montre qu’ils se positionnent en gardiens de la morale nationale. Début 2006 par exemple, des fondamentalistes ont attaqué le cinéma Roustavéli pour avoir montré le film Da Vinci Code. Le combat contre les autres religions participe de la même politique.

La question du statut

Les religions minoritaires ont en 20 ans perdu beaucoup d’adeptes. Comme beaucoup de non-Géorgiens ont géorgianisé leur nom, nombre de Géorgiens d’origine non orthodoxe se sont convertis à cette religion, par sécurité ou pour éviter l’ostracisme. Aujourd’hui, le phénomène est flagrant en Adjarie, revenue sous le giron de Tbilissi en 2004 : en juillet 2006, la troisième conversion en masse se déroulait à Kobouléti, où trois cent musulmans ont embrassé la foi orthodoxe.

Depuis 2002, un concordat donne à l’église orthodoxe un statut exceptionnel, alors qu’aucune autre religion n’a reçu de statut légal. Les privilèges contractés sont nombreux : son clergé est exempté de service militaire, les bases de l’orthodoxie sont enseignées à l’école, les diplômes d’universités orthodoxe ont valeur officielle, douze jours saints orthodoxes sont fériés, etc.

En perte de terrain et officiellement discriminés, les autres groupes religieux expriment différentes revendications. Certaines organisations protestantes ou musulmanes ont choisi de se faire enregistrer comme ONG. Les catholiques et les apostoliques arméniens, entre autres, revendiquent le statut de personnes juridiques légales au même titre que l’église orthodoxe, sans résultat.

La querelle des églises

Ces deux communautés ont en commun un second problème : celui des églises catholiques ou arméniennes avant l’époque soviétique, investies lors de l’indépendance par des prêtres orthodoxes. D’autres sont propriété d’Etat, lequel refuse de les restituer. Le contentieux concerne six églises pour chaque communauté. La sensibilité du problème dans l’opinion publique, qui y voit une menace à la nation orthodoxe, dissuade les politiques d’accorder leurs réclamations aux minorités.

L’affaire de l’église d’Ivlita intervient dans ce contexte. Il s’agit d’une église en Meskhétie, catholique avant l’époque soviétique, située dans un village majoritairement catholique. Elle a été récemment occupée par un prêtre orthodoxe, qui y a vandalisé les tombes de missionnaires français et autres signes de catholicisme. Le théologien Nougzar Papouachvili et le prêtre catholique Gabriele Bragantini ont publié un livre Pour la vérité et la justice sur l’église d’Ivlita qui y dénoncent un « vol de patrimoine ».

Lors des présentations du livre, le 25 octobre et le 27 novembre 2006, des membres des groupes « Union des Parents Orthodoxes » et « Société de Saint David le Reconstructeur », menés par le Père David Isakadze, ont fait irruption. Ils ont insulté les auteurs et leurs partenaires et tenté de les atteindre physiquement. « Je connais bien ces gens », explique le Père Bragantini, « ce qui est arrivé est pour moi chose courante », tout en montrant une pile de publications dénonçant l’hérésie catholique et appelant à la haine à son encontre.

Si les violences en Géorgie ont été réduites par l’instauration d’un règne minimal de la loi, cette anecdote est révélatrice d’un climat ambiant encore peu favorables aux religions minoritaires. Dénoncées comme une menace par les fondamentalistes orthodoxes, peu d’espace public leur est laissé. Malgré leur nombre et leur poids, elles s’affichent peu et sont largement ignorées des discours politiques et des manuels scolaires. « La situation actuelle n’est pas dramatique, on n’assassine pas les groupes minoritaires dans la rue », conclut Emil Adelkhanov. « Mais tous les facteurs sont rassemblés pour qu’à tout instant, cela empire ».

In Georgia, Religious Minorities Remain in the Shadow

Article published in caucaz.com, 08/02/2007 Issue
By Nicolas LANDRU in Tbilisi, translated by Kathryn GAYLORD-MILES and Aaron FERRIS


© Nicolas Landru (Catholic Church in Tbilissi)

Until the Rose Revolution, Georgia attracted international attention because of attacks against religious minorities committed by radical factions of the Orthodox Church, particularly Christian churches. The new government in power has taken spectacular measures in the larger frame of the fight against crime. Among these measures is the March 2004 arrest of the defrocked priest Basili Mkalavishvili, a charismatic leader of attacks on religious minorities. The official discourse often mentions this date as the end of “persecutions.” This vision however, if it supports a real improvement, is seen as covert by the activism of fundamentalist Orthodox groups and poorly hides the malaise of minority groups in Georgian society. The events that arose with the publication of the book For Truth and Justice on the Ivlita Church show that the problems religious minorities have encountered for nearly twenty years are still in existence.

At the end of the 1980s, the Georgian Popular Front expressed the values of a sovereign Georgia. Activists in the national revival closely associated Georgian identity with Orthodoxy, notably because Orthodoxy was the royal religion of the Golden Age in the 12th century, a principle reference in the national statebuilding effort. While over the course of the centuries Georgian populations have professed a number of diverse confessions and while other ethno-religious groups have become deeply implanted in the territory, Orthodoxy—which in 1989 represented the birth religion of barely two-thirds of residents—has become a sine qua non of adhesion to the nation.

At the center of this religious revival, which comes after seventy years of state-sponsored atheism, other religions are perceived as threats. The first president of independent Georgia, Zviad Gamsakhurdia, declared in front of the mosque in Batumi, capital of Adjara, an autonomous republic traditionally populated by Georgian Muslims, “Are you Georgians or not?”

During the troubles of civil war, ethnic and religious minorities are the first targets of nationalist organizations. From 1989, followers of Hare Krishna have been persecuted by the paramilitary group Mkhedrioni. In particular, “non-traditional” Christian churches, those that national canons do not recognize as historically implanted in Georgia and which present potential competition to the Orthodox faith, are victims of vexations. During the Shevardnadze period the paralysis of society and the corruption of both the police and tribunals left these groups with few means of defense.

Radical Orthodox foundations were created in the 1990s, with the mission of eradicating heretics including not only sects and Protestantism, but Catholicism as well. Extremist brotherhoods were formed. The Mdzleveli and Jvari organizations target assemblies, meetings, constructions, isolated persons or religious symbols; auto-da-fés multiplied. Jehovah’s Witnesses, which have been present in the country since the 1950s, became targets of aggression, just as the Baptists and Seventh-Day Adventists did. In the early 2000s, Father Basili’s attacks reached their apex. The Rose Revolution would come to put an end to the systematical impunity of this type of aggression.

Acts of Violence since “Father Basili”

Contrary to that which the government often seeks to prove, the highly publicized arrest of Father Basili has not eliminated fundamentalism. However, the bases for a state of law were laid down and those who commit violent acts are more regularly harassed by the police. That the police do not directly take part in the aggressions and no longer imprison Jehovah’s Witnesses is in itself a decisive progress. The tribunals are no longer shortened, or are less openly so. According to Beka Mindiashvili, a government ombudsman, there were approximately 800 attacks against Jehovah’s Witnesses prior to the arrest of Father Basili. Since then, approximately thirty have been reported. Nevertheless, the measures taken in the beginning of 2004 did not address the root of the problem.

Certain extremist priests are still widely active. The metropolitan Kalistrat of Kutaisi proffers violent sermons against Catholics, a historically important congregation in Imereti. Father David Isakadze of the Church of Dighomi in Tbilisi attacks Pentecostals, or tries to convert Assyrian Catholics into adherents to Orthodoxy. Recently, he referred to the evangelical pastor as “Luther’s monkey.” Beka Mindiashvili enumerates crimes against people and buildings or insults against religious groups. In 2006 they attained neither the gravity nor the number of recent years, but they do remain a constant in Georgian daily life and are often neglected by the media.

If the change of government saw an increase in law enforcement, the 2003 promotion of the Orthodox Church to the heart of power goes hand-in-hand with a second religious revival. Paradoxically, while their situation has unquestionably improved, religious minorities subsequently find themselves in a social position no less delicate than before.

Pressures of Society

The Orthodox Catholicos, Ilia II, has never incited violence. While the violent acts are the work of marginal groups, certain observers consider them to be brought on by the climate of intolerance flooding Georgian society. Although many politicians consider the remedy to involve strengthening the State, Emil Adkhanov, a human rights activist, finds that the problem is much more complex: “It is necessary to proceed with the general education of the society, as in the Age of Enlightenment. Ignorance is the basis of intolerance.”

The falsification of religious history gives rise to conditions provoking animosity towards other religions. Mass media often plays a negative role in this respect, serving pro-Orthodox publicity. The television network Imedi comments only on Orthodoxy. When other religions aren’t portrayed negatively, as with ethnic minorities they are often ignored completely by Georgian media.

In addition, the violent intervention of the Orthodox groups in social issues shows that they are positioning themselves as guardians of the national morale. At the beginning of 2006, fundamentalists attacked the Rustaveli movie theater for having shown the film “The Da Vinci Code.” The fight against other religions shares the same politics.

The Question of Status

In the last 20 years minority religions have lost many adherents. Just as many Georgians have Georgianized their names, a number of Georgians of non-orthodox origin have converted to orthodoxy for safety or for the purpose of avoiding ostracism. Today, the phenomenon is blatant in Adjara, of the breakaway region which returned to Tbilisi’s control in 2004. In July 2006, the third mass conversion took place in Kobuleti and 300 Muslims embraced the Orthodox faith.

Since 2002, a decree has given the Orthodox Church an exceptional legal status, although no other religion has received such a status. The contracted privileges are numerous: the Orthodox clergy is exempt from military service, the fundamentals of Orthodoxy are taught in schools, diplomas from Orthodox universities are officially recognized, there are 12 official holidays for Orthodox saints, etc.

In terms of losing ground and being officially discriminated against, other religious groups have expressed different demands. Certain protestant and Muslim organizations have chosen to register themselves as NGOs. Catholics and Armenian Apostolics, among others, have been claiming the same legal titles as the Orthodox Church with no success.

The Churches’ Quarrel

These two communities have a second mutual problem: that of Catholic and Armenian churches from the pre-Soviet era, occupied by Orthodox priests at the time of Georgian independence. The State has refused to return the other churches that remain in its property to their original owners. This matter of contention specifically concerns six churches for each community. The sensitivity of the issue in the national public opinion, which sees the return of the churches as a menace to the Orthodox nation, is dissuading policy from agreeing with the claims.

The issue of the Ilvita church intervenes in this context. Ilvita is a church in Meskheti, which was Catholic prior to the Soviet era and is situated in a Catholic majority. It was recently occupied by an Orthodox priest, who vandalized the tombs of French missionaries as well as other signs of Catholicism. The theologian Nugzar Papuashvili and the Catholic priest Gabriele Bragantini published a book For Truth and Justice on the Ivlita Church, which calls the recent events there a “theft of heritage.”

During presentations of the book on October 25 and November 27, 2006, members of the groups “The Union of Orthodox Parents” and “The Society of Saint David the Reconstructor,” led by Father David Isakadze, burst into the room. They insulted the authors and their partners and tried to physically hit them. “I know these people well. What happened is, in my eyes, a trend,” explained Father Bragantini, pointing to a pile of publications denouncing the Catholic heresy and provoking hatred against it.