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mercredi 31 mars 2010

Mestia, Svanétie











Mestia, Svanétie

Photos : Nicolas Landru

mardi 16 mars 2010

Gudauri, Khevi. A ski resort and a great point of view on the Caucasus


The Levi Range


The Kazbek Massive

Young guys drinking

The Gudamakharo Range


View from the pistes

See more: Gudauri, Ski Resort in Khevi
Pictures: Nicolas Landru

lundi 15 février 2010

Maréchaux-ferrants azéris sur le marché aux chevaux de Kabali (Kakhétie)

VIDEO : http://www.youtube.com/watch?v=aVWk0HHMvHM

Faire poser un fer à son cheval sur le marché aux chevaux de Kabali coûte 20 laris. Tous les trois mois, un investissement obligatoire pour beaucoup d'habitants de cette région où le bel animal est encore souvent un "outil" de vie important ; transport, élevage, agriculture...

Les maréchaux-ferrants présents tous les dimanche sur le marché sont, comme bon nombre de vendeurs, des Azéris de la région, du village de Kabali ou d'autres. Fins artisans, ils connaissent leur ouvrage et ne manquent pas de fierté lorsque des étrangers veulent filmer leur art...


Dans l'extrait vidéo (voir le lien), les questions leurs sont posées par l'artiste-aventurier allemand Hans Heiner Buhr, qui tient aussi une agence de voyage en Géorgie, "Kaukasus Reisen". Il organise des circuits, entre autres en Kakhétie, qui peuvent inclure une visite au marché dominical.

Ce jour-là était l'ouverture de la Bérikoba, carnaval géorgien qui veut que des diables, "Bérikas" masqués, rackettent les badauds...

Photos et vidéo (voir lien) : Nicolas Landru

dimanche 7 février 2010

Reportage BD en Ossétie du Sud (de Chapatte)


Un très bon reportage sur un support original dans l'Ossétie du Sud d'après-guerre : le dessinateur français Chapatte, spécialiste de "dessins de presse", recueille les témoignages de représentants de la société civile mais aussi de simples habitants ossètes et géorgiens de Tskhinvali et alentours, dans le sillon d'une mission de la croix-rouge. En ce qui concerne la guerre d'août 2008, il a le mérite de montrer le point de vue des Ossètes (souvent ignoré par l'opinion publique internationale qui a favorisé la vision d'une guerre russo-géorgienne ; de plus, les journalistes occidentaux ont considérablement plus fait d'enquêtes en Géorgie qu'en Ossétie du sud et plus massivement recueilli les témoignages de Géorgiens). D'un point de vue journalistique, le reportage a la grande qualité d'être au crayon aussi clairvoyant et apte à capter la réalité qu'une caméra ou un appareil photo.

Le reportage BD est accessible en ligne sur le site de l'auteur
Editorial Cartoons ; ou (on peut mieux zoomer) sur le site du CICR

vendredi 29 janvier 2010

Le marché de Kabali en Kakhétie : intégration régionale autour du cheval?

Article publié dans Caucaz.com le 12/01/2010

Par Nicolas LANDRU à Kabali/Ninigori


© Nicolas Landru, Marché aux chevaux de Kabali

Le marché aux bestiaux dominical de Kabali en Kakhétie, aux confins sud-est de la Géorgie et à quelques kilomètres de la frontière avec l'Azerbaïdjan, semble comme revenu d'une autre époque. C'est le plus grand marché de ce genre en Géorgie, au cœur d'une région témoignant d’une superposition des peuples et des cultures. Là où le pastoralisme rejoint le sédentarisme, quelques perspectives sur un tropisme emblématique de dizaines d’économies locales en Transcaucasie.

La région de Kabali, le district de Lagodékhi, est un espace de transition. Au nord et à l'ouest, la Kakhétie profonde du vin et des traditions géorgiennes. Au sud, la Kakhétie des steppes et des bergers, qui ouvre sur l'Azerbaïdjan et au-delà, la Caspienne et l'Asie centrale.

La zone habitée s'étale comme une lignée entre la muraille de pierre abrupte et sans trouée du Grand Caucase (au-delà de laquelle s'étend le Daguestan en Russie) et la vallée de l'Alazani, vaste lit alluvial de la rivière traditionnellement inhabité en raison des crues, et réservé aujourd'hui à l'agriculture.

Le village de Kabali est en majorité peuplé d'Azéris et c'est l'un des plus anciens de la région. Tout le district de Lagodékhi est composé d'un savant mélange ethnique. Des villages géorgiens, la grande majorité, plus précisément d'Imérétiens de Géorgie occidentale relocalisés ici dans les années 1930 pour peupler cette région alors quasi vide d'habitants ; des villages azéris ; ossètes, en voie rapide de dépeuplement, l'émigration vers l'Ossétie du Nord étant fulgurante ; enfin de groupes ethniques daguestanais (Lezguines, Avars). On trouve même quelques villages d’Oudis, ce peuple chrétien quasiment disparu, formant une petite minorité en Azerbaïdjan, et que l'on dit descendant des anciens Albanais du Caucase.

Pastoralisme

Un groupe de population nomadise tout au long de l'année du nord au sud de la Kakhétie, donnant en quelque sorte son unité à la région : les Touches, bergers originaires des montagnes de Touchétie tout au nord-est, lesquelles constituent les pâturages d'été pour leurs troupeaux. A l'automne, ils descendent toute la vallée de l’Alazani pour atteindre leurs pâtures d'hiver, les steppes de Chiraki à la frontière azérie. Bon nombre d'Azéris du sud de la Kakhétie sont également pasteurs et se déplacent de manière saisonnière dans le sud de la région, franchissant souvent la frontière de leur pays "titulaire", l'Azerbaïdjan.

En somme, le voile du nomadisme fait encore surface dans la région, pour venir se mêler à la culture sédentaire et viticole des Géorgiens. A l'époque soviétique, les peuples nomades ont été à demi-sédentarisés, souvent assignés à surveiller des troupeaux collectivisés. Les cultures « nomades » d'origine n'ont pas tardé à réapparaître en force avec l'effondrement de l'URSS, et dans l'indigence des infrastructures, le cheval a repris une place primordiale dans la culture locale.

Utilisés pour le transport, comme les bœufs et buffles d'eau, mais surtout comme monture pour la surveillance des troupeaux de moutons élevés pour leur laine et leur viande, ces petits chevaux de type arabe rappellent qu'il n'y a pas deux siècles, des peuples turcs nomades en provenance des steppes d'Asie centrale (qui allaient devenir l'un des nombreux composants de la minorité azérie) venaient encore s’établir dans la région .

Nœud d’une économie de subsistance

Important point de commerce des chevaux, bœufs et moutons, installé entre deux villages, le marché aux bestiaux de Kabali se présente comme un vaste espace plat sans infrastructure précise, étalé autour du lit alluvial de la rivière Kabali. Vite boueux quand il a plu, il ressemble surtout à un vaste terrain vague où chaque dimanche, on peut venir tenter de vendre ses bêtes.

Les véhicules (Ladas et charrettes à chevaux pour la plupart) sont vaguement garés sur les côtés, et sur le terrain, les hommes exposent et montent les bêtes, négocient un cheval pour 300 à 2000 laris selon la "qualité" de la bête, son âge, sa taille, sa force. Des courses et essais de charrettes et de chevaux ont lieu entre les étalages, fournissant le divertissement nécessaire aux longues heures d'attente, semant parfois la panique parmi l'attroupement.

L'attirail annexe, selles et étriers, chars ou harnais, est confectionnés à la main, en bois, en cuir ou en peau de mouton. Si le marché aux chevaux ne rassemble quasiment que des hommes, le marché d’équipement, de victuailles, vêtements, et produits divers, sous des halles précaires installées de l'autre côté du site, est l'apanage des femmes et des familles. Ce marché, comme on en trouve de partout dans le Caucase, est néanmoins le plus important du sud de la Kakhétie.

Un facteur d’intégration régionale ?

A l'image du festival religieux d’Alaverdoba, au nord de la Kakhétie, qui a lieu autour de la cathédrale orthodoxe d'Alaverdi et qui est traditionnellement ouvert à toutes les confessions, le marché de Kabali est un point de rencontre des villages et des groupes ethniques de la région. Facteur d’équilibre régional, on vient de loin pour y participer, dans cette province rurale ou l’agriculture et, dans une moindre mesure, le pastoralisme, sont un élément important de l'économie des foyers.

La Kakhétie fait partie des régions les plus multiethniques de la Géorgie, mais elle appartient aussi aux plus stables et aux moins empreintes de tensions ethno-politiques. Si ce phénomène est lié à un grand nombre de facteurs, le mode de gestion des dirigeants locaux, la structure du pouvoir, l’histoire, des causes géostratégiques, il a aussi indéniablement à voir avec le fait que tous les groupes de la région – dont aucun n’est isolé et qui parlent tous le Géorgien comme langue de communication – sont unis dans un système socio-économique particulier qui tourne autour de cette rencontre entre viticulture, pastoralisme, nomadisme et sédentarisme.

« 14 peuples vivent à Lagodékhi », s’exclame dans un toast Batcho, que son métier amène à faire du porte à porte dans toute la région. « Tout le monde a besoin de tout le monde, et tous vivent en paix, en bons voisins. ».

Bien loin de Tbilissi et de la nouvelle Géorgie, le marché de Kabali est un résidu d'âges où le temps n'avance pas aussi vite. C’est un vestige que l'URSS n'a pas enterré, loin de là, et que la Géorgie mettra longtemps à faire disparaître. Les transformations socio-économiques récentes que connaît le pays concernent des domaines précis touchant presque uniquement la population de la capitale. Elles ont bien peu d'impact sur les "écosystèmes" de province. Faute d'une révolution économique durable capable de restructurer de fond en comble une société encore ancrée dans la ruralité et le pastoralisme, le marché de Kabali et ses innombrables parents animeront encore bien des dimanches de micro-régions du Caucase.

Voir aussi le portfolio de Caucaz.com : Le marché de Kabali

Der Markt von Kabali in Kachetien: Regionale Integration durch das Pferd?

Veröffentlicht in Caucaz.com am 26/01/2010

Von Nicolas LANDRU in Kabali/Ninigori
übersetzt von Astrid HAGER



© Nicolas Landru, Der Pferdemarkt von Kabali

Der Viehmarkt von Kabali in Kachetien, an der südöstlichen Grenze Georgiens und einige Kilometer von der Grenzelinie zu Aserbaidschan entfernt, erscheint wie die Wiederkehr einer anderen Epoche. Dieser Markt ist der größte seiner Art in Georgien, im Herzen einer Region, in der sich Völker und Kulturen überlappen. Hier treffen sich Weidewirtschaft und Sesshaftigkeit und lassen Einblicke in den beispielhaften Tropismus von Dutzenden von Lokalwirtschaften im Transkaukasus zu.

Die Region von Kabali, der Bezirk Lagodechi, ist eine Übergangsregion. Im Norden und Westen das tiefe Kachetien mit seinem Weinbau und seinen georgischen Traditionen. Im Süden das Kachetien der Steppen und Hirten, das sich nach Aserbaidschan hin öffnet, und jenseits davon dem Kaspischen Meer und Zentralasien.

Das bewohnte Gebiet zieht sich wie eine Linie zwischen der lückenlosen steinernen Steilmauer des Großen Kaukasus (auf deren anderer Seite sich Dagestan in Russland erstreckt) und dem Alasani-Tal hindurch, jenem Schwemmgebiet am Fluss Alasani, das aufgrund der hohen Überschwemmungsgefahr traditionell nur dünn besiedelt ist und heute hauptsächlich landwirtschaftlich genutzt wird.

Das Dorf Kabali wird überwiegend von Aseris bewohnt und ist einer der ältesten Orte in der Region. Der Bezirk Lagodechi setzt sich zusammen aus einem sehr feingliedrigen ethnischen Gefüge. Zum einen die georgischen Dörfer, die die Mehrheit ausmachen, genauer gesagt, Imeretier aus Westgeorgien, die in den 1930er Jahren hier angesiedelt wurden, um diese damals nahezu menschenleere Gegend zu bevölkern; daneben aserische Dörfer; sowie ossetische Dörfer, die allerdings aufgrund der rasanten Emigration nach Nordossetien immer leerer werden; und schließlich die ethnischen Gruppen der Dagestaner (Lesgier, Awaren). Selbst einige Dörfer der Udis finden sich hier, einer christlichen Volksgruppe, die nahezu verschwunden ist und nur noch eine kleine Minderheit in Aserbaidschan bildet. Von ihnen wird behauptet, sie stammen von den alten kaukasischen Albanern ab.

Weidewirtschaft

Es gibt eine Bevölkerungsgruppe, die das gesamte Jahr hindurch vom Norden in den Süden Kachetiens als Nomaden umherzieht und auf diese Weise die Region sozusagen zusammenhält: die Tuschen, ein Hirtenvolk aus den Bergen von Tuschetien ganz im Nordosten des Landes, wo sich die Sommerweiden ihres Viehs befinden. Im Herbst treiben sie ihr Vieh das gesamte Alasani-Tal herunter, um ihre Winterweiden, die Steppen von Schiraki an der aserischen Grenze zu erreichen. Auch zahlreiche Aseris aus dem Süden Kachetiens sind Hirten und ziehen saisonbedingt in den Süden der Region, wobei sie häufig die Grenze zu ihrem „Stammland“ Aserbaidschan überschreiten.

Letztlich taucht die Spur des Nomadentums nach wie vor in der Region auf und verschmilzt mit den Traditionen der Sesshaftigkeit und des Weinbaus der Georgier. Zur Sowjetzeit waren die Nomadenvölker halb sesshaft und oft dazu eingeteilt, sich um das Vieh der Kolchosen zu kümmern. Die ursprünglichen „nomadischen“ Kulturen erlebten jedoch rasch nach dem Zusammenbruch der UdSSR eine starke Renaissance und aufgrund fehlender Infrastrukturen eroberte sich das Pferd seinen einst so wichtigen Platz als Verkehrsmittel in der lokalen Kultur zurück.

Wie Rinder oder Wasserbüffel werden Pferde für den Transport, aber vor allem auch als Reittier für die Bewachung der Schafherden genutzt, die wegen Ihrer Wolle und Ihres Fleisches gehalten werden. Diese kleinen Araberpferde erinnern daran, dass noch vor 200 Jahren nomadische Turkvölker aus den Steppen Zentralasiens (die zusammen mit anderen ethnischen Gruppen zu einem Bestanteil der aserischen Minderheit wurden) in diese Region gekommen waren, um sich dort anzusiedeln.

Knotenpunkt einer Subsistenzwirtschaft

Der Viehmarkt von Kabali, eines der wichtigsten Zentren für den Handel mit Pferden, Rindern oder Schafen, befindet sich zwischen zwei Dörfern und erscheint als eine riesige, ebene Fläche ohne genauer definierbare Infrastruktur, die sich entlang des Schwemmlandes des Flusses Kabali ausbreitet. Schnell verschlammt, sobald es regnet, gleicht er in erster Linie einem weitläufigen, verschwommen Platz, auf dem man jeden Sonntag versuchen kann, sein Vieh zu verkaufen.

Die Fahrzeuge (zumeist Ladas und Pferdewagen) sind mehr oder weniger an den Seiten geparkt, auf dem Platz selbst präsentieren die Männer ihr Vieh, verhandeln den Preis eines Pferdes zwischen 300 und 2000 Lari, je nach „Qualität“ des Tieres, seines Alters, seiner Größe und seiner Stärke. Rennen und Probefahrten mit Karren oder Pferden finden zwischen den Auslagen statt, um in Anbetracht langer Wartezeiten für Zeitvertreib zu sorgen, was aber manchmal auch zu Panik in der Menschenmenge führen kann.

Das gesamte Zubehör wie Sattel und Steigbügel, Karren oder Geschirr ist Handarbeit, gefertigt aus Holz, Leder oder Schafsfell. Während der Pferdemarkt nahezu ausschließlich Männer ansammelt, so ist der Markt für Haushaltswaren, Lebensmittel, Kleidung und andere Produkte, der notdürftig in Hallen auf der anderen Seite untergebracht ist, den Frauen und Familien vorbehalten. Dieser Markt, wie man ihn in dieser oder in ähnlicher Form überall im Kaukasus finden kann, ist gleichwohl der bedeutendste im Süden Kachetiens.

Ein Faktor der regionalen Integration?

Ebenso wie das religiöse Festival Alaverdoba, das im Norden Kachetiens, um die orthodoxe Kathedrale von Alaverdi herum veranstaltet wird und traditionell allen Konfessionen offen steht, ist auch der Markt von Kabali ein Treffpunkt für die Dörfer und ethnischen Gruppen dieser Region. In dieser ländlichen Gegend, in der die Landwirtschaft und in geringerem Maße auch die Weidewirtschaft nach wie vor wichtige Elemente der privaten Wirtschaft sind, stellt er einen wichtigen Punkt des regionalen Gleichgewichts dar, zu dem man von weit her anreist, um daran teilhaben zu können.

Kachetien zählt zu den Regionen in Georgien, die am meisten multiethnisch geprägt sind, gleichwohl gilt sie auch als eine der stabilsten Regionen des Landes mit den geringsten ethno-politischen Spannungen. Auch wenn dieses Phänomen an eine Vielzahl von Faktoren geknüpft ist, wie z.B. die Organisation der lokalen Führung, die Machtstrukturen, die Geschichte, geostrategische Überlegungen, so ist doch zweifelsohne augenscheinlich, dass sämtliche Gruppen dieser Region, von denen keine isoliert lebt und die alle Georgisch als gemeinsame Verkehrssprache benutzen, in einem besonderen sozio-ökonomischen System vereint leben, das sich genau auf dieses Zusammentreffen von Weinbau, Weidewirtschaft, Nomadentum und Sesshaftigkeit stützt.

„14 Völker leben in Lagodechi“, beschwört Batscho, der aufgrund seines Berufes von Haus zu Haus durch die gesamten Region zieht, in einem Trinkspruch. „Jeder braucht jeden und alle leben als gute Nachbarn in Frieden zusammen.“

Weit ab von Tbilissi und dem neuen Georgien ist der Markt von Kabali ein Überbleibsel jener Tage, in denen die Zeit nicht so schnell verging. Er ist ein Relikt, das die Sowjetunion nicht begraben hat und das – im Gegenteil – Georgien sobald nicht beerdigen wird. Die jüngsten sozio-ökonomischen Transformationen in Georgien betreffen nur die wenigen Bereiche, die die Bevölkerung der Hauptstadt berühren. Sie haben aber kaum Auswirkungen auf die „Ökosysteme“ der Provinz. In Ermangelung einer nachhaltigen wirtschaftlichen Revolution, die fähig wäre, eine nach wie vor tief im Landleben und in der Weidewirtschaft verankerte Gesellschaft komplett neu zu strukturieren, werden Märkte wie der von Kabali noch einige Sonntage Mikroregionen des Kaukasus beleben.

Siehe auch die Fotogalerie von Caucaz.com: Der Kabali-Viehmarkt

mardi 10 mars 2009

In den Dörfern Chewsuretiens : zwischen archaischen Lebensweisen und dem 21. Jahrhundert

Von Nicolas LANDRU in Dschuta, Schatili, Korscha und Tbilissi
Veröffentlicht in caucaz.com am 04/03/09



Dschuta ist ein kleines Dorf von etwa dreißig Familien. Es befindet sich im Herzen der östlichen Massive des georgischen Großen Kaukasus, deren höchste Erhebung mit 5033 Metern der Berg Kasbek darstellt. Sieben Kilometer entfernt von der Grenze zu Inguschetien in der Russischen Föderation liegt Dschuta am Nordhang der Bergkette. Mit einer Höhe von 2200 Metern stellt es knapp hinter Uschguli im westgeorgischen Swanetien den am zweithöchsten bewohnten Ort Europas dar – falls hier überhaupt noch Europa sein sollte. Über einem tiefen Tal gelegen, befindet sich Dschuta am äußersten Rand der georgischen historischen Regionen von Chewi und Chewsuretien. Oberhalb des Dorfes wohnt keine Menschenseele mehr: halb christliche, halb heidnische Heiligtümer aus trockenem Stein kann man dort als einzige Spuren von Zivilisation finden.



Vom inneren Chewsuretien durch das Tschauchi-Massiv (3842m) isoliert und mit dem Hauptort von Chewi, Stepantsminda (Kasbegi), durch eine Strasse verbunden, wird Dschuta von Chewsuren bewohnt, einer in Georgien spezifischen Stammesgruppe. Im Dorf würde man zwecklos nach Herrn Arabuli fragen, denn alle Einwohner heißen hier so, wahrscheinlich wegen eines gemeinsamen Vorfahren. Auch anderswo in Chewsuretien ist dieser Nachname häufig anzutreffen.

Die Chewsuren zwischen Mythos und Realität

Die Chewsuren, die aus insgesamt etwa 700 Familien bestehen, sind eine besondere Gruppe unter den Georgiern. Sie werden von der nationalen Romantik als zeitlose Wächter der georgischen Identität und des Glaubens idealisiert, imaginiert als stolze Krieger in Kreuzzügler-Kettenhemden, die das orthodoxe Kreuz hochhalten und rastlos muslimische Tschetschenen, Perser oder Dagestaner bekämpfen. Als Inhaber ungestorbener heidnischer Traditionen hätten sie die Seele der Urgeorgier sogar durch die Zeiten des Christentums hindurch erhalten.

Wascha Paschawela, ein georgischer Dichter aus dem 19. Jahrhundert, der selbst aus dem an Chewsuretien grenzenden Gebiet Pschawi stammte, zelebrierte ihre Tapferkeit und ihre Liebe zur Natur. Doch als der „nationale Kommunismus“ der 1950er Jahre den Mythos des reinen Chewsuren für ein Publikum in Tbilissi ausgrub, war schon die Hälfte Chewsuretiens entvölkert und seine Einwohner in das Flachland von Kachetien, Kwemo Kartli oder nach Tbilissi deportiert worden. Die massive Industrialisierung brauchte Arbeitskräfte für die Fabriken und Kolchosen, die damals aus dem Nichts in der Steppe erbaut wurden und heutzutage fast vollständig verfallen sind. Daneben war das sowjetische Regime ständig auf Schwierigkeiten gestoßen, sich die turbulenten Chewsuren gefügig zu machen, die vorher niemals äußeren Herrschern ganz unterworfen gewesen waren. Die Machthaber schienen kein Problem im Gegensatz zwischen politischer Aktion und Propaganda zu sehen: das Dorf Schatili, ein mittelalterlicher Aul (nord-kaukasisches befestigtes Dorf), wurde durch Filme zur Ikone der Bergregionen Georgiens, kurz nachdem man seine Einwohner von dort vertrieben hatte.

Geographisch in Chewi gelegen, blieb Dschuta von der Vertreibung seiner Bevölkerung verschont. Allerdings ist es kein Zufall, dass Jago, ein Mann aus dem Dorf, der in Kasbegi zur Schule ging, in Tbilissi studierte und jetzt versucht, den Tourismus in Dschuta zu entwickeln, eine Chewsurin geheiratet hat, die aus Südkachetien kommt. Dorthin hatte man ihre Familie in den 50er Jahren deportiert. Solche Fälle sind weit verbreitet: da Chewsuren meist Chewsurinnen heiraten, versuchen deportierte Familien, die Töchter mit Männern zu vermählen, die noch in Chewsuretien verwurzelt sind.

Harte Lebensbedingungen

Diejenigen, die in den Bergen geblieben waren, hatten nie ein einfaches Leben geführt. Jagos Großvater, ein Schafhirte, starb in einer Lawine. Jagos Kindheit verlief mit wenigen Kontakten zur Außenwelt, ohne Strom, in einem Haus wo Menschen und Tiere gemeinsam lebten. Dschutas Architektur ist einfach und die Wände von Jagos Haus sind heute noch teilweise mit getrockneten Kuhfladen bedeckt, der als Isolierung dient.

Stromlieferungen bezieht Dschuta erst seit Herbst 2007. Eine Gaspipeline wurde zu Sowjetzeiten gebaut, die die althergebrachte Isolation des Dorfes beendete. Daneben ist der Ort einer der kältesten in Georgien. Es kommt vor, dass man hier bis zu acht Monate im Jahr durch Schneemassen von der Außenwelt abgeschnitten ist. Weil bisher kein Regierungsprogramm plant, die Strassen zu reparieren und zu sichern, scheint es, dass diese Situation auch in Zukunft so bestehen bleibt.

Nur Kartoffeln lassen sich hier ernten, denn Dschuta liegt zu hoch für den Anbau anderer Gewächse. Die Einwohner besitzen vor allem Kühe und produzieren Butter und Käse. Andere Produkte werden von niedriger gelegenen Gebieten bezogen. In der Sowjetzeit fuhr man öfters nach Wladikawkas in Nordossetien, das nur etwa 60km entfernt liegt. Heute ist die russisch-georgische Grenze geschlossen, die Güter müssen daher erst vom mehr als 180 Kilometer entfernten Tbilissi nach Kasbegi gebracht werden, und dann nach Dschuta.

Die meisten Älteren im Dorf sind Hirten gewesen, erst „individuelle“ in ihrer Jugend, später „kollektive“. Als man die Schafherden zu Sowjetzeit kollektivierte, mussten Gruppen von Hirten Hunderte Kilometer mit mehreren Hunderttausend Tieren abwandern. Lagasa, Jagos Vater, begleitete diese riesigen Herden von Chewsuretien bis zum Kaspischen Meer in Dagestan.

Mit einem Fuß in der Tradition

Die Berge sind hier ein Synonym für harte Bedingungen. Zugleich haben sie aber auch länger als anderswo altüberlieferte Traditionen bewahrt. In Dschuta wird behauptet, dass die Stammeskleidung noch vor 30 Jahren getragen wurde. Bis in die Gegenwart hat sich, trotz dem Druck der orthodoxen Kirche in der georgischen Gesellschaft, der sonderbare Synkretismus der Chewsuren erhalten. Dieser steht übrigens in einem erstaunlichen Kontrast zu jenem Bild, das in den nationalen Vorstellungen die Chewsuren als verbissene Verteidiger des Christentums darstellt. Eigentlich existieren in Chewsuretien kein Klerus und keine Kirche, sondern Heiligtümer, wo gemischt Heiligen-, Kreuz- und Ahnenkult sowie animistische Rituale durchgeführt werden.

Heute noch versammeln sich die Männer in Chewsuretien für religiöse Feste an einem heiligen Ort außerhalb des Dorfes, oft in einem von Steinen umringten Raum, manchmal in einer Hütte. Frauen dürfen diesen Raum nicht betreten, denn durch sie würde der Ort „unrein“. Sie feiern ihrerseits manchmal in der Dorfschule oder in einem anderen Gemeinschafts-Raum. Im Heiligtum sitzt der Dorfälteste dem Kult vor. Seine Aufgabe ist, Gebete in Form von Trinksprüchen aufzusagen.

Bis zur Sowjetzeit haben die Gemeinden ohne feste Hierarchie gelebt. Der Chewisberi, der Stammesälteste, saß dem Kult und der Kriegsführung vor. Dieser Status hat sich bis heute beim Ritual erhalten. Nach dem religiösen Dienst wird ein Schaf, unter manchen Bedingungen auch ein Rind geopfert. Dann wird zusammen gefeiert; das geschlachtete Tier gegessen, selbst gemachter Schnaps oder Bier getrunken. Bei jedem Fest sind zwei Familien für die Organisation und die Versorgung mit Lebensmitteln zuständig. Das finanzielle Gewicht des Fests fällt also jedes Jahr auf andere Familien, so dass jede genug Zeit hat, für das nächste von ihr organisierte Fest zu sparen.

Der orthodoxe Klerus aus anderen Regionen Georgiens sieht diese in Chewsuretien überlebenden heidnischen Traditionen nicht gern. Besonders in der Nachbarregion Chewi, die eine spezifische orthodoxe Identität kultiviert: Ilja II, der Patriarch der georgischen orthodoxen Kirche, stammt aus dem Dorf Sno, das weniger als 15km von Dschuta entfernt ist. Orthodoxe Priester versuchen in Chewsuretien, wie im benachbarten Berggebiet Tuschetien „Entheidnisierungs-Kampagnen“ durchzuführen. Sie besetzen Orte wie den Aul Schatili, die von der nationalen Mythologie verehrt werden. Jedoch scheinen sie bis jetzt wenig Anklang unter den Berggemeinschaften gefunden zu haben.

Moderne Aspekte

Heute wohnen viele Familien aus Dschuta in Tbilissi, vor allem in den Vororten der Hauptstadt. Sie verbringen dort die schlechte Saison und kehren am Ende des Frühlings bis zur Mitte des Herbstes nach Dschuta zurück. Einige aber verbringen hier das ganze Jahr und horten vor dem ersten Schnee Mehl, Salz und Zucker, um die 6 bis 8 Monate Isolation durchhalten zu können. Nach der Eisschmelze und kurz vor dem Winter sind es riesige Wagenkolonnen, die aus Kasbegi, dem Hauptort von Chewi, und sogar aus Tbilissi nach Dschuta fahren, um die Einwohner zu versorgen. Zum Transport benutzt man bis zum Eingang des Dorfes Minibusse, die trotz des extrem schlechten Zustands der Strasse hochfahren können, und sowjetische Jeeps der Marke „Niwa“. Für die unbefahrbare Strecke im Dorf muss man die Waren dann auf Eselrücken umladen.

Wegen der nahen Grenze zur russischen Föderation wurde Chewsuretien in den 1990er Jahren stark militarisiert. Grenzen zu Tschetschenien in Schatili, zu Inguschetien in Dschuta: Wegen der nord-kaukasischen Konflikte wurde Chewsuretien fast gelähmt. Bis 2005 brauchte man eine Erlaubnis des Verteidigungsministeriums, um dorthin fahren zu können. Die Situation hatte sich nach dem russischen Sieg in Tschetschenien gelockert. Doch der Krieg mit Russland im August 2008, obwohl er Chewsuretien nicht direkt betraf, hat gezeigt, dass keine Grenze in Georgien für ganz sicher gehalten werden kann. Jetzt herrscht wieder Spannung an der russischen Grenze, die Touristen sind verschwunden, ebenso die Trucks mit russischen, belorussischen und ukrainischen Kennzeichen. Die Entwicklung Chewsuretiens ist heute mehr denn je von den Verhältnissen zwischen den beiden Ländern und von der Entwicklung der Süd-Ossetien-Frage abhängig.

Jedoch stellt die Grenze auch eine wertvolle Ressource für Chewsuretien dar, denn die meisten jungen Einheimischen arbeiten als Grenzposten. Die Überlegung des Verteidigungsministeriums, keine Einheimischen mehr als Grenzposten anzustellen, um lokale Korruption zu vermeiden, hatte viele Ängste in der Region hervorgerufen. Solange eine solche Entscheidung von Tbilissi nicht getroffen ist, stellt die Armee jedoch als Arbeitsgeber, aber auch mit ihren modernen Wagen und dem notwendigen Equipment den besten Partner für die Einwohner dar, um die Strassen von Lawinen zu räumen, einen feststeckenden Traktor zu befreien oder einen Nachbarn ins nächste Dorf zu fahren.

Der Einstieg dieser abgeschiedenen Region in die Modernisierung des 21. Jahrhunderts geht aber manchmal über unerwartete Wege. Auf der nordkaukasischen Seite Hoch-Chewsuretiens, in der Region, die in den 1950ern entvölkert wurde, und wohin nur manche Familien Ende der 1970er zurückgekehrt sind, gibt es keinen Empfang für Mobiltelefone. Im niederen Chewsuretien dagegen, auf der Bergseite, die in Richtung Tbilissi zeigt, schreitet die technische Zentralisierung langsam voran. Sendemäste wurden aufgestellt. Trotzdem hat Schota Arabuli, der in Korscha in Nieder-Chewsuretien wohnt, einen seiner Söhne in die Internatsschule von Schatili geschickt, die nur von Juni bis Oktober, und nur mit Vierradantrieb mit einer Fahrtzeit von 3 bis 4 Stunden erreichbar ist - weil Schatili, am äußersten Ende von Georgien, Internet per Satellit empfängt!

Bis zum August-Krieg kamen jedes Jahr immer mehr Touristen nach Chewsuretien. Wenn ab jetzt der Frieden erhalten wird, sehen die Chancen gut aus, dass dieser Trend noch zunimmt. Er würde andere Perspektiven für diese weit abgelegene Region in Georgien eröffnen.

Perdue ou gagnée ? Akhalgori, Géorgie – Léningor, Ossétie du Sud (Article caucaz.com)

Par Nicolas LANDRU à Akhalgori/Leipzig
Paru dans caucaz.com le 24/01/2009


La région d'Akhalgori, appelée par les Ossètes de son nom soviétique Léningor, était la seule de l'ancien Territoire Autonome d'Ossétie du Sud de l’URSS a avoir été épargnée par le conflit du début des années 1990 entre Géorgiens et Ossètes. Elle est restée sous le contrôle indiscuté de la Géorgie. Après la guerre d'août 2008 et la débâcle de l'armée géorgienne, des milices sud ossètes en ont pris le contrôle, forçant la police géorgienne à se retirer et une bonne partie des habitants Géorgiens à l'exil.


Le district d’Akhalgori s’étend sur les contreforts du Grand Caucase, dans la haute vallée du Ksani, rivière qui se jette dans la Koura en amont de Mtskheta. Physiquement séparé du reste de l'Ossétie du sud par un massif montagneux et aisément reliée à la région de Mtskheta par la route, il était en majorité peuplé de Géorgiens avant le conflit de 1990-91.

Des Ossètes y vivaient également, surtout dans les villages au-dessus de la ville d’Akhalgori. Toutefois, même si le régime sud-ossète de Tskhinvali affirme que les Ossètes y ont été spoliés et forcés à l'émigration par les Géorgiens, surtout pendant la présidence de Zviad Gamsakhourdia en 1991, il semble que les deux communautés ont par la suite continué à y vivre dans une relative harmonie.

1990-2008 : une région à l’écart du conflit séparatiste

Isolé de la capitale sud-ossète Tskhinvali et son ébullition politique, le district sud ossète d'Akhalgori n'a donc pas connu d'embrasement armé. Il est resté sous contrôle du gouvernement géorgien et a été incorporé à la région administrative de Mtskheta-Mtianeti. De la sorte, le gouvernement géorgien lui scellait un destin détaché du reste de l’Ossétie du Sud : les zones du Territoire Autonome d’Ossétie du Sud ayant fait l’objet de combats et étant restés sous contrôle géorgien jusqu’en août 2008 ont été incorporés à la région administrative de Gori, la Chida Kartlie. Mais Akhalgori devait tout simplement oublier son passé au sein du Territoire Autonome et s’intégrer normalement dans le nouvel Etat.

Les années 1990-2000 devaient être plutôt propices au district, qui s’est trouvé à l’abri des multiples altercations entre forces géorgiennes et milices sud ossètes. L'usine de bière Lomissi, l’une des trois plus grandes de Géorgie, fournissait des emplois à la majorité de la ville d’Akhalgori (6000 habitants). Le reste du district, rural et montagneux, a vécu comme la plupart des régions géorgiennes d'agriculture basique.

Le gouvernement géorgien avait même réparé la route menant de Mtskheta à Akhalgori en 2007-2008, intégrant un peu plus avant le district aux infrastructures géorgiennes. L'attraction touristique d'Akhalgori, le palais médiéval des Princes du Ksani (parmi les plus puissants princes géorgiens aux X-XIIème siècles, restés importants jusqu'au XIXème), également musée d'histoire et d'art, était en train de devenir une destination appréciée des Tbilissiens, pour les excursions scolaires par exemple.

La guerre d’août 2008 : le prix de la contre-attaque

Mais en août 2008, l’attaque des troupes géorgiennes sur Tskhinvali et les régions sud ossètes sous contrôle du gouvernement séparatiste, immédiatement suivie d’une fulgurante contre-attaque russe, a sonné le glas de cette relative tranquillité. Cette région qui avait traversé les heures les plus sombres de l'histoire récente du pays sans de blessure majeure a été prise dans la tourmente de la déroute de l’armée géorgienne.

Fortes de la victoire russe en Ossétie du Sud et en Chida Kartlie, des milices sud ossètes ont "passé la montagne" par le col menant à Tskhinvali, uniquement franchissable en 4x4, et ont chassé la police géorgienne qui stationnait à Akhalgori. L'armée géorgienne, qui avait de toute façon abandonné ses positions en Géorgie centrale pour se replier autour de Tbilissi, n'était pas stationnée dans le district. Un check point est à présent installé quelques kilomètres au sud d'Akhalgori, entérinant le contrôle ossète du district et la perte de celui-ci pour la Géorgie.

Tbilissi accuse l'armée russe d'avoir aidé les milices sud ossètes à prendre position à Akhalgori et participé au nettoyage ethnique. Selon la Géorgie, des unités de l’armée Russe y seraient toujours stationnées. En octobre, l’OSCE confirmait le retrait des troupes russes des régions géorgiennes autour de l’Ossétie du Sud, mais dénonçait leur maintien à Akhalgori.

Akhalgori définitivement perdue pour la Géorgie ?

Les Géorgiens voient une intention des Russes d’incorporer Akhalgori au reste du territoire séparatiste sud ossète. Le projet déclaré de construire une route reliant Tskhinvali et Akhalgori, qui ne peut se réaliser qu'avec une assistance technique russe, est en tête des chefs d'accusation de Tbilissi à l'encontre de Moscou.

Militairement vaincue, la Géorgie a en effet peu de chances de recouvrer le district, à moins que celui-ci ne fasse l’objet d’une contrepartie lors de négociations entre les protagonistes. Le fond de la vallée étant un cul-de-sac, la région d’Akhalgori ne représente pas d’intérêt stratégique très important, pas plus qu’économique. Les institutions et infrastructures de la république séparatiste n’y sont pas installées et le nombre d’Ossètes y vivant est assez restreint. Il ne serait donc pas impossible, dans des négociations qui ne seraient pas entièrement défavorables à la Géorgie, qu’Akhalgori représente pour le parti osséto-russe une monnaie d’échange, plus qu’un but territorial en soi.

Loin de cette hypothèse, le contrôle osséto-russe est cependant bien établi à Akhalgori. Le 27 novembre 2008, le président géorgien Mikhaïl Saakachvili tentait d'emmener son hôte le président Polonais Lech Kaczynski à Akhalgori, malgré le check point. Mais cette sombre affaire s'est terminée en un demi-tour, le parti géorgien affirmant qu'on avait tiré sur la voiture transportant les présidents, les autorités sud ossètes niant ces accusations et le président polonais devant faire face à un scandale dans son pays, pour s'être exposé sans mesures de sécurité dans une entreprise non prévue à son agenda et peu en règle avec les usages d'un président en visite.

A côté de cet étrange épisode, Tbilissi a sommé Moscou à plusieurs reprises d’évacuer le district d’Akhalgori. Pour l’heure, le gouvernement géorgien ne peut guère faire plus face à la mainmise osséto-russe sur la région que des sommations sans moyens de coercition ou des tentatives d’attirer l’attention de la communauté internationale.

Une population menacée

Un bon nombre des habitants ethniquement géorgiens d'Akhaglori a été chassée par les milices ossètes ou s’est enfui dans le courant du mois d’août pour trouver refuge à Tbilissi ou dans d'autres camps de Géorgiens déplacés d'Ossétie du Sud après la guerre.

Fin novembre, l’organisation des Droits de l’Homme Human Rights Watch signalait des exactions des milices ossètes sur les Géorgiens « ethniques » à Akhalgori. Spoliations, pillages, agressions physiques, la population semble à la merci de bandes armées. Les enquêteurs ont aussi donné le chiffre de 136 écoliers restant sur 236 dans une école de la ville, ce qui peut donner une idée du nombre de personnes ayant fui leurs foyers. Human Rights Watch a exhorté la Russie, en tant que pouvoir d’occupation, à veiller à la cessation de ces exactions.

Hormis quelques enquêtes d’organisations des Droits de l’Homme, il est encore très difficile d'établir précisément ce qui s'est passé et se passe à Akhalgori depuis que les milices sud-ossètes en ont pris le contrôle. Il est en tous cas certain qu'il y a eu un exode assez important des populations géorgiennes, qui constituaient la grande majorité du district avant la guerre, et que les activités préalables que connaissait la ville ont en grande partie été interrompues. « Léningor » est de nouveau en Ossétie du Sud, sans que les projets des nouveaux maîtres des lieux concernant le district et la ville ne soient clairs.

Verloren oder Gewonnen? Achalgori, Georgien – Leningor, Südossetien

Von Nicolas Landru in Achalgori/Leipzig
Veröffentlicht in caucaz.com am 26/02/2009


Die Region von Achalgori, oder Leningor, wie sie von den Osseten ihrem sowjetischen Namen nach genannt wird, stellte einst den einzigen Teil des ehemaligen Südossetischen Autonomen Territoriums dar, der vom Konflikt der frühen 1990er Jahre zwischen Georgiern und Osseten geschont geblieben war. Sie blieb unter unbestrittener georgischer Kontrolle. Nach dem Krieg im August 2008 und der Niederlage der georgischen Armee brachten sie südossetische Milizen unter ihre Kontrolle. Sie zwangen die georgischen Polizeikräfte, sich zurückzuziehen und einen großen Teil der georgischen Bevölkerung zur Flucht.


Der Bezirk von Achalgori liegt an den vorgelagerten Erhebungen des Grossen Kaukasus im hohen Tal des Ksani-Flusses, der abwärts vor Mzcheta in die Kura mündet. Er ist physisch durch eine Bergkette vom restlichen Südossetien getrennt und leicht aus Mzcheta durch eine Strasse zu erreichen. Daneben war er schon vor dem Konflikt von 1990/91 mehrheitlich von „ethnischen“ Georgiern bewohnt.

. Auch Osseten wohnten dort, hauptsächlich in den Dörfern oberhalb der Stadt Achalgori. Zwar behauptet das südossetiche Regime von Tschinwali, dass Osseten vor allem während der Amtszeit des Präsidenten Swiad Gamsachurdia 1991 beraubt und zum Auswandern gezwungen wurden. Jedoch scheint es eher so, dass die beiden Communities weiterhin relativ harmonisch zusammengelebt haben.

1990-2008 : eine Region abseits des separatistischen Konfliktes

Isoliert von der südossetischen Hauptstadt Tschinwali und ihren politischen Wallungen hat also der südossetische Bezirk von Achalgori keine bewaffneten Auseinandersetzungen erfahren. Er blieb unter der Kontrolle der georgischen Regierung und wurde der administrativen Region Mtscheta-Mtianeti eingemeindet. Damit bereitete ihm die Regierung ein anderes Schicksal als jenen Zonen des Südossetischen Autonomen Territoriums, die bis August 2008 unter georgischer Kontrolle blieben und der administrativen Region von Gori in Schida Kartli zugeteilt wurden. Achalgori jedoch sollte sich von seiner Vergangenheit innerhalb des Autonomen Territoriums trennen und in den neu gegründeten Staat Georgien integrieren.

Die 1990er und 2000er Jahre stellten sich für den Bezirk als eher förderlich heraus, denn er blieb von den zahlreichen Auseinendersetzungen zwischen georgischen Kräften und südossetischen Milizen verschont. Die Lomissi Brauerei, eine der drei größten in Georgien, schuf Arbeitsplätze für eine bedeutende Anzahl der vormals 6000 Einwohner der Stadt Achalgori. Der Rest des Bezirkes, ländlich und von Bergen geprägt, lebte wie die meisten Regionen Georgiens von der einfachen Landwirtschaft.

Die georgische Regierung ließ in den Jahren 2007/2008 sogar die Strasse zwischen Mzcheta und Achalgori reparieren und bewirkte damit die weitere Integration des Bezirkes in die Infrastrukturen des Landes. Achalgori besitzt eine wichtige touristische Sehenswürdigkeit: die mittelalterliche Burg der Ksani-Prinzen, welche vom 10. bis zum 12. Jahrhundert zu den mächtigsten georgischen Prinzen zählten, und bis ins 19. Jahrhundert von Bedeutung blieben. Gleichfalls ein Geschichts- und Kunstmuseum, war die Burg gerade im Begriff, ein beliebtes Ausflugsziel der Einwohner von Tbilissi zu werden, zum Beispiel auch für Schulklassen.

Der August-2008-Krieg : der Preis des Gegenangriffs

Der Angriff der georgischen Truppen auf Tschinwali und auf die südossetischen Regionen, die unter separatistischer Kontrolle geblieben waren, sowie der Blitz-Gegenangriff Russlands brachten jedoch im August 2008 diese relative Ruhe zu einem Ende. Diese Region, die ohne schlimme Wunden durch die dunkelsten Stunden der zeitgenössischen Geschichte Georgiens gegangen war, erlitt nun frontal das Debakel der georgischen Armee.

Nach dem russischen Sieg in Südossetien und in Schida Kartli sind südossetische Milizen « über die Berge » gekommen, durch einen Pass, der Tschinwali und Achalgori verbindet, aber nur mit Vierradantrieb bewältigt werden kann. Sie vertrieben die georgischen Polizeieinheiten, die in Achalgori stationiert waren. Die georgische Armee, die sowieso ihre Positionen in Zentralgeorgien verlassen hatte, um sich in das um Tbilissi herum gelegene Gebiet zurückzuziehen, war in diesem Bezirk nicht stationiert. Ein paar Kilometer südlich von Achalgori befindet sich jetzt ein Checkpoint, der die Kontrolle des Bezirkes durch Südossetien, und seinen Verlust für Georgien, bestätigt.

Tbilissi beschuldigt die russische Armee, den südossetischen Milizen bei der Eroberung von Achalgori geholfen zu haben und an ethnischen Säuberungen beteiligt gewesen zu sein. Laut Georgien würden sich dort noch russische Armeeeinheiten aufhalten. Im Oktober bestätigte die OSZE den Rückzug der russischen Truppen aus den georgischen Regionen um Südossetien, bedauerte aber ihren Verbleib in Achalgori.

Ist Achalgori für Georgien endgültig verloren?

Die georgische Seite behauptet, Russland hätte vor, Achalgori in das übrige Abspaltungsgebiet von Südossetien einzugliedern. Der erklärte Plan, eine Strasse zwischen Tschinwali und Achalgori zu bauen, der nur mit dem technischen Beistand von russischer Seite zu verwirklichen ist, stellt die erste Beschuldigung von Tbilissi gegen Moskau dar.

Ein militärisch besiegtes Georgien hat tatsächlich geringe Chancen, den Bezirk zurückzuerhalten, es sei denn, dass dieser sich zu einem Entschädigungsgegenstand bei Verhandlungen zwischen den Protagonisten wandeln würde. Die Region von Achalgori stellt kein besonderes Interesse dar, weder strategisch noch wirtschaftlich, denn das Ksani-Tal endet in einer natürlichen Sackgasse. Die Abspaltungsrepublik kann sich im Bezirk weder auf Institutionen noch auf Infrastrukturen verlassen, dazu lebt dort nur ein geringer Bevölkerungsanteil an Osseten. Insofern wäre es vorstellbar, dass die ossetisch-russische Seite Achalgori als Tauschobjekt und weniger als territoriales Ziel an sich benutzen könnte, sollten Verhandlungen stattfinden, die für Georgien einigermaßen vorteilhaft wären.

Weit entfernt von dieser Annahme ist die ossetisch-russische Kontrolle über Achalgori streng implementiert. Am 27. November 2008 versuchte der georgische Präsident Michail Saakaschwili seinen Gast, den polnischen Präsidenten Lech Kaczynski, trotz der Existenz des Checkpoints nach Achalgori zu bringen. Indes endete diese seltsame Aktion in einer Kehrtwendung. Die georgische Seite behauptet, man hätte auf den Wagen des Präsidenten geschossen; die südossetische Regierung dagegen verwehrt sich gegen diese Beschuldigung. Der polnische Präsident wurde in seinem Land mit einem Skandal konfrontiert, da er sich ohne angemessene Sicherheitsmassnahmen in einem ungeplanten Unternehmen das den Regeln eines Präsidentenbesuchs wenig entsprach, in Gefahr begeben hatte.

Abgesehen von dieser unklaren Affäre hat Tbilissi mehrmals von Moskau gefordert, den Achalgori-Bezirk zu verlassen. Nun kann die georgische Regierung in Anbetracht der ossetisch-russischen Übernahme der Region kaum etwas anders tun, als ohne Handhabe Aufforderungen auszusprechen, und zu versuchen, die Aufmerksamkeit der internationalen Gemeinschaft zu wecken.

Die gefährdete Bevölkerung

Ein Großteil der « ethnischen » georgischen Einwohner von Achalgori wurde durch die ossetischen Milizen vertrieben oder ist später im August geflohen, um in Tbilissi oder in anderen Flüchtlingslagern für Georgier, die nach dem Krieg von Südossetien umgesiedelt wurden, Zuflucht zu finden.

Ende November berichtete die Organisation für Menschenrechte, Human Rights Watch, von Übergriffen der ossetischen Milizen auf « ethnische » Georgier in Achalgori. Raub, Plünderung, Gewaltakte: die Bevölkerung scheint bewaffneten Banden ausgeliefert zu sein. Die Untersuchung liefert auch Zahlen mit denen die Anzahl der geflüchteten Personen eingeschätzt werden kann: In einer Schule der Stadt, die ursprünglich einmal 236 Schüler hatte, sind nur noch 136 geblieben. Human Rights Watch hat Russland dazu aufgerufen, als Besatzungsmacht gegen diese Übergriffe vorzugehen.

Seitdem die südossetischen Milizen die Kontrolle übernommen haben, ist es abgesehen von ein paar Recherchen durch Menschenrechtsorganisationen noch sehr schwierig zu bestätigen, was genau in Achalgori geschehen ist und weiterhin geschieht. Klar ist allerdings, dass eine deutliche Abwanderung der georgischen Bevölkerung stattgefunden hat, und dass ein beträchtlicher Teil der Betriebsamkeit der Stadt unterbrochen wurde. „Leningor“ liegt wieder in Südossetien, ohne dass die neuen Herren der Region klare Pläne für den Bezirk und die Stadt geäußert haben.

dimanche 18 janvier 2009

Perdue ou gagnée? Akhalgori, Géorgie - Léningor, Ossétie du Sud



La région d'Akhalgori, appelée par les Ossètes de son nom soviétique Leningor, était la seule de l'ancien Territoire Autonome d'Ossétie du Sud a avoir été épargnée par le conflit du début des années 1990 entre Géorgiens et Ossètes. Après la guerre d'août 2008 et la débâcle de l'armée géorgienne, des milices sud ossètes en ont pris le contrôle, forçant la police géorgienne à se retirer et une bonne partie des habitants Géorgiens à l'exil.
















Physiquement séparé du reste de l'Ossétie du sud par un massif montagneux et aisément relié à la région de Mtskheta par la route (elle s'étend sur la haute-vallée du Ksani, rivière qui se jette dans la Koura en amont de Mtskheta), le district d'Akhalgori était avant le conflit de 1990-91 majoritairement peuplé de Géorgiens.

Des Ossètes y vivaient également, surtout dans les villages au-dessus de la ville d'Akhalgori. Toutefois, même si le régime sud-ossète de Tskhinvali affirme que les Ossètes y ont été spoliés et forcés à l'émigration par les Géorgiens, surtout pendant la présidence de Zviad Gamsakhourdia en 1991-92, il semble que les deux communautés aient au cours des années 1990 et 2000 continué à y vivre dans une relative harmonie.








Eglise de Largvissi au Nord d'Akhalgori




Isolé de la capitale sud-ossète Tskhinvali et son ébullition politique, le district sud ossète d'Akhalgori n'a donc pas connu d'embrasement armé. Il est resté sous contrôle du gouvernement géorgien et a été incorporé à la région administrative de Mtskheta-Mtianeti. L'usine de bière Lomissi d'Akhalgori fournissait des emplois à la majorité de la ville d'Akhalgori (6000 habitants), le reste du district vivant comme la plupart des régions géorgiennes d'agriculture basique.


Akhalgori, rue principlae (printemps 2007) ©Nicolas Landru

Le gouvernement géorgien avait même réparé la route menant de Mtskheta à Akhalgori en 2007-2008, intégrant un peu plus avant le district aux infrastructures géorgiennes. L'attraction touristique d'Akhalgori, le palais médiéval des Princes du Ksani (parmi les plus puissants princes géorgiens au X-XIIème siècles, restés importants jusqu'au XIXème siècle), également musée d'histoire et d'art, était en train de devenir une destination appréciée des Tbilissiens, pour les excursions scolaires par exemple.















Mais en août 2008, la tentative géorgienne de conquérir Tskhinvali et les régions sud-ossètes sous contrôle du gouvernement séparatiste, et la contre-attaque russe qui s'ensuivit, ont sonné le glas de cette tranquillité. Cette région qui avait traversé les heures les plus sombres de l'histoire récente du pays a été prise dans la tourmente de la déroute géorgienne.
















Sous l'impulsion de la victoire osséto-russe, les milices sud ossètes ont "passé la montagne" et ont chassé la police géorgienne qui stationnait à Akhalgori. L'armée géorgienne, qui avait de toute façon abandonné ses positions en Géorgie centrale pour se replier autour de Tbilissi, n'était pas stationnée dans le district. Un check point est à présent installé quelques kilomètres au sud d'Akhalgori, entérinant le contrôle ossète du district et sa perte pour la Géorgie.















Tbilissi accuse l'armée russe d'avoir aidé les milices sud-ossètes à prendre position à Akhalgori et participé au nettoyage ethnique. Le projet déclaré de construire une route reliant Tskhinvali et Akhaglori, qui ne peut se réaliser qu'avec une assistance technique russe, est en tête des chefs d'accusation de Tbilissi à l'encontre de Moscou.

Une bonne partie des habitants géorgiens d'Akhaglori ont été chassés par les milices ou se sont enfuis pour trouver refuge à Tbilissi ou dans d'autres camps de Géorgiens déplacés d'Ossétie du Sud après la guerre.















Le 27 novembre 2008, le président géorgien Mikhaïl Saakachvili tentait d'emmener son hôte le président Polonais Lech Kaczynski à Akhalgori, en passant outre l'interdiction des miliciens sud ossète. Mais cette sombre affaire s'est terminée en un demi-tour, le parti géorgien affirmant qu'on avait tiré sur la voiture transportant les présidents, les autorités sud-ossètes niant ces accusations et le président polonais devant faire face à un scandale dans son pays, pour s'être exposé sans mesures de sécurité dans une entreprise non prévue à son agenda et peu en règle avec les usages d'un président en visite.

Il est encore difficile d'établir ce qui s'est passé et se passe à Akhalgori depuis que les milices sud-ossètes en ont pris le contrôle. Il est en tous cas certain qu'il y a eu un exode important des populations géorgiennes, qui constituaient la grande majorité de la ville d'Akhalgori, et que les activités préalables que cette dernière connaissait ont pour bonne part cessé.

Les photographies exposées ici ont été prise en juin 2008, deux mois avant la guerre.

Nicolas Landru

Droits d'auteur des photographies, sauf exception : ©Nicolas Landru et Birgit Kuch

mercredi 16 juillet 2008

Villages de Khevsourétie : entre archaïsme et XXIème siècle

Article paru dans caucaz.com, édition du 02/07/2008
Par Nicolas LANDRU à Djouta, Chatili

© Nicolas Landru, oratoire en Khevsourétie

Djouta est un petit village d'une trentaine de familles. Il se trouve au coeur des massifs orientaux du Grand Caucase géorgien qui culminent au Mont Kazbek (5033m), sur le versant nord de la chaîne, à 7 kilomètres de la frontière Ingouche (Fédération de Russie). A 2200 mètres d'altitude, c'est le deuxième lieu habité le plus haut d'Europe - si l'on y est bien en Europe -, après Ouchgouli en Svanétie, Géorgie orientale. Perché tout en haut d'une profonde vallée, Djouta se trouve aux confins des régions géorgiennes historiques de Khévie et de Khevsourétie. Au-dessus du village, il n'y a plus âme qui vive, et les seules traces de civilisation que l'on y trouve sont des sanctuaires de pierres sèches, petits oratoires aux confins du christianisme et du paganisme.

Coupé de la Khevsourétie proprement dite par le massif de Tchaoukhi (3842m) et relié par la route à Stépantsminda (Khazbégui), chef-lieu de la Khévie, Djouta est habité par des Khevsoures, groupe clanique à part en Géorgie. Au village, il serait inutile de demander à parler à Monsieur Arabouli, car tous les habitants s'appellent Arabouli, nom vraisemblablement d'un ancêtre commun. Ailleurs en Khevsourétie, ce nom est omniprésent.

Les Khevsoures, entre mythes et réalité

Les Khevsoures - environ 700 familles en tout - sont un groupe à part parmi les Géorgiens, idéalisés par le romantisme national comme garants de l'identité et de la foi géorgiennes, vus en guerriers portant de curieuses cottes de mailles de croisés, portant haut la croix orthodoxe, combattant incessamment musulmans Tchétchènes, Perses ou Daghestanais. Et détenteurs de traditions païennes jamais éteintes, ils auraient conservé l'âme des antiques géorgiens même à travers le Christianisme.

Le poète géorgien du XIXème siècle Vaja Pchavéla, lui-même originaire de la Pchavie attenante à la Khevsourétie, chantait leur bravoure et leur amour de la nature. Mais dans les années 1950, alors que le « communisme national » lançait un renouveau de la construction nationale et déterrait le mythe du pur Khevsoure pour le public de Tbilissi, la moitié de la Khevsourétie était « déportée » vers des régions de plaines, la Kakhétie, la Kvémo Kartlie ou Tbilissi. L'industrialisation massive avait besoin de bras pour faire marcher usines et kolkhozes alors sorties de terre au milieu de la steppe – et aujourd’hui presque entièrement ruinées. De plus les turbulents Khevsoures, jamais réellement domptés par une autorité extérieure à leurs communautés, posaient des problèmes de soumission au régime soviétique. Antagonisme entre action politique et propagande, le régime ne semblait guère s'en soucier. Le village de Chatili, un Aoul médiéval (village fortifié du Nord Caucase), devenait l'icône de la Géorgie des montagnes à travers le cinéma, juste après que ses habitants en étaient arrachés.

A Djouta, géographiquement en Khévie, la population n'a pas été déportée. Mais ce n'est pas un hasard si Iago, homme du village éduqué à Khazbégui puis à Tbilissi qui tente de reconvertir le village dans le tourisme, a épousé une Khevsoure du sud de la Kakhétie, où la famille de celle-ci avait été déportée dans les années 1950. Ce scénario est répandu : les Khevsoures épousent des Khevsoures, et dans les familles déportées, on essaiera souvent de marier sa fille à un homme ayant gardé un pied d'attache en Khevsourétie.

Des conditions de vie austères

La population restée quant à elle dans les montagnes n'a jamais eu la vie facile. Le grand-père de Iago, berger, a été emporté dans une avalanche. L’enfance de Iago s'est passée coupée du monde, sans électricité, dans une maison où bêtes et hommes se côtoyaient. Architecture frugale, les murs de sa maison sont en partie recouverts de bouse de vache séchée en guise d'isolation.

Djouta ne possède l'électricité que depuis l'automne 2007. Un pipeline acheminant du gaz y avait été installé à l'époque soviétique, sortant le village de son isolement ancestral. L'un des endroits les plus froids de Géorgie, il peut être coupé du monde jusqu’à 8 mois de l'année, pris dans les neiges. Aucun programme gouvernemental ne prévoyant de réparer et de sécuriser les routes, cette situation semble devoir continuer à l’avenir comme auparavant.

La pomme de terre est la seule récolte envisageable à Djouta, trop haut pour d'autres cultures. Les habitants possèdent avant tout des vaches, produisent beurre et fromage. Les autres produits sont acheminés des terres plus basses. A l’époque soviétique, on se rendait à Vladikavkaz en Ossétie du Nord, qui n’est jamais qu’à une soixantaine de kilomètres. Mais maintenant, la frontière russo-géorgienne étant quasiment close, on achemine les biens de Tbilissi à Khazbégui (plus de 180 km), puis de Khazbégui à Djouta.

Bien des anciens du village ont été bergers, « individuels » dans leur jeunesse, puis « collectifs » à l'époque soviétique, lorsque les troupeaux de moutons étaient collectivisés, et que plusieurs bergers devaient parcourir des centaines de kilomètres avec des centaines de milliers de bêtes. Lagaza, le père de Iago, accompagnait ces immenses troupeaux depuis la Khevsourétie jusqu’à la Mer Caspienne au Daguestan.

Un pied dans les traditions

Porteuses de rudes conditions de vie, les montagnes ont aussi maintenu plus longtemps qu'ailleurs d'ancestrales traditions. Jusqu'à il y a une trentaine d'années, le costume « tribal » aurait encore été porté à Djouta. Aujourd'hui encore, malgré la pression de l'église orthodoxe parmi la société géorgienne, le curieux syncrétisme des Khevsoures s'est maintenu, en contrastant d'ailleurs singulièrement l'image des défenseurs acharnés du christianisme qui colle aux Khevsoures dans les représentations nationales. Ces derniers n'ont pas de clergé, pas d'église, mais des lieux sacrés, où se mélangent culte des saints, de la croix, des ancêtres, et rites animistes.

Lors de festivals religieux, les Khevsoures se rassemblent dans le lieu sacré du village, souvent une cabane entourée de pierre à l'extérieure du village. Les femmes s’y voient interdites, elles « amèneraient l’impureté dans ce lieu ». Elles vivront le festival de leur côté, rassemblées dans l'école ou dans un autre espace commun. Dans le lieu sacré, c'est l'Ancien du village qui préside au culte, porte des toasts en guise de prière.

Jusqu’à l’époque soviétique, les communautés vivaient sans hiérarchie fixe ; le Khévisbéri, l’Ancien de la tribu ou de la confédération tribale, présidait au culte et aux choses militaires. Ce statut de l’Ancien s’est symboliquement conservé lors des rituels. Après son office, on sacrifiera un mouton - voire un boeuf dans certaines circonstances. Puis on festoiera ensemble, se délectant de l'animal sacrifié et buvant la gnôle ou la bière fabriquées sur place. A chaque festival, deux familles sont responsables de l'organisation et de l'approvisionnement en denrées. Le poids financier de la fête pèse ainsi tour à tour sur différentes familles, qui ont aussi le temps d'économiser pour le prochain festival qu’elles devront organiser.

Le clergé orthodoxe d'autres régions de Géorgie ne voie pas d'un bon oeil la survivance de ces traditions païennes en Khevsourétie. A commencer par la Khévie voisine, à l’identité très orthodoxe : le patriarche de l'église géorgienne, Illia II, est originaire du village de Sno, à moins de 15km de Djouta. Les orthodoxes tentent, comme dans la Touchétie voisine, de mener des campagnes de "dépaganisation" de la région. Ils investissent des lieux vénérés par la mythologie nationale, comme l’Aoul de Chatili. Mais ils semblent pour l'instant avoir trouvé peu d'écho parmi ces communautés montagnardes qui vivent encore repliées sur elles-mêmes en vivant leurs traditions ancestrales, et qu'aucune autorité extérieure, pas même les soviétiques, n'ont réussi à pleinement soumettre. Reste à voir si la construction nationale qui se déroule de nos jours en Géorgie n’aura pas un jour raison de ces particularismes.

Des aspects résolument modernes

Aujourd'hui, une bonne partie des familles de Djouta, dont les jeunes sont établis à Tbilissi - et surtout dans ses banlieues -, passe la mauvaise saison dans la capitale géorgienne, puis remontent à Djouta de la fin du printemps à la mi-automne. Certaines, néanmoins, passent toute l'année ici, et font le plein de farine, de sel ou de sucre avant les premières neiges, pour pouvoir tenir les 6 à 8 mois d'isolement. A la fonte des neiges et avant l'arrivée de l’hiver, c'est tout un convoi qui s'achemine vers Djouta depuis Khazbégui, le chef-lieu de Khévie, et même depuis Tbilissi, pour approvisionner ses habitants. En minibus qui pourra y grimper malgré l'état désastreux de la route ou en jeep soviétique "Niva" jusqu'au bas du village, vers l'école ; puis à dos d'âne à travers le village qui s’étale sur une pente raide.

La proximité de la frontière de la Fédération de Russie a engendré une forte présence militaire en Khevsourétie. Frontière Tchétchène à Chatili, Ingouche à Djtoua : les conflits nord caucasiens des dernières décennies ont militarisé la région jusqu'à la paralyser. Jusqu'en 2004-2005, le visiteur devait demander une permission au ministère de la défense pour pouvoir s'y rendre. Mais l'armée Russe a vaincu la guérilla tchétchène et la situation s'est apaisée. A présent, la frontière est pour les Khevsoures une ressource : la plupart des jeunes des villages frontaliers travaillent comme gardes-frontières. Sans cela, en Khevsourétie, la situation serait incomparablement plus difficile.

L'éventualité récemment évoquée par le ministère de la défense de ne plus employer des locaux (pour toutes les raisons d'interférences, de cooptation ou de corruption que l'on peut imaginer) à ces frontières, mais d'envoyer des soldats « centraux », a créé de forts remous dans la région. Mais ces projets semblent s'être enlisés, et pour un temps au moins, la région pourra vivre de l'activité militaire. D'autant que possédant des véhicules modernes et tout l'équipement nécessaire, l'armée est un allié incomparable des habitants pour dégager les routes bloquées par les avalanches, dépanner les tracteurs enlisés ou amener un voisin d'un village à l'autre.

Mais la pénétration du XXIème siècle et de la modernisation qui l’accompagne dans cette région reculée du Caucase prend parfois des voies insoupçonnées. Côté nord Caucase en haute Khevsourétie, région vidée de ses habitants dans les années 1950 où quelques familles seulement sont retournées s’établir à partir de la fin des années 1970, le téléphone portable ne passe pas. Alors qu'en basse Khevsourétie, qui s'étale sur le versant donnant sur Tbilissi et qui est toujours reliée à la capitale, la centralisation avance à petit pas et les relais téléphoniques ont été installés. Pourtant, la famille de Chota Arabouli, qui vit à Korcha en basse Khevsourétie, a envoyé l'un de ses fils en internat à l'école de Chatili, en haute Khevsourétie, à quelques 3 ou 4 heures de 4x4 par une route praticable seulement entre juin et octobre... Parce qu'à Chatili, aux confins de la civilisation, on reçoit Internet par satellite !

Reste que la Khevsourétie accueille chaque année un peu plus de touristes, qui ouvrent d’autres perspectives à cette région qui contient encore des systèmes de valeurs contrastés et renvoyant à des époques différentes.

vendredi 20 juin 2008

Djouta, deuxième village le plus haut d'Europe

A la frontière entre les régions historiques de Khévie et de Khevsourétie, Djouta est, à 2200 mètres d'altitude environ, le plus haut village de l'est de la Géorgie, le deuxième plus haut de Géorgie après Ouchgouli en Svanétie, et par conséquent le deuxième plus haut d'Europe - si l'on considère cette partie du monde comme étant en Europe.

Djouta se trouve sur le versant nord de la chaîne du Grand Caucase, à une vingtaine de kilomètres de Stépantsminda, anciennement Khazbégui, la bourgade la plus importante des hautes montagnes géorgiennes. Il se trouve au pied des massifs du Tchaoukhi (3882m) et du Charil (4456m), à l'est du massif du Kazbek (5033m). Le village est également situé à 7km de l'Ingouchie, en Fédération de Russie.

Ce village rustique est fait de maisons de pierre sèches en partie couvertes de bouse de vache en guise d'isolation ; on utilise ces dernières également pour chauffer. Il y a une peite école à Djouta, ainsi qu'un point militaire.


Djouta est peuplé d'une trentaine de familles de Khevsoures, un groupe clanique ou subethnique particulier en Géorgie, célébré par les canons de la culture nationale comme "montagnards des montagnards", garants de l'âme géorgienne.


A ce qu'on dit jamais entièrement soumis à une autorité extérieure, même à l'époque soviétique, les Khevsoures pratiquent un christianisme fort empreint de paganisme, sans prêtres ni églises, et possèdent des "lieux sacrés" où le village s'assemble lors de festivals ; on y sacrifie des moutons, l'Ancien du village y donne le culte, priant les saints, la nature et les ancêtres. Bien que le traditionnalisme des Khevsoures ait fortement décliné, certains rituels se pratiquent toujours et ces festivals sont toujours les évènements majeurs de la vie du village.


Djouta est coupé du monde 6 à 8 mois dans l'année. Une partie des habitants passe l'hiver à Tbilissi, mais certains s'approvisionnent à l'automne pour rester au village. Seule la pomme de terre pousse à Djouta ; l'élevage bovin y est pratiqué et on y produit beurre et fromage. Le reste doit être acheminé sur la mauvaise route en provenance de Khazbégui.


Les soviétiques avaient installé un gazoduc qui fonctionne encore, sortant le village de son isolement ; plus récemment, l'installation d'une ligne électrique à l'automne 2007 a sensiblement amélioré les conditions de vie des habitants.




En dehors de l'agriculture de subsistance, les habitants vivent en partie de la frontière Russe : certains hommes du village travaillent comme gardes frontières dans l'armée géorgienne.


Le tourisme est sans doute l'avenir économique de ce village idéal pour les activités de montagne ; Iago Arabouli, qui vit moitié à Tblissi, moitié à Djouta, a fait de sa maison une maison d'hôtes et espère voir le nombre de visiteur s'agrandir d'année en année. A Djouta, il vaut mieux chercher Iago par son prénom que par son nom de famille : tout le village s'appelle Arabouli!


Iago Arabouli et son père Lagaza


Djouta est à la lisière de la civilisation. Au-dessus règnent le minéral et la maigre faune et flore des hauts alpages.

Toutes les photos : © Nicolas Landru