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mardi 23 février 2010

Tsalka, où la pommes de terre vaut de l'or


La région de Tsalka est l'une des plus improbables de Géorgie. A à peine 70km de Tbilissi, sur les hauts plateaux volcaniques du Petit Caucase, Tsalka est pourtant l'une des villes les plus isolées du pays.



A l'époque soviétique, c'était l'une des régions agricoles les plus prospères de l'URSS. Ses pommes de terres étaient parmi les plus fameuses de l'Union. Mais avec la désintégration du territoire géorgien au début des années 1990, des années d'absence de l'Etat, de règne de seigneurs de la guerre et de mafieux, la région s'est retrouvée entièrement isolée.



Sur son haut plateau entre 1500 et 2700 mètres d'altitude, la région a vu ses routes rapidement devenir des tourbiers. De plus, c'est l'une des régions du pays qui a connu les plus grands bouleversements démographiques. La région était peuplée, avant l'effondrement du pays, d'une majorité de Grecs et d'une minorité d'Arméniens.



Paupérisés et tentés par l'ouverture des frontières de la Grèce à tous les membres de sa diaspora, les Grecs sont quasiment tous partis, laissant ville et villages abandonnés. Les Arméniens se sont retrouvés en majorité. Enfin, fin des années 1990 jusqu'en 2005, des Géorgiens victimes de catastrophes écologiques ont été relocalisés ici.

Le mystère des pommes de terres

Un dimanche de février, jour de marché à Tsalka, fin d'après-midi. Nous partons de Tbilissi et poursuivons notre route, dans une BMW immatriculée à Tbilissi, jusqu'à la ville de montagne reculée. Les Tbilissiens n'ont bien sûr qu'une idée en tête : acheter des pommes de terres moitié moins cher que dans la capitale. Après tout, nous sommes au paradis de ce féculent, là où il est le meilleur dans toute la région et peut-être même au-delà.

Au fur et à mesure que nous interrogeons les autochtones, le doute s'empare de nous. Que ce soient les quelques passant, souvent des femmes apparemment grecques ou arméniennes puisqu'elles ne comprennent pas le Géorgien, les pompistes ou le tenancier de l'unique magasin de la rue principale, des Adjares ou des Svanes, encore les quelques personnes croisées sur la route, visiblement des paysans eux-mêmes probablement cultivateurs de pommes de terre, la réaction est la même.

"Où peut-on acheter des pommes de terre?" entraine une réponse hâtive, réticente et peu naturelle : "Non, non" ou "Sais pas" ou simplement un signe de la main indiquant le non catégorique, qui contraste avec la sympathie du premier abord.

Au pays de la patate, pas moyen d'en acheter une seule, même à prix d'or.

Nous repartons bredouille, et nous disons que ces gens, loin d'ignorer où acheter des pomme de terre, refusaient de nous dire. Peut-être même, avaient peur. Une dizaine de kilomètres après avoir entamé la descente du plateau, nous croisons un camion en panne que nous avions déjà vu à l'aller. Plein à craquer de sacs de pommes de terre de 60 kilos. Nous demandons aux camionneurs de nous en vendre un. Aucun problème, cela leur fait un peu d'argent de poche. Moitié prix des marchés de Tbilissi. Nous demandons où ils se les sont procurées. "A Tsalka, pardi, où, sinon?"

Une seule explication parait envisageable. Le marché fonctionne ainsi : des grossistes achètent les pommes de terre à bas prix aux cultivateurs ou à de plus petits vendeurs de Tsalka pour les marchés de Tbilissi, et interdisent aux autochtones de vendre aux particulier. En somme, une version capitaliste du système kolkhozien qui existait ici à l'époque soviétique.

Redescendu dans la vallée, je parle de cette histoire. Et entends parler de quelqu'un qui, en Mingrélie, a essayé il y a quelques années de monter une vente d'herbes fines qu'il cultivait à des particulier. Et que l'entreprise n'avait pas pu se faire parce que la mafia locale interdisait de vendre à d'autres qu'à elle.

A Tsalka, l'effondrement de l'Union Soviétique aura changé bien des données, dans les données démographiques, en ce qui concerne l'état des infrastructures. Mais le fonctionnement économique des temps anciens, lui, semble avoir persévérer. Sont-ce les mêmes, les anciens directeurs de Kolkhozes, qui ont toujours la mainmise sur la région?

Photos : Nicolas Landru

vendredi 29 janvier 2010

Quelques images de Géorgie en hiver


La petite ville de Sighnaghi, et en arrière-fond, le Grand Caucase (Daguestan)


Troupeau en Kakhétie, au pied de la chaîne du Daguestan


Ferme à Ninigori, Kakhétie, au pied de la chaîne du Daguestan


Vue sur la chaîne du Kazbek dans le Grand Caucase depuis l'église Tvereli à Tbilissi (Mtatsminda


Didveli (Bakouriani), deuxième station de ski du pays, dans la chaîne de Trialétie du Petit Caucase


Toutes les photos : ©Nicolas Landru

dimanche 1 juin 2008

Géorgie : l'évacuation de la base militaire russe d’Akhalkalaki touche à sa fin

Article paru dans caucaz.com, édition du 23/04/2007
Par Nicolas Landru à Tbilissi


© Nicolas Landru, base militaire russe d'Akhalkalaki

La base militaire russe d’Akhalkalaki, en Djavakhétie, doit fermer ses portes à l’automne 2008. Tels sont les termes de l’accord russo-géorgien passé le 31 mars 2005 entre Salomé Zourabichvili, alors ministre des affaires étrangères de Géorgie, et Sergueï Lavrov, son homologue russe. Mais apparemment, et envers toutes les prévisions qui annonçaient un agenda de fermeture houleux, l’échéance n’aura pas besoin d’arriver à terme. Selon le commandement de la base, au 1er juillet 2007, celle-ci sera remise aux autorités géorgiennes. La phase finale de la fermeture est déjà engagée : le 13 avril 2007, les derniers équipements ont quitté Akhalkalaki pour être transférés à la base de Gyumri en Arménie. Le 19, ils sortaient du territoire géorgien.

Si quelques 3000 hommes de service, Russes et Arméniens locaux, restent encore sur place, le temps leur est compté. Ils attendent la fermeture officielle, la base restant désormais quasiment vide. Ce convoi d’une dizaine de camions contenant cinq générateurs à haute tension, cinq tonnes de munitions et 1,5 tonne d’équipements divers, met fin au transfert du matériel d’Akhalkalaki vers Gyumri. Le personnel, lui, sera redéployé en Arménie et en Russie après la fermeture complète de la base.

Akhalkalaki est l’avant-dernière des quatre bases russes de Géorgie à fermer officiellement ses portes. L’amorce de son évacuation sonne le glas de la présence militaire russe dans le pays. Ce dénouement n’avait pourtant rien d’évident : la question du retrait des troupes russes de Géorgie avait été pendant plus de 15 ans l’un des points d’achoppement majeurs des relations russo-géorgiennes. Les gouvernements successifs, à Tbilissi, se sont acharnés à aboutir au départ de l’armée russe. De la part de Moscou, atermoiements et tergiversions ont laissé penser qu’aucune garantie n’était donnée, et que jusqu’à ce que le dernier soldat russe quitte le sol géorgien, rien n’était joué. Cette attitude ambivalente doublée du rôle ambigu que Moscou a joué dans les conflits séparatistes en Géorgie venait se confronter à la position intransigeante de Tbilissi.

Tbilissi, Goudaouta, Batoumi

Au cœur de tensions croissantes entre les deux pays, Tbilissi obtenait en 2001 la fermeture de la base de Vaziani, près de Tbilissi, après un combat diplomatique de deux ans. Les menaces de l’OSCE ont fait plier Moscou. Celle-ci lâchait officiellement plus de leste encore et acceptant la fermeture de la base de Goudaouta, située en territoire séparatiste Abkhaze. Mais le rôle joué par cette base dans le conflit d’Abkhazie – elle donnait asile au premier président séparatiste, Ardzinba, puis donnait un appui militaire certain aux forces abkhazes – permet de penser qu’elle n’a été fermée que sur le papier. Aucune inspection des lieux n’a été autorisée aux organisations internationales, et Tbilissi soupçonne une utilisation illégale de la base par les forces jointes russes et abkhazes.

Restaient les bases de Batoumi et d’Akhalkalaki. L’enlisement politique du second mandat présidentiel de Chévardnadzé mettait en suspens les succès géorgiens de la deuxième moitié des années 1990. Après la révolution des roses, la confrontation avec Moscou s’est faite plus directe et le régime de Mikhaïl Saakachvili a fait du départ de toutes les forces russes de son pays un objectif majeur.

Le « coup d’Adjarie » de l’été 2004 réintégrait la République autonome adjare dans le giron de Tbilissi ; la pression se renforçait sur la base de Batoumi, en même temps que celle-ci devenait une menace plus directe à l’autorité du pouvoir. Après des négociations ardues, la Géorgie obtenait cependant gain de cause, avec un premier accord d’évacuation en 2005, puis un autre définitif au 31 mars 2006, fixant l’échéance à fin 2008 pour Batoumi et Akhalkalaki.

Il semble qu’à partir de cette étape, et malgré les regains de tensions diplomatiques comme lors de la crise des espions de septembre 2006, l’obtempération de Moscou et l’abandon de ses objectifs militaires par ses bases de Géorgie est irrévocable. Dès l’été 2005, la base de Batoumi commençait à évacuer son matériel et son personnel, de sorte qu’elle soit prête à être remise fin 2008. Pour l’heure, il reste en tout et pour tout deux familles et 5 soldats dans la base.

Fait symbolique, quelques semaines après l’intense crise des espions entre Moscou et Tbilissi, la Douma ratifiait le 13 octobre 2006 la loi sur le retrait des bases russes de Géorgie. Signe incontestable que malgré la confrontation apparente entre les deux régimes, l’évacuation de l’armée russe est un fait entériné par les deux parties. La décision de Moscou a bien été prise.

Akhalkalaki

Malgré la tournure régulière des choses, le côté géorgien avait émis beaucoup de doutes quant à la bonne volonté de l’armée russe à réellement fermer boutique à Akhalkalaki. On a pensé que l’Adjarie étant tombée entièrement sous contrôle de Tbilissi, la Russie avait fait une croix sur sa base, étant dans l’impossibilité de faire autrement. Mais à Akhalkalaki, centre politique de la Djavakhétie, la situation est bien différente.

Région du sud de la Géorgie, à la frontière avec l’Arménie, et peuplée à plus de 90% d’arméniens, la Djavakhétie éveille à Tbilissi un certain nombre de craintes qui agitent le spectre des sombres heures des années 1990. Akhalkalaki est une ville qui connaît une forte identité politique, franchement opposée au centralisme de Tbilissi. Plusieurs organisations arméniennes portant des revendications autonomistes y sont très actives depuis le début des années 1990, la population est armée, il est clair que la stabilité ne tient toujours qu’à un fil. L’acceptation pour la population arménienne de son appartenance à la Géorgie est fragile.

Dans ce contexte, Tbilissi n’a eu de cesse de dénoncer l’influence de la Russie via sa base militaire, son instrumentalisation des questions ethniques, sa manipulation voir son instigation des organisations arméniennes locales, toutes issues de l’organisation paramilitaire Djavakhk qui avait défendu la région contre les milices géorgiennes, Zviadistes et Mkhedrionis, au début des années 1990.

Base russe et activisme local

Au cours des dernières années, de nombreuses actions de protestation, parfois musclées, ont eu lieu à Akhalkalaki. L’une des revendications des organisations locales, à côté du statut d’autonomie et de l’Arménien comme deuxième langue officielle dans la région, était le maintien de la base russe.

Dans cette revendication, Tbilissi a toujours vu la main de Moscou. Mais pour les habitants d’Akhalkalaki, la question n’en était pas moins vitale. La base était le véritable poumon économique de la ville, assurant non seulement de nombreux emplois, mais aussi le commerce, dans cette région particulièrement isolée. Construite au XIXème siècle comme ville de garnison, Akhalkalaki n’a jamais eu dans son histoire récente d’autre fonction.

Un autre aspect de la question est de prime importance aux yeux de la population de la ville, qui vit dans un intense maintien de la mémoire du génocide arménien : la présence russe est une garantie contre les turcs, et si les troupes de Moscou venaient à partir, qui pourrait assurer cette sécurité ? Les discours les plus anxieux voyaient après ce départ l’arrivée de troupes turques sous uniformes de l’OTAN. Maintenue isolée dans une zone tampon à la frontière de la Turquie, donc de l’OTAN, la population arménienne de Djavakhétie, a évolué pendant la guerre froide dans l’idée d’une menace perpétuelle. Maintenant que le départ russe est réel, il ne tient qu’à Tbilissi de donner des garanties.

Ce n’est sans doute pas un hasard si le 13 avril, le jour de l’évacuation du matériel, un rallye a été mené par les organisations politiques de la ville pour exiger que l’Arménien accède au statut langue officielle dans la région. Ce qui confirme le lien étroit entre la base et l’activisme politique de la ville, mais qui montre aussi que devant le retrait irréversible de l’armée russe, les organisations arméniennes sentent plus que jamais le besoin de manifester leur présence. Si les rumeurs selon lesquelles Moscou et les organisations locales feront tout pour empêcher la fermeture de la base ont été de fait démenties, l’activisme local ne s’arrête évidemment pas ici, d’autant plus que l’avenir désormais incertain ne peut que préoccuper la population d’Akhalkalaki.

Quel avenir à Akhalkalaki ?

Les déclarations du gouvernement géorgien pendant ces deux dernières années, visant à temporiser les protestations de la société politique d’Akhalkalaki, n’avaient pas été convaincantes. Entre autres, l’« affaire de pommes de terres ». Début 2006, Mikhaïl Saakachvili avait promis que l’armée géorgienne se fournirait en pomme de terres uniquement auprès des paysans de Djavakhétie. Cette culture est la seule production conséquente de la région, et unique source de revenu à côté de la base russe et du commerce (qui, en grande partie, dépendait jusqu’ici de celle-ci). Le président avait déclaré que les revenus que cet approvisionnement apporterait équivaudraient à ceux donnés par la base militaire. Outre l’énormité de cette équation, il s’est avéré peu après que l’armée géorgienne continuerait à se fournir que une part infime auprès de la Djavakhétie, la grande majorité de son approvisionnement venant de Turquie ou d’autres régions géorgiennes. De plus, la production de Djavakhétie ne suffirait pas à fournir le quart des besoins de l’armée, et n’opérerait jamais les rentrées financières escomptées. Cette affaire avait provoqué la colère de la population.

Une autre promesse était l’investissement de la base par l’armée géorgienne. Celle-là tournerait donc à plein comme avec l’armée russe, son fonctionnement ne serait pas altéré. Or la plupart des soldats russes étaient des habitants d’Akhalkalaki, faisant vivre plus d’une famille sur deux ; l’impact économique apporté par l’armée géorgienne, qui ne se composerait probablement pas d’autant d’autochtones, ne serait pas comparable. Mais au-delà de ces calculs, l’ouverture début avril d’une nouvelle base géorgienne aux normes de l’OTAN à Sénaki, en Mingrélie, ainsi que la construction d’une base similaire à Gori permet de douter d’une utilisation conséquente de celle d’Akhalkalaki dans un premier temps, étant donnés les effectifs de l’armée géorgienne. D’autant que la base est loin des normes de l’OTAN visées par Tbilissi.

Pour autant, Akhalkalaki ne semble pas perdue. La construction de la ligne de chemin de fer Bakou-Akhalkalaki-Kars, malgré la réticence de la population arménienne de voir sa région devenir un pont entre les espaces turques occidental et oriental, promet la création d’un gisement d’emplois et un pas vers le désenclavement de la région. D’autant que les conflits gelés entre l’Arménie d’une part, la Turquie et l’Azerbaïdjan de l’autre, représentent une opportunité de développement du commerce via la Géorgie, encore sous-exploitée.

Pour l’heure, l’évacuation de la base d’Akhalkalaki, qui avait éveillé tant de craintes, se sera déroulée sans heurts, changeant entièrement la donne dans les relations russo-géorgiennes comme dans la situation géostratégique, économique et politique de la Djavakhétie.

Georgia: The Evacuation of the Russian Military Base at Akhalkalaki Comes to a Close

Article published in caucaz.com, 30/05/2007 Issue

By Nicolas Landru in Tbilissi, translated by Kathryn Gaylord-Miles




© Nicolas Landru The Russian Military Base at Akhalkalaki

The Russian military base at Akhalkalaki, in Javakheti, must close its doors in the autumn of 2008. These are the terms of the Russo-Georgian agreement of March 31, 2005, between Salome Zourabishvili, then the Georgian Minister of Foreign Affairs, and Sergey Lavrov, her Russian counterpart. However, the predictions of a turbulent closing have not come true. According to the base commanders, on July 1st 2007, it will be returned to Georgian authorities. The final phase of the base closure has already started: On April 13th, 2007, the last of the equipment left Akhalkalaki to be transferred to the base in Gyumri in Armenia. On the 19th, the equipment left Georgian territory.

The days of the remaining 3000 servicemen, Russians and local Armenians are numbered. They are waiting for the official closing; meanwhile, the base remains half empty. The convoy of a dozen trucks containing five high-tension generators, five tons of munitions and 1.5 tons of various pieces of equipment, puts an end to the transfer of materials from Akhalkalaki to Gyumri. Personnel will be redeployed to Armenia and Russia after the base's closure.

Akhalkalaki is the penultimate of four Russian bases in Georgia to officially close its doors. The beginning of its evacuation sounds the death knell of the Russian military presence in the country. This unravelling is not simple: the question of the retreat of Russian troops from Georgia had been one of the major stumbling blocks in Russo-Georgian relations for more than fifteen years. Successive governments in Tbilisi have fiercely fought for the departure of the Russian army. On Moscow’s part, distortion and vagueness have given the impression that no guarantee has been given, and that until the last Russian soldier has left Georgian soil, nothing has been finalized. This ambivalent attitude, in addition to the ambiguous role Moscow has played in the separatist conflicts in Georgia, is in contrast to Tbilisi’s uncompromising position.

Tbilisi, Gudauta, Batumi

At the heart of the growing tensions between the two countries, Tbilisi obtained the closing of the base at Vaziani, near Tbilisi, in 2001 after two years of diplomatic combat. OSCE threats made Moscow bend. Moscow officially loosened its position and now accepts the closing of the base at Gudauta, situated in the Abkhazian separatist territory. But the role this base plays in the Abkhazia conflict—it gave asylum to the first separatist president, Ardzinba, then gave military support to Abkhazian forces—gives the impression that it was closed only on paper. No inspection of the premises has been authorized for international organizations, and Tbilisi suspects illegal use of the base by joint Russian and Abkhazian forces.

That leaves the bases in Batumi and Akhalkalaki. The political quagmire of the second presidential term of Shevardnadze has put the Georgian successes on hold in the second half of the 1990s. After the Rose Revolution, the confrontation with Moscow has been more direct and Mikheil Saakashvili’s government has made the departure of all Russian forces one of its major goals.

The “coup of Ajaria” in the summer of 2004 restored the Ajarian Autonomous Republic under Tbilisi’s control. As a result, pressure intensified on the base at Batumi and it became a more direct threat to Tbilisi's authority. After heated negotiations, Georgia won, first with an evacuation agreement in 2005, then with a final agreement on March 31, 2006, fixing a hand-over for the end of 2008 for both Batumi and Akhalkalaki.

It seems that beginning from this point, and despite the renewal of diplomatic tension such as during the spy crisis in September 2006, Moscow’s compliance and the abandonment of its military objectives via its Georgian bases is irrevocable. From the summer of 2005 onwards, the base at Batumi began to evacuate its material and personnel, so that it will be ready to for the scheduled hand-over. For the moment, there remain, all in all, two families and five soldiers at the base.

A symbolic fact is that, several weeks after the intense crisis of the spies between Moscow and Tbilisi, the Duma ratified October 13th, 2006, the law on the withdrawal of Russian bases from Georgia. It is an incontestable sign that despite the apparent confrontation between the two regimes, the evacuation of the Russian army is a fact confirmed by the two parties. Moscow’s decision was well taken.

Akhalkalaki

Despite the regular progression of things, the Georgian side has expressed many doubts about the goodwill of the Russian army to truly close up shop in Akhalkalaki. It was thought that Ajaria had fallen completely under Tbilisi’s control, and that Russia had been forced to let the base go. But in Akhalkalaki, the political centre of Javakhetia, the situation is very different.

A southern region of Georgia, on the Armenian border, and more than 90% ethnic Armenian, Javakhetia kindles a certain number of fears in Tbilisi that raise the spectre of the sombre times of the 1990s. Akhalkalaki is a town that enjoys a strong political identity, openly opposed to the centralism of Tbilisi. Several Armenian organizations with autonomist claims have been very active there since the beginning of the 1990s, the population is armed, and it is clear that stability is only hanging on by a thread. The acceptance by the Armenian population of its belonging to Georgia is fragile.

In this context, Tbilisi will not stop denouncing Russia's influence through its military base. Georgia accuses Russia of tinkering with ethical questions including supporting local Armenian organizations which derived from the paramilitary organization Javakhk that defended the region against the Zviadist and Mkhedrioni Georgian militias, in the early 1990s.

The Russian base and local activism

In the course of the last few years, a number of protests, some violent, have taken place in Akhalkalaki. One of the demands of local organizations, besides autonomous and the recognition of Armenian as a second official language in the region, was the maintenance of the Russian base.

In this demand, Tbilisi has always seen the hand of Moscow. But for the inhabitants of Akhalkalaki, the question isn’t any less vital. The base was the economic heart of the town, assuring not only numerous jobs, but also commerce in this particularly isolated region. Constructed in the 19th century as a garrison town, Akhalkalaki has never had any other function in recent history.

Another aspect of the question is the prime importance in the eyes of the village population, which lives in intense preservation of the memory of the Armenian genocide: the Russian presence is a guarantee against the Turks, and if Moscow’s troops leave, who can assure this security? The most anxious discussions see the arrival of Turkish troops under the umbrella of NATO after the departure of the Russians. Kept isolated in a buffer zone near the border of Turkey, and therefore, the border of NATO, Javakhetia's Armenian population grew up during the Cold War under the idea of perpetual threat. Now that the Russian departure is real, it up to Tbilisi to give guarantees.

It is certainly not by chance that on April 13th, the day of the bases material evacuation, political organizations in the town held a rally to demand that Georgia recognize Armenian as an official language in the region. This confirms the direct link between the base and the political activism in the town, and also shows that in front of the irreversible withdrawal of the Russian army, Armenian organizations feel the need to make their presence known more than ever. Although the rumours that Moscow and local organizations will do everything to impede the closure of the base have been denied, local activism evidently does not stop here, all the more so as Akhalkalaki's population is preoccupied with the still uncertain future.

What future for Akhalkalaki?

The Georgian government's declarations during these past two years which aimed at forestalling protests by Akhalkalaki's political society, have not been convincing. One such example is the “potato affair”. At the beginning of 2006, Mikheil Saakashvili promised that the Georgian army would supply itself with potatoes only from the inhabitants of Javakhetia. This crop is the region's only substantial product and the only source of revenue besides the Russian base and commerce (which has also depended largely on the base). The president declared that the revenues from supplying the Georgian military would equal those given by the Russian military base. Besides the enormity of this promise, it soon turned out that the Georgian army continued to supply itself only in a tiny part from Javakhetia, the vast majority of its supply coming from Turkey or other Georgian regions. Moreover, the production in Javakhetia is not sufficient to supply a quarter of the needs of the army, and will never generate the expected financial returns. This affair has provoked the population's anger.

Another promise was that the Georgian army would take over the base and operate it fully and unaltered, as under the Russian army. However, the majority of Russian soldiers were residents of Akhalkalaki and supported more than half of the town's families. The economic impact carried by the Georgian army, which probably would not consist of as many natives, would not be comparable. Besides these calculations, and given the limited size of the Georgian army, the opening at the beginning of April of a new Georgian base conforming to NATO’s standards in Senaki, in Mingrelia, as well as the construction of a similar base in Gori makes it doubtful that the base at Akhalkalaki will see significant use in the near future. Moreover, the base is far from the NATO standards that Tbilisi is aiming for.

Despite all of this, Akhalkalaki does not seem lost. The construction of the Baku-Akhalkalaki-Kars railroad, despite the reticence of the Armenian population to see its region become a bridge between Eastern and Western Turkish spaces, promises the creation of employment opportunities and is a step towards opening the region. As much as the conflicts between Armenia on one hand and Turkey and Azerbaijan on the other have solidified, they represent an opportunity for the development of Georgia's under-utilized transport routs.For the time being, the evacuation of the base at Akhalkalaki, which has aroused so many fears, will be carried out smoothly, completely changing the dynamics of Russo-Georgian relations in Javakhetia geostrategic, economic and political environment.

samedi 31 mai 2008

Isolées, les régions montagneuses de Kvémo Kartlie restent au point mort

Article paru dans caucaz.com, édition du 05/03/2007
Par Nicolas Landru à Manglissi et Tsalka


© Nicolas Landru (Route Tbilissi-Tsalka, vers Manglissi)


A moins de 100 kilomètres de Tbilissi, la petite ville de Tsalka pourrait être une périphérie de la capitale géorgienne. A l’époque soviétique, elle était l’un des « greniers » de la métropole, assurant à celle-ci son approvisionnement en produits laitiers et en pommes de terres. Mais dans cette zone montagneuse, l’effondrement de l’URSS a immédiatement engendré, outre la ruine des structures de production, la dégradation extrême des routes et des voies ferrées. Aujourd’hui, la haute Kvémo Kartlie est une des régions les plus isolées et délaissées de Géorgie. Evocation d’un exemple extrême de la désintégration du territoire géorgien.

Après le prestigieux village de Tskhnéti, à une dizaine de kilomètres à peine de Tbilissi, la route de Tsalka se jonche de nids de poules. Un tronçon en a été refait il y a peu, mais comme souvent en Géorgie, la réparation n’ayant pas été relayée par un entretien permanent de la voie, celle-ci est de nouveau dégradée. L’asphalte s’amenuise au fil des kilomètres, jusqu’à devenir quasi-absent après Manglissi, autrefois une zone de villégiature estivale prisée des Tbilissiens. Au-delà, il est presque impossible de s’aventurer sur la route escarpée – Tsalka se situe à 1.600 mètres d’altitude – sans véhicule tout terrain.

Signé en juillet 2006, un programme de rénovation complète parrainé par la Banque mondiale, devrait prendre place – même si des projets similaires avaient été formulés ces dernières années sans être menés à bien. En attendant, pour rejoindre Tsalka depuis Tbilissi, il faut passer par l’est, où la route entre Tetri-Tskaro et Tsalka avait été regoudronnée en par British Petroleum lors de la construction de l’oléoduc Bakou-Tbilissi-Ceyhan (BTC). Mais cette voie aussi est rapidement retournée à son état de dégradation initial. La solution la plus sûre est de faire un détour de plus de 300 kilomètres, en allant plein ouest pour revenir sur l’est vers Tsalka par la lointaine Djavakhétie, dont les routes ont pourtant une médiocre réputation. Naturellement, les voies secondaires de la région sont en plus piteux état encore. Le progrès notable en matière de transports concerne la voie de chemin de fer, tombée à l’abandon, puis rouverte en août 2006. Reste toutefois un écueil de taille : l’insuffisance des trains et leur lenteur.

Une région morcelée et vidée

Tsira, 75 ans, vit dans un village près de Manglissi, à sept kilomètres de la route. Une fois par semaine, elle s’y rend à pied pour attendre qu’une voiture l’emmène à Tbilissi, les transports en commun ayant quasiment disparu. Elle va y vendre de la sauce de tkhemali pour augmenter sa maigre retraite. A l’époque soviétique, elle travaillait dans une usine de Tskhnéti, faisant la navette tous les jours. Le voyage durait moins d’une demi-heure ; il faut aujourd’hui deux à trois fois plus de temps. Les activités de la région, autrefois centralisées, ont virtuellement cessé. Dans cette zone encore proche de la capitale, ceux qui vont vendre des produits de l’agriculture vivrière sur les marchés de Tbilissi ne le peuvent le faire quotidiennement que s’ils ont un bon véhicule, et à la belle saison. « Au début des années 1990, les Grecs ont pu partir en Grèce et les Arméniens à Erevan », se souvient -elle, « mais nous, les Géorgiens de la région, nous n’avons eu d’autre choix que de rester. »

C’est que les districts montagneux de Kvémo Kartli connaissent, outre une grande désintégration logistique et économique, le morcellement communautaire le plus important du pays. Avant 1991, le rayon de Tsalka était majoritairement peuplé de Grecs et d’Arméniens, celui de Tetri-Tskaro de Géorgiens, et celui de Dmanissi au sud, d’Azéris. A l’intérieur de zones majoritaires, les villages de communautés différentes se côtoyaient sans toutefois que les contacts intercommunautaires ne soient très élevés, ni qu’il y ait une tendance à la mixité ethnique. L’effondrement économique et la dégradation des routes n’ont fait que renforcer cette caractéristique, et aujourd’hui chaque village tend à vivre isolé et replié sur lui-même.

L’émigration a bouleversé la structure sociale de la région, en particulier à Tsalka, celui des trois rayons qui connaît la situation la plus difficile, où le départ massif des Grecs depuis 1991 a laissé la majorité des villages vides. En général, les communautés arméniennes ont aussi été enclines à émigrer ; les Azerbaïdjanais également, mais de manière moins massive, en partie parce qu’ils avaient moins de destinations viables en perspective. Même le rayon de Tetri-Tskaro, à majorité géorgienne, s’est fortement dépeuplé.

Les chiffres parlent d’eux même : à comparer les recensements de 1989 et 2002, le nombre d’habitants du rayon de Tsalka a été divisé par 2,2 ; celui de Dmanissi par 1,8. Même si les statistiques officielles ne sont pas entièrement fiables – il semblerait que les chiffres soient tantôt augmentés ou diminués selon les besoins politiques. De plus, les mouvements chaotiques de migration rendent le décompte presque impossible. Il semble que la population de la haute Kvémo Kartlie atteindrait à peine 80.000 âmes, alors qu’elle dépassait les 150.000 en 1989.

Tsalka : une zone déstabilisée

Un autre facteur démographique a été cause d’instabilité dans la région : l’immigration de populations géorgiennes, en général dans des zones dépeuplées, en vagues successives, à la fin des années 1980, en 1998, 2002 et 2004. Des Svanes et des Adjares provenant de zones sinistrées par des glissements de terrains ou à haut risque y ont été relogés, particulièrement à Tsalka, dans les habitations laissées vides par les Grecs.

Des controverses sont apparues sur l’objectif réel du gouvernement. Certains porte-paroles des minorités ethniques y ont vu la volonté de « géorgiser » une région à majorité non-géorgienne. Les autorités ont avancé l’argument de l’urgence à parer au dépeuplement de la région.

Au-delà des discours ethnicisant, il est clair qu’une lutte ardue pour le contrôle des ressources et de l’économie de la région de Tsalka s’est déclenchée entre anciens et nouveaux habitants.

L’absence d’organisation qui a caractérisé le processus d’implantation des nouveaux venu a engendré un flou général sur les questions de la propriété – certains se sont installés dans des maisons vides appartenant encore à d’autres. Le manque de légalisation et de déploiement de forces de sécurité a laissé place au crime et à la violence, surtout depuis 2004.

En mars 2006, le meurtre d’un Arménien par un Svane à Tsalka a provoqué d’intenses remous au sein de la communauté arménienne de Géorgie. Peu de temps auparavant, l’assassinat d’un couple de Grecs par des Adjares avait entraîné une série de règlements de comptes entre anciennes et nouvelles structures communautaires.

En marge de l’attention publique

Ces défis sociaux et communautaires s’ajoutent à des problèmes structurels de taille. Ces trois districts montagneux sont parmi les plus pauvres de Géorgie. Dans les environs de Tsalka, la plupart des villages n’ont pas l’eau courante ni l’électricité. Le banditisme a longtemps contribué à tenir la région à l’écart des processus politiques majeurs, et la méconnaissance qu’ont les minorités ethniques de la langue géorgienne renforce cet isolement politique. Même si, sous l’ancien président Edouard Chevardnadze, puis avec « la révolution des roses », l’Etat a peu à peu rétabli son autorité sur la région, les administrations sont ici largement moins transparentes que dans la moyenne du pays.

Le découpage géographique de la Kvémo Kartlie en fait une région particulièrement artificielle, déséquilibrée, et donc difficile à administrer. Son manque de cohérence n’est pas unique en Géorgie, mais les disparités y sont particulièrement grandes : entre Vazisubani, banlieue difficile de Tbilissi, le grand ensemble industriel Roustavi-Gardabani, la plaine agricole majoritairement azérie de Marnéouli et Bolnissi et les trois districts montagneux, isolés et pluriethniques, les défis sociaux et économiques sont très différents. Ironiquement, Kvémo Kartlie signifie « basse Kartlie », mais trois de ses districts ont l’un des reliefs les plus montagneux et les plus chahutés du pays. Comparés aux rayons très peuplés de la plaine, ces trois districts paraissent souvent aux décideurs politiques régionaux d’une importance limitée.

Autre handicap, et non des moindres, la région et ses difficultés passent largement inaperçues dans la vie publique et médiatique géorgienne. La Djavakhétie est souvent pointée comme la région pauvre et isolée par excellence en Géorgie.

Mais cette image lui est souvent attribuée pour couvrir les problèmes ethno-politiques qui la sous-tendent – région fortement arménienne, elle contient une base militaire russe qui doit fermer en 2008 ; surtout, elle occulte souvent la région de Tsalka, dont les difficultés liées à l’isolement et la pauvreté sont bien plus accrues, et qui n’a pas, comme sa voisine, l’Arménie comme porte.

Si la Grèce exerce quelques pressions pour que des projets de réhabilitations soient menés à bien à Tsalka, la minorité grecque a bien trop fondu pour que cela ait une portée conséquente.

Certaines organisations arméniennes se préoccupent fortement de la situation des Arméniens de la région, les tensions sociales prenant bien souvent une tournure « ethnique » ; mais jusqu’à présent, la Djavakhétie a autrement plus mobilisé leur attention.

Bien que certains projets de développement, comme le Millenium Challenge Program, incluent les zones montagneuses de la Kvémo Kartlie, il n’existe pour l’instant aucun facteur qui pourrait rapidement faire évoluer la situation. Il manque encore les moyens et la vision d’un développement d’ensemble de la part des autorités géorgiennes, et les divers projets sont le plus souvent développés au coup par coup.

« A Manglissi, ils ont de la chance que M. Bejouachvili (ministre des affaires étrangères de Géorgie) en soit originaire », se plaint Tsira, « il y fait de bonnes choses. Mais dans mon village, on ne reçoit rien du tout. »

Isolated, the Mountainous Regions of Kvemo Kartli Rest at a Standstill

Article published in caucaz.com, 20/03/2007 Issue
By Nicolas LANDRU in Manglisi, translated by Kathryn GAYLORD-MILES


© Nicolas Landru (Road Tbilisi-Tsalka, near Manglisi)

Less than 100 kilometers from Tbilisi, the small town of Tsalka could be a suburb of the Georgian capital. During the Soviet era, it was one of the “attics” of the metropolis, assuring the city’s supply of dairy products and potatoes. But in this mountainous region, the breakup of the USSR immediately caused, besides the ruin of the structures of production, the extreme deterioration of roads and railroads. Today, upper Kvemo Kartli is one of the most isolated and neglected regions in Georgia. It is an extreme example of the disintegration of Georgian territory.


After the prestigious village of Tskhneti, barely a dozen kilometers from Tbilisi, the road from Tsalka is strewn with potholes. One branch was redone a bit, but as often in Georgia, the repairs weren’t followed by a permanent maintenance of the road, so it is again deteriorated. The asphalt dwindles for kilometers, to the point of being almost absent after Manglisi, in another time a summer resort region visited by residents of Tbilisi. After Manglisi, it is almost impossible to venture on the steep road—Tsalka is at an altitude of 1,600 meters—without an ATV.

Singed in July 2006, a complete renovation program sponsored by the World Bank should take place—even if similar projects have been formulated in recent years without leading to anything. In the meantime, to reach Tsalka from Tbilisi, one must pass by the east, where the road between Tetri-Tsakaro and Tsalka has been re-tarred by British Petroleum during the construction of the oil pipeline Baku-Tbilisi-Ceyhan (BTC). But this road has also quickly returned to its initial state of disrepair. The surest solution is to take a detour of more than 300 kilometers, going directly west, only to turn back east towards Tsalka by way of the far-away Javakhetia, whose roads have a mediocre reputation. Naturally, the secondary roads of the region are in worse shape. The notable progress in transportation is the railroad, abandoned, then reopened in August 2006. There rests a sizable stumbling block: the insufficiency of trains and their slowness.

A Divided and Empty Region

Tsira, who is 75 years old, lives in a village close to Manglisi, seven kilometers away by road. Once a week, she walks there to wait for a car to take her to Tbilisi, public transportation having almost completely disappeared. There, she sells tkemali sauce to supplement her meager pension. During the Soviet era, she worked in a factory in Tskhneti, commuting every day. The trip took less than a half an hour; today, it is two to three times longer. The regional activities, centralized in other times, have virtually ceased. In this zone close to the capital, those who go to sell agricultural products in the markets of Tbilisi are not able to do it daily unless they have a good vehicle and only then, in summer. “At the beginning of the 1990s, Greeks could leave for Greece and Armenians for Yerevan,” she remembers, “but we, the Georgians of the region, we didn’t have any other choice but to stay.”

It’s what the mountainous districts of Kvemo Kartli know, other than a large logistic and economic disintegration: the most important division of community in the country. Before 1991, the Tsalka raion was largely populated by Greeks and Armenians, that of Tetri-Tskaro by Georgians, and that Dmanisi, to the south, by Azeris. Inside the majority zones, villages of different communities are located close to each other, but intercommunity contacts aren’t very high, nor that there is a tendency towards ethnic mixing. The economic collapse and the degradation of the roads only served to reinforce this characteristic, and today each village tends to live isolated and inward-looking.

Emigration has upset the social structure of the region, especially in Tsalka, the one of the three raions that has the most difficult situation, where the massive departure of Greeks since 1991 has left the majority of villages empty. In general, the Armenian communities were also inclined to emigrate; the Azerbaijanis as well, but on a smaller scale, in part because they had fewer viable destinations. Even the raion of Tetri-Tskaro, majority Georgian, has been largely depopulated.

The numbers speak for themselves: to compare the census data from 1989 and 2002, the number of residents of Tsalka raion was divided by 2.2; that of Dmanisi by 1.8. Even if the official statistics are not entirely trustworthy—it would seem that the numbers are alternately increased or diminished according to political needs—the difference is significant. Additionally, the chaotic movements of migration leave detailed counts almost impossible. It seems that the population of upper Kvemo Kartli is barely 80,000, even though it was more than 150,000 in 1989.

Tsalka: A Destabilized Zone

Another demographic factor that has caused instability in the region is the immigration of Georgian populations in successive waves, generally in depopulated zones, at the end of the 1980s, in 1998, 2002, and 2004. Svans and Ajars come from zones threatened by landslides or are at high risk of being resettled there, especially in Tsalka, in homes left empty by the Greeks.
Controversies have arisen on the real objective of the government. Certain spokespeople of ethnic minorities have seen in it the desire to Georgianize a region that is majority non-Georgian. The authorities advance the argument of the urgency of dealing with the depopulation of the region.

Other than the ethnicizing discourse, it is clear that an arduous fight for the control of resources and the economy of the Tsalka region has been set off between the old and new residents.
The absence of organization that has characterized the process of the implantation of the new arrivals has caused a general fuzziness on questions of property ownership—some have installed themselves in empty houses that still belong to others. The lack of legislation the deployment of security forces has left a place for crime and violence, especially since 2004.

In March 2006, the murder of an Armenian by a Svan in Tsalka provoked intense reaction in Georgia’s Armenian community. A little while earlier, the assassination of a couple of Greeks by Ajars led to a series of settling of accounts between old and new community structures.

At the Margins of Public Attention

These social and community defiances add to the serious problems. These three mountainous districts are among the poorest in Georgia. Near Tsalka, most of the villages have neither running water nor electricity. Crime has long held the region on the sidelines of major political processes, and the lack of knowledge of the Georgian language by ethnic minorities reinforces this political isolation. Even if, under the former President Eduard Shevardnadze, then with the Rose Revolution, the State has little by little re-established its authority over the region, administrations are here largely less transparent than the average for the country.

The geographic carving of Kvemo Kartli has made a particularly artificial region, unbalanced, and therefore difficult to administer. Its lack of coherence isn’t unique in Georgia, but the disparities there are particularly large: between Vazisubani, the difficult suburb of Tbilisi, the large industrial complex Rustavi-Gardabani, the largely Azeri agricultural plain of Marneuli and Bolnisi and the three isolated and multi-ethnic mountainous districts, the social and economic defiances are very different. Ironically, Kvemo Kartli means “lower Kartli,” but three of its districts have some of the most mountainous and rugged terrain in the country. Compared to the highly-populated raions of the plain, these three districts often seem of limited importance to regional political decision-makers.

Another handicap, not any less important, is that the region and its difficulties pass largely unnoticed in the Georgian media and public life. Javakhetia is often pointed to as the example of a poor and isolated region in Georgia.

But this image is often attributed to cover the ethno-political problems that underpin it—a largely Armenian region, it has a Russian military base scheduled to close in 2008; above all, it often overshadows the Tsalka region, in which the difficulties linked to isolation and poverty are more heightened, and which doesn’t have Armenia as a door, like its neighbor.

If Greece exercises its influence so that the rehabilitation projects are done well in Tsalka, the Greek minority has diminished too much for that to have lasting consequences.

Certain Armenian organizations occupy themselves largely with the situation of Armenians in the region, where social tensions often take on an ethnic dimension, but to this day, Javakhetia has mobilized their attention more.

While certain other development projects, like the Millennium Challenge Program, include the mountainous zones of Kvemo Kartli, for the moment, there isn’t any factor that could quickly make the situation evolve. The means and the vision of a comprehensive development plan on the part of the Georgian authorities, and the diverse projects are more often developed on an ad hoc basis.

“In Manglisi, they are lucky that Mr. Bejuashvili (Georgian Minister of Foreign Affairs) is from there,” complains Tsira. “He’s doing good things there. But in my village, we aren’t getting anything at all.”

Die isolierten Bergregionen von Kwemo-Kartli im Stillstand

Artikel erschienen in caucaz.com am 19/03/2007
Von Nicolas LANDRU in Manglissi und Tsalka, übersetzt von Monika RADEK und Nicolas LANDRU














© Nicolas Landru, Straße Tbilissi-Tsalka, in der Nähe von Manglissi

Das weniger als 100 km von Tbilissi entfernte kleine Städtchen Tsalka könnte ein Vorort der georgischen Hauptstadt sein. In der sowjetischen Ära diente es als einer der „Speicher“ der Metropole, der die Versorgung der Hauptstadt mit Milchprodukten und Kartoffeln sicherstellte. In der Bergregion hat der Zerfall der UdSSR jedoch unmittelbar zu einem Ruin der Produktionsstrukturen und einer extremen Verschlechterung der Straßen und Eisenbahnlinien geführt. Das heutige Kwemo-Kartli zählt zu den isoliertesten und am stärksten vernachlässigten Regionen Georgiens und zeugt von einer extremen Desintegration des georgischen Territoriums.

Hinter dem malerischen Dorf Zchneti, das keine 10 km von Tbilissi entfernt liegt, ist die Straße nach Tsalka von Hühnernestern übersät. Eine Teilstrecke wurde jüngst neu gebaut, doch wie so oft in Georgien, wurden die Instandhaltungsarbeiten vernachlässigt, so dass sie erneut zerfällt. Der Asphalt wird mit jedem Kilometer immer dünner, bis er hinter Manglissi, einem ehemaligen Sommerurlaubsgebiet der Tbilissier, nur noch zu erahnen ist. Dahinter wird es sehr abenteuerlich, wenn man sich ohne Geländerwagen auf der steilen Straße – Tsalka liegt auf 1.600 m über dem Meeresspiegel – fortbewegt.

Obwohl bereits in den letzten Jahren zahlreiche Projekte initiiert wurden, die allerdings nicht umgesetzt wurden, soll demnächst ein im Juli 2006 unterzeichnetes Komplettsanierungsprogramm, das von der Weltbank unterstützt wird, realisiert werden. In der Zwischenzeit müsste man, um Tsalka von Tbilissi aus zu erreichen, vom Osten her kommen, wo die Straße zwischen Tetri-Tskaro und Tsalka für den Bau der Pipeline Baku-Tbilissi-Ceyhan (BTC) von der Firma British Petroleum neu asphaltiert wurde. Doch auch dieser Weg verfällt zunehmend in seinen ursprünglichen Zustand. Selbstverständlich sind die Nebenstraßen der Region in einem noch erbärmlicheren Zustand. Einen erkennbaren Fortschritt im Bereich des Transportwesens machen zur Zeit nur die Eisenbahnlinien, die zunächst in Vergessenheit geraten zu sein schienen, im August 2006 jedoch wiedereröffnet wurden. Nachteile hier: die geringe Leistungsfähigkeit und Langsamkeit der Züge.

Zerfall und Leere einer Region

Tsira, 75 Jahre alt, lebt in einem Dorf nahe Manglissi, 7 km von der Straße entfernt. Einmal die Woche läuft sie den Weg zu Fuß, um an der Straße auf ein Auto zu warten, das sie nach Tbilissi mitnimmt. Die öffentlichen Verkehrsmittel sind nahezu verschwunden. Nach Tbilissi fährt sie, um dort Tqemali-Sauce zu verkaufen und auf diesem Weg ihre schmale Rente zu verbessern. Zu Zeiten der UdSSR arbeitete sie in einer Fabrik in Zchneti und pendelte jeden Tag dorthin. Die Fahrt dauerte damals weniger als seine halbe Stunde; heute braucht man für denselben Weg zwei bis drei Mal länger. In diesem so nah an der Hauptstadt gelegenen Distrikt können die Menschen, die auf dem Markt von Tbilissi Lebensmittel verkaufen, dies nur wöchentlich während der Hauptsaison tun und das auch nur, wenn sie einen guten Wagen haben. „Anfang der 1990er Jahre konnten die Griechen nach Griechenland und die Armenier nach Erevan reisen“, erinnert sich Tsira, „doch wir Georgier aus der Region hatten keine andere Wahl als zu bleiben“.

Die Bergdistrikte von Kwemo-Kartli waren nämlich nicht nur von einer Auflösung der Infra- und Produktionsstrukturen betroffen; hinzu kam auch eine massive soziale Zersplitterung des Landes, wie sie woanders kaum zu finden war. Vor 1991 war der Umkreis von Tsalka mehrheitlich von Griechen und Armeniern, der Umkreis von Tetri-Tskaro von Georgiern und der von Dmanissi im Süden von Aserbaidschanern bewohnt. Die Dörfer unterschiedlicher Bewohnergruppen verkehrten miteinander, ohne dass die Kontakte zwischen den Gemeinden besonders eng waren. Auch gab es kaum eine ethnische Vermischung. Der ökonomische Zerfall sowie die Degradation der Straßen haben diesen Umstand noch verstärkt, so dass heutzutage jedes Dorf dazu tendiert, sehr isoliert und auf sich selbst gestellt zu leben.

Die Auswanderung hat die Sozialstruktur der Region stark erschüttert, insbesondere in Tsalka, wo die Situation am gravierendsten ist, wo der massive Weggang der Griechen nach 1991 zu einer Entvölkerung der meisten Dörfer geführt hat. Generell hatten auch die armenischen Gemeinden eine relativ starke Tendenz zur Auswanderung; die Aserbaidschaner ebenfalls, doch in einer weniger massiven Weise, zum Teil, weil sie weniger Zielregionen mit Perspektive zur Verfügung hatten. Selbst die Bevölkerungszahl des mehrheitlich georgischen Umkreises von Tetri-Tskaro hat sich stark verringert.

Die Zahlen sprechen für sich: vergleicht man die Volkszählungen von 1989 und 2002, so hat sich die Bevölkerungszahl des Umkreises von Tsalka fast, in Dmanissi gar mehr als halbiert. Auch wenn die offiziellen Statistiken oftmals nicht zuverlässig sind – es scheint, dass Zahlen je nach politischen Interessen mal höher, mal niedriger angesetzt werden – und die Migrationsströme eine exakte Zählung unmöglich machen, so scheint sich die Bevölkerungzahl von Kwemo-Kartli von gut 150.000 Einwohnern im Jahr 1989 auf knapp 80.000 reduziert zu haben.

Tsalka, eine instabile Region

Ein anderer demographischer Faktor verursachte Instabilität in der Region: die Einwanderung in aufeinander folgenden Wellen – Ende der 1980er Jahre, 1998, 2002 und 2004 – von georgischen Bevölkerungsgruppen vor allem in die entvölkerten Gebiete. Swanen und Adscharen aus Erdrutsch-Katastrophengebieten oder aus Risikozonen wurden dorthin umgesiedelt, besonders nach Tsalka, wo die Griechen leere Häuser hinterlassen hatten.

Es entspannen sich Kontroversen um die Motive der Regierung. Manche Vertreter von ethnischen Minderheiten sahen darin die Absicht, diese Region mit der geringsten Zahl an georgischen Einwohnern zu georgisieren. Die Regierung behauptete, dass Maßnahmen gegen die Entvölkerung der Region besonders dringend wären.

Jenseits der ethnisierenden Diskurse wird deutlich, dass ein Kampf zwischen alten und neuen Einwohnern um die Kontrolle von Ressourcen und wirtschaftlicher Tätigkeit in der Region von Tsalka entbrannte.

Die Abwesenheit einer Ordnung, die den Eingliederungsprozess der Neuankömmlinge charakterisierte, verursachte eine allgemeine Unklarheit in Besitzfragen. Manche zogen in leere Häuser, die noch Anderen gehörten. Der Mangel an Gesetzgebung und an Sicherheitskräften eröffnete vor allem seit 2004 einen Raum für Verbrechen und Gewalt.

Im März 2006 war der Mord eines Armeniers durch einen Swanen in Tsalka Grund für schwere Unruhen innerhalb der armenischen Gemeinde Georgiens. Kurz zuvor wurde ein griechisches Ehepaar von Adscharen ermordet, wonach eine Reihe von Racheakten zwischen alten und neuen Gemeinschaftsstrukturen folgte.

Abseits der öffentlichen Aufmerksamkeit

Zu diesen sozialen und gesellschaftlichen Herausforderungen kommen gewaltige strukturelle Probleme. Diese drei Bergbezirke zählen zu den ärmsten in Georgien. In der Umgebung von Tsalka verfügen die wenigsten Dörfer über fließendes Wasser und Strom. Organisierte Kriminalität hat lange Zeit dazu geführt, dass die politischen Entwicklungen an dieser Region vorbeigegangen sind. Die Unkenntnis der georgischen Sprache unter den ethnischen Minderheiten verstärkt diese politische Isolierung. Auch wenn der Staat, erst unter dem ehemaligen Präsidenten Edward Schewardnadse, und dann infolge der „Rosenrevolution“, seine Herrschaft über die Region langsam wiederhergestellt hat, bleiben hier die Institutionen merklich weniger transparent als im Landesdurchschnitt.

Durch seine geographische Einteilung ist Kwemo-Kartli eine besonders künstliche, unausgeglichene Region, die nur schwer zu verwalten ist. Ein weiterer Nachteil ist die geringe öffentliche und mediale Aufmerksamkeit für diese Region. Als typisch arme und isolierte Region Georgiens wird hingegen oft Dschawachetien dargestellt. Dabei sind, was Isolierung und Armut betrifft, die Schwierigkeiten in der Region Tsalka noch größer.

Obwohl Griechenland Druck ausübt, damit Rehabilitationsprojekte in Tsalka durchgeführt werden, hat sich die griechische Minderheit sich zu stark verkleinert, um einen Erfolg dieser Bemühungen wahrscheinlich zu machen.

Einige armenische Organisationen sind über die Situation der lokalen Armenier besorgt, da die soziale Spannung sehr oft einen „ethnischen“ Aspekt annimmt. Doch hat bisher Dschawachetien ihre Aufmerksamkeit viel mehr auf sich gezogen.

Obwohl manche Entwicklungsprojekte, wie das Millenium Challenge Program, auch die Bergregionen von Kwemo-Kartli betreffen, wurden bisher keine Schritte geplant, die die Situation schnell ändern könnten. Der georgischen Regierung mangelt es noch an Vermögen oder an einer umfassenden Vision für die Entwicklung dieser Region.

„In Manglissi haben sie das Glück, dass Herr Beschuaschwili [der georgische Außenminister, Anm. d. Red.] von dort stammt“, beschwert sich Tsira. „Er macht dort gute Sachen. Aber in meinem Dorf bekommen wir gar nichts.“