dimanche 31 août 2008
La Russie reconnaît l’indépendance de l’Ossétie du Sud et de l’Abkhazie
Cette reconnaissance intervient dix-sept ans après le déclenchement des conflits séparatistes de Géorgie subséquents à la chute de l’URSS et qui sont ensuite restés « gelés » et ponctués d’affrontements limités entre l’armée géorgienne et les milices ossètes et abkhazes. La guerre d’août 2008 a représenté une tentative militaire de Tbilissi de recouvrir son autorité en Ossétie du Sud, contrée par l’intervention de l’armée russe, protectrice officieuse des régimes séparatistes.
Alors que l’armée russe contrait en quelques heures l’offensive géorgienne en Ossétie du Sud, le conflit dégénérait en une invasion russe alors que l’armée géorgienne quittait ses positions préalables pour se replier vers Tbilissi. Les forces russes ont pilonné par voie aérienne différentes infrastructures militaires et civiles à l’intérieur du territoire géorgien, avant de prendre par voie de terre des positions dans le pays bien au-delà des territoires séparatistes.
Les forces russes s’emparaient de la ville de Gori, centre militaire géorgien aux portes de l’Ossétie, de celle de Sénaki, base de l’ouest de la Géorgie aux abords de l’Abkhazie ou du port de Poti, centre névralgique de l’import/export géorgien et premier port du pays. Les forces russes ont subtilisé ou détruit matériel et infrastructures trouvés sur place, alors qu’une partie de la population géorgienne locale a dû fuir vers des zones plus sûres, notamment vers la capitale Tbilissi ou vers les villes de Batoumi et Koutaïssi en Géorgie occidentale.
Des pertes territoriales plus grandes encore pour la Géorgie
En Ossétie du Sud, les zones qui étaient restées aux mains des géorgiens après 1992 ont été prises par l’armée russe ou par les milices sud ossètes. Notamment, la ville d’Akhalgori qui n’avait pas connu le conflit et où Géorgiens et Ossètes continuaient à cohabiter, a été occupée par les milices sud ossètes après le retrait de l’armée géorgienne et la population géorgienne harcelée a en grande partie été contrainte de fuir.
En Abkhazie, la vallée de la Kodori, également aux mains des géorgiens et base stratégique d’une possible attaque sur la république séparatiste, a été prises d’assaut par les forces abkhazes, obligeant la population géorgienne locale à fuir vers Koutaïssi en Géorgie intérieure.
Après une prise de position musclée des pays occidentaux, en particulier des Etats-Unis et de l’OTAN, et la mise en place d’un plan de paix proposé par Nicolas Sarkozy, président de la France et momentanément de l’Union Européenne, le Kremlin acceptait sur le papier de retirer ses troupes du territoire géorgien extérieur aux régions séparatistes.
Après diverses démonstrations de forces et des tergiversations sur le terrain pour retirer ses troupes, la Russie finissait au bout de plusieurs jours par effectuer un retrait progressif des principaux points occupés ; mais les troupes russes patrouilleraient encore dans la ville de Poti.
La victoire militaire russe, suivie d’une démarche officielle du Kremlin pour entériner l’indépendance de l’Abkhazie et de l’Ossétie du Sud, entérine pour la Géorgie la perte de facto de ces territoires, incluant les parties dont elle avait au préalable réussi à garder le contrôle. Mais en outre, comme la Russie a exigé la mise en place d’une zone tampon autour des deux régions séparatistes après le départ de ses troupes, rien n’établi dans quelle mesure Tbilissi pourra récupérer l’intégralité de son territoire hors les régions séparatistes. La superficie de cette zone tampon constitue à présent l’un des points d’achoppement principaux des négociations entre Russie, Géorgie et Occident.
Un tournant dans l’affrontement diplomatique Russie-Occident
La reconnaissance des indépendances abkhaze et sud ossète par Moscou marque un point supplémentaire dans le conflit qui a opposé la Russie non seulement à la Géorgie sur le plan militaire, mais plus encore le camp « OTAN » sur le terrain diplomatique. Après la contre-attaque russe, Washington s’est empressé de marteler l’intégrité territoriale de la Géorgie et a durci le ton envers Moscou.
Un affrontement plus global s’est plus que jamais fait sentir entre une Russie qui tente de rasseoir son autorité sur le terrain colonial qu’elle avait perdu à l’effondrement de l’URSS, et les Etats-Unis qui ont tenté ces quinze dernières années d’établir leur influence aux frontières de l’ancien ennemi, et ce particulièrement en Géorgie. Bien que l’Europe ait clairement pris position contre la violation du territoire géorgien, elle s’est montrée plus nuancée et divisée sur certains points.
La France a tendu vers un alignement sur la position américaine, en reprochant fermement à la Russie de ne pas avoir obtempéré au retrait stipulé par le plan de paix ou en condamnant la reconnaissance des indépendances ; mais Nicolas Sarkozy s’est déclaré défavorable à des sanctions anti-russes et a personnellement tenté la médiation entre les deux camps pendant le conflit.
L’Allemagne, elle aussi partagée entre l’alliance atlantique et des intérêts requiérant des relations cordiales avec Moscou, a quant à elle créé la surprise lorsque, le 17 août, sa chancelière Angela Merkel donnait à son aval pour une entrée prochaine de la Géorgie dans l’OTAN. Au sommet de Bucarest, l’Allemagne avait comme la France refusé à la Géorgie la mise en place du plan d’adhésion ; de plus, la diplomatie allemande avait depuis le début de la guerre pointé également les responsabilités du leadership géorgien.
La Grande-Bretagne ou les nouveaux membres post-communistes de l’UE ont quant à eux adopté une position radicalement opposée à Moscou. La République Tchèque a par exemple appelé à un boycott des prochains jeux olympiques à Sotchi, en Russie.
Alors que la fermeté de Washington face à la Russie est devenue un thème central de la campagne aux élections présidentielles américaines, les attitudes divergentes des pays européens, plus ou moins radicales envers Moscou, laissent peser un doute sur ce qui sera la position officielle de l’UE vis-à-vis du conflit géorgien. Celle-ci sera définie par le sommet de l’Union du 2 septembre. Quoiqu’il en soit, tous les pays occidentaux sont accordés dans une condamnation sans appel de la reconnaissance par la Russie des indépendances de l’Abkhazie et de l’Ossétie du Sud.
Positions invariables à Moscou et à Tbilissi
Le coup de force russe peut être perçu comme une réponse diplomatique musclée face à l’Occident, alors que ce dernier avait utilisé pendant la guerre, comme moyen de pression sur le Kremlin, l’affirmation d’une entrée prochaine de la Géorgie dans l’OTAN. L’argument atlantiste et la confirmation des séparatismes en Géorgie peuvent être mis sur une même échelle, d’autant que Moscou, opposée à l’indépendance du Kosovo, avait utilisé celle-ci ces derniers mois comme exemple de précédent pouvant légitimer les indépendances des séparatistes géorgiens.
Le ton du Kremlin n’a d’ailleurs pas faibli depuis que la communauté internationale occidentale a condamné son coup de force, renvoyant à cette dernière la reconnaissance de l’indépendance du Kosovo ou les interventions militaires en Irak et en Afghanistan pour couper court à ses critiques. Il semble à présent probable que la présence russe soit en train de se renforcer en Abkhazie et en Ossétie du Sud, et rien ne permet de penser qu’une autre forme de compromis reste envisagée.
La Géorgie, qui a bien entendu violemment condamné la reconnaissance de l’indépendance de ses régions séparatistes, a quant à elle rompu ses liens diplomatiques avec la Russie. Elle a aussi durci son régime de visa pour les citoyens russe et appelé la communauté internationale à condamner ce « crime ». Tbilissi avait rejeté, dans le plan de paix proposé par Nicolas Sarkozy, le point qui ouvrait des négociations sur le statut des deux républiques séparatistes, martelant que son intégrité territoriale ne pouvait pas être remise en question. Sur le terrain, le geste radical de Moscou qui s’appuie sur sa victoire militaire semble au contraire dissiper les chances de Tbilissi de pouvoir rétablir, au moins sur le terrain diplomatique, son emprise sur le sort des deux territoires.
Tbilissi, qui voit chaque jour s’éloigner aussi la chance que l’Occident intervienne sur le terrain alors que les tensions diplomatiques ont été revues à la baisse ces deux derniers jours, poursuit néanmoins le combat de l’information. Une virulente campagne anti-russe est en cours dans les médias géorgiens et un blocage des sites internet russes dans le pays est toujours en cours.
mardi 19 août 2008
Attitudes contradictoires de la Russie sur la question du retrait de ses troupes de Géorgie
©REUTERS/Umit Bektas
Le président de la Fédération de Russie Dimitri Medvedev avait assuré le président français Nicolas Sarkozy que les troupes russes entameraient leur retrait du territoire géorgien lundi 18 août à midi. Alors que dans les jours précédents, les russes avaient déjà vaguement parlé de retrait sans concrétiser, Moscou annonçait le départ de ses troupes lundi après-midi. Mais ni les observateurs étrangers ni les autorités géorgiennes ne constataient le moindre départ.
Bien au contraire, des troupes russes défiaient plusieurs fois l’autorité de la police géorgienne dans la journée du 18 août. A Igoéti, à 30km de Tbilissi sur le route venant de Gori, un détachement de blindés russes enfonçait un barrage de police géorgienne et s’avançait plus avant vers la capitale géorgienne. Plusieurs autres incidents se produisaient dans la foulée, un militaire russe a notamment un policier géorgien qui barrait la route à son détachement.
En Géorgie occidentale, les troupes russes semblent plus que jamais tenir leurs positions à Poti et Sénaki et semblent poursuivre leurs actions de destruction des infrastructures militaires géorgiennes. Un journaliste de l’AFP observait des mouvements depuis la base géorgienne occupée de Teklati vers l’Abkhazie, mais aussi en sens inverse.
En revanche, un premier signe de mouvement se produisait à Gori mardi 19 août en début d’après-midi, alors qu’une colonne de blindés se retirait en direction de Vladikavkaz en Ossétie du Nord (Russie). Mais les positions russes à Igoéti, plus proches de Tbilissi, semblent quant à elles avoir été renforcées en début de journée.
Alors que le président russe Dimitri Medvedev, qui avait tout d’abord annoncé un retrait lundi, réitérait ce jour-là pendant sa visite en Ossétie du Nord que la Géorgie serait punie pour ce qu’elle a fait, l’armée russe déclarait mardi qu’elle ne se retirait pas parce que selon elle, la Géorgie aurait violé l’accord de cessez-le-feu en restaurant des « capacités de combat ».
Actes et déclarations russes se suivent et se contredisent, tantôt laissant entrevoir un début de retrait, tantôt l’inverse. Il n’est pas non plus assuré que la prise de décision soit une en Russie et que l’armée suive entièrement les décisions du président Medvedev. L’homme fort du pays, le Premier Ministre Vladimir Poutine, est quant à lui resté discret ces derniers jours, sans trancher entre les attitudes de l’armée et les déclarations internationales du président.
Sur le terrain, l’échange de prisonniers entre Russes et Géorgiens mardi 19 août semblaient annoncer une détente, mais là encore, ce signe était contredit dans la foulée par une déclaration du ministère de la défense géorgienne selon laquelle des soldats géorgiens avaient été faits prisonniers à Poti.
En tous les cas, rien n’indique pour l’heure si la 4ème armée du monde a entamé un réel retrait du territoire géorgien.
L’Occident hausse encore le ton face à la Russie
Une réunion extraordinaire de l’OTAN s’est tenue mardi 19 août à Bruxelles sur décision des 26 ministres des affaires étrangères des Etats membres et à la demande des Etats-Unis. La structure atlantique visait à apporter son soutien à la Géorgie et à formuler pressions et menaces sur la Russie pour qu’elle exécute son retrait.
L’OTAN a réaffirmé son soutien inconditionnel à l’intégrité territoriale de la Géorgie et a fortement enjoint la Russie à respecter ses engagements. Le secrétaire général de l’OTAN Jaap de Hoop Scheffer a déclaré qu’aucun Conseil OTAN-Russie ne sera tenue tant que le territoire géorgien sera occupé, sans cependant remettre en cause l’existence de ce conseil. Les ministres des affaires étrangères décidaient par ailleurs qu’une commission OTAN-Géorgie allait être créée, sur le modèle de la commission OTAN-Ukraine. Une telle commission vise à renforcer les liens entre la structure atlantique et la Géorgie.
La secrétaire d’Etat américaine Condoleeza Rice déclarait clairement lors de cette rencontre que l’Ukraine et la Géorgie deviendront des membres de l’OTAN. Cette déclaration représente une menace directe aux intérêts russes qui s’opposent à l’intégration atlantique de ces deux pays et entérinent une escalade supplémentaire dans l’affrontement américano-russe à travers la guerre de Géorgie.
lundi 18 août 2008
Les forces russes sont-elles vraiment sur le départ de Géorgie, comme l’annonce le Kremlin ?
L’occupation russe se prolonge
L’armée russe continue d’occuper des positions significatives en Géorgie, cependant que les dirigeants russes, ces derniers jours, tergiversaient sur la question d’un retrait. La ville de Gori, à quelques kilomètres de la zone de conflit sud ossète, est clairement investie par l’armée russe. Le général russe qui commande la position à Gori, Viatchislav Borisov, semble même investir son rôle comme si la ville était en territoire russe. Ce week-end, il s’affichait à l’église aux côtés des habitants qui n’ont pas fui à Tbilissi ; il recevait un convoi humanitaire dirigé par le patriarche de l’église orthodoxe géorgienne comme s’il lui rendait visite. « Nous avons pour mission de garder la paix », indique le général aux journalistes internationaux.
Les déclarations du Kremlin à ce sujet restent généralement vagues ; il a été question tour à tour d’évacuer les troupes, de rester pour des raisons de sécurité, puis de retirer les troupes de combat pour faire place à des gardiens de la paix russe. Alors que Dimitri Medvedev a annoncé un retrait des troupes pour lundi 18 à midi, les militaires de Gori ne parlent d’aucune prévision d’évacuation. La situation est moins claire encore en Géorgie occidentale, beaucoup moins au centre des caméras du monde entier et dont la Géorgie orientale et Tbilissi sont coupées par l’occupation de Gori et la destruction des infrastructures par les russes. La Mingrélie, dont les villes stratégiques de Poti, Sénaki et Zougdidi sont toujours occupées et aucun signe ne laisse entrevoir un retrait imminent. Les russes ont également pris le contrôle de la centrale hydroélectrique de la rivière Ingouri, « pour la sécurité de l’approvisionnement en électricité de l’Abkhazie et de la Géorgie ».
Ces derniers jours, les militaires russes ont mené une série d’opération visant à détruire les infrastructures géorgiennes. Ils ont fait sauter la principale ligne de chemin de fer Tbilissi-Batoumi ; la route principale Tbilissi-Batoumi est quasiment impraticable et gardée par des chars russes au niveau de Gori, le pays étant par là même coupé en deux. Ce dernier point est d’ailleurs fort préoccupant pour la santé du pays, alors que les importations turques, jusqu’alors capitales dans l’économie géorgienne, ne peuvent être acheminées à Tbilissi. Farine, denrées alimentaires, vêtements, des produits capitaux pourraient rapidement venir à manquer dans la capitale, alors qu’ils manquent déjà dans des zones occupées comme la ville de Gori.Le matériel géorgien militaire et policier des zones occupées, souvent américain et de bien meilleure qualité que l’équipement russe, a quant à lui été en grande partie subtilisée, des chaussures de soldats aux machines de guerre.
De tels signes laissent à penser que les forces russes cherchent à endommager le plus possible non seulement la force militaire, mais aussi les infrastructures et l’économie de la Géorgie avant d’envisager un retrait réel. Quant à leur maîtrise des régions séparatistes, elle est à présent totale, puisque la dernière enclave géorgienne en Abkhazie a été prise et que tous les Géorgiens qui vivaient en Ossétie du sud ont été chassés en même temps que les soldats qui tenaient les zones où ils vivaient. Qu’il découle d’un ordre officiel ou de la décision d’un soldat, le fait que des journalistes internationaux aient été refoulés au check point d’Ossétie du Sud parce qu’ils n’avaient pas de visas russes est révélateur.
En tous les cas, la situation pour la Géorgie empire de jour en jour alors que le nombre de personnes déplacées s’évalue à présent à 88 000 personnes. La capitale Tbilissi tente tant bien que mal de gérer ce flot, avec l’aide des organisations humanitaires internationales. Quant aux zones où la guerre a fait rage, qui sont plus où moins sous contrôle russe à ce jour, elles connaissent une situation humanitaire particulièrement difficile. A Gori, on a pu observer des femmes se battant pour des paquets de riz délivrés par l’aide humanitaire. Des bandes armées, qui sont apparemment des groupes paramilitaires nord caucasiens dans la plupart des cas, ont été recensées pillant des villages en Géorgie en en Ossétie du Sud. Dans cette dernière zone, où l’acheminement de l’aide humanitaire est plus difficile qu’en Géorgie proprement dite, la présence de l’armée russe ne semble pas assurer de sécurité. Beaucoup d’Ossètes ont quitté leurs villages et trouvé refuge en Russie, en Ossétie du Nord ou en Kabardino-Balkirie. Des observateurs ont remarqué que leurs maisons ont fait l’objet d’un pillage systématique de groupes organisés venus du nord –notamment des Kabardes, des Tchétchènes ou des Ingouches semble-t-il.
L’Occident exige le départ des troupes russes
Alors que l’occupation russe semble bel et bien se prolonger au gré des tergiversations du Kremlin, le ton des Occidentaux est monté ce Week-End. La chancelière allemande Angela Merkel a demandé à Dimitri Medvedev un retrait immédiat des forces russes de Géorgie, lors de sa visite à Moscou. Le président français Nicolas Sarkozy a dimanche 17 août exigé de Medvedev un retrait lors d’une conversation téléphonique. Et la Maison Blanche poursuit ses menaces verbales sur le Kremlin.
Peut-être cette attitude peu transparente de la Russie commence-t-elle à jouer en sa défaveur auprès de la communauté internationale. Les conseillers d’Angela Merkel avaient annoncé qu’elle serait très critique envers Mikhaïl Saakachvili lorsqu’elle lui rendrait visite à Tbilissi. Mais lors de cette visite dimanche 17 août, elle réitérait surtout ses pressions sur le Kremlin et assurait au président géorgien que l’intégration de la Géorgie à l’OTAN était toujours à l’ordre du jour.
Le Kremlin a annoncé un retrait organisé pour le lundi 18 août à midi ; la porte-parole des autorités sud ossètes, Irina Gogloeva, a déjà assuré que la police ossète avait remplacé le commandement russe à Tskhinvali. Les forces géorgiennes reprendront-elles aussi rapidement le contrôle d’un territoire géorgien qu’elles ont en grande partie déserté sans combattre pour le prévenir d’une invasion ? Ni l’attitude de la Russie ces derniers jours ni même l’attitude du leadership géorgien, qui s’est enfermé dans une position passive d’attente intégrale d’une aide occidentale ne permettent de le dire.
vendredi 15 août 2008
Sortie de crise en Géorgie sur fond de tension diplomatique accrue
Les Etats-Unis ont nettement durci leur ton à l’égard de la Russie, tout en se positionnant clairement comme les défenseurs de la Géorgie. La Secrétaire d’Etat américaine, Condoleeza Rice, qui s’est rendue à Tbilissi le 15 août pour rencontrer le président géorgien, a de nouveau évoqué les évènements de 1968, lorsque l’Union Soviétique intervenait directement en Tchécoslovaquie pour rétablir son ordre. Rice déclarait que le contexte actuel était différent et que les Etats-Unis ne permettraient pas à la Russie de se comporter de la même manière en Géorgie.
Le président américain George W. Bush a accusé la Russie de « brimer » et d’ « intimider » la Géorgie. La Maison Blanche a à plusieurs reprises martelé que l’ « invasion » russe en Géorgie avait endommagé la crédibilité internationale du Kremlin et devait fortement détériorer les relations russo-américaines. Toujours dans un logique d’alliance qu’on a qualifiée de « néo guerre froide », la Pologne a signé un traité avec les Etats-Unis pour installer sur son territoire un système anti-missile.
Le président russe Dimitri Medvedev, alors qu’il recevait la chancelière allemande Angela Merkel, rétorquait que la Russie aurait de nouveau la même réponse si ses gardiens de la paix étaient de nouveau agressés. Il remettait également en cause le fait que les peuples séparatistes puissent, après ces évènements, accepter un jour de revivre sous domination géorgienne. Ces derniers jours, Moscou renvoyait systématiquement la balle à Washington, en déclarant que les Etats-Unis étaient prêts à déclarer des guerres au Moyen-Orient pour défendre quelques uns de leurs soldats et ne s’en outraient pas. Medvedev considérait aussi le traité anti-missile entre la Pologne et les Etats-Unis comme une menace directe pour Moscou.
Alors qu’Angela Merkel condamnait également le comportement russe, la Russie semble être diplomatiquement isolée par un Occident qui s’est plus empressé de condamner la violation du territoire géorgien par l’armée russe que le déclenchement de la guerre par Mikhaïl Saakachvili.
Ce dernier, lors de sa rencontre avec Condoleeza Rice à Tbilissi, a annoncé qu’il avait signé le cessez-le-feu « avec l’occupant russe », ce qui ne devait nullement signifier que la Géorgie renonçait à l’Abkhazie et à l’Ossétie du sud. Dans un discours qui accablait Moscou, il allait même jusqu’à jeter une responsabilité des évènements sur l’Occident, puisque ce dernier avait récemment refusé à la Géorgie le processus d’intégration à l’OTAN.
Alors que la rhétorique se durcit entre les deux grandes puissances qui soutiennent les acteurs caucasiens, la situation sur le terrain n’est pas rassurante malgré l’avancée du plan de paix. Ces derniers jours, la région environnant la zone de conflit était en proie au chaos et aux exactions de criminels armés. Les médias russes montrent des bandits géorgiens pillant des villages ossètes, les médias occidentaux des miliciens ossètes commettant toute sorte d’exactions en Kartlie. Le média britannique Skynews rapportait même qu’une de ses équipes s’est faite racketter à Gori.
Les organisations humanitaires et des droits de l’homme, qui depuis l’acceptation du plan de paix le 13 août peuvent opérer dans les régions touchées par la guerre, font état d’une situation humanitaire préoccupante. Non seulement la sécurité est quasiment nulle là où la guerre a fait rage, mais cette dernière a créé des cohortes de personnes déplacées. Les chiffres sont difficiles à établir, mais il semble que quelques 40 000 habitants de Gori ont fui vers Tbilissi ; 15 000 Géorgiens habitant des villages d’Ossétie du Sud ont dû abandonner leurs maisons avec la victoire de l’armée russe et se trouvent actuellement dans la capitale géorgienne. En Géorgie occidentale, quelques 3000 habitants de la vallée de la Kodori prise par les Abkhazes se sont réfugiés à l’intérieur du pays, de même qu’un nombre incertain de Mingréliens habitant la région qui borde l’Abkhazie. Si les autorités géorgiennes s’efforcent de placer ces personnes dans des cliniques, des écoles ou des sanatoriums, les moyens mis en place pour les aider sont largement insuffisants.
Côté ossète, on estime à 30 000 environs le nombre de personnes ayant cherché refuge en Ossétie du Nord (Fédération de Russie), soit près de la moitié de la population de la république séparatiste. Les moyens mis en places pour les aider seraient également fort précaires, alors qu’une grande partie du territoire de l’Ossétie du Sud est encore en état d’insécurité maximale et interdit tout retour des déplacés.
Quant à un bilan humain de la guerre, il semble encore trop tôt pour en établir un. La Russie a parlé de 1600 victimes civiles parmi les Ossètes tombés principalement le jour de l’offensive géorgienne. L’organisation des droits de l’homme Human Rights Watch, qui tente actuellement d’évaluer les pertes humaines, pense cependant que ce chiffre est largement exagéré. La Géorgie déclare quant à elle 175 morts et des centaines de blessés, dont l’immense majorité seraient des civils. L’état-major russe a déclaré 74 morts parmi ses soldats, plus 19 disparus et 171 blessés.
Alors que l’heure est au premier bilan, des informations contradictoires ne cessent de circuler sur la situation militaire en Géorgie et en Ossétie du Sud. Tbilissi accuse Moscou de continuer des manœuvres militaires et d’organiser une destruction systématique des infrastructures militaires géorgiennes. Aux alentours de Gori, un convoi militaire russe menant des opérations de descriptions a été observé jeudi et vendredi 15 août par des journalistes d’AP et d’AFP. Le contrôle de Gori a été à plusieurs reprises alternativement attribué aux forces russes et à la police géorgienne, les deux camps revenant parfois sur leurs déclarations. Il semblerait qu'en réalité, la ville soit encore sous contrôle russe, comme le montrent les images d'un convoi humanitaire accompagné du patriarche de l'église géorgienne Ilia II.
La situation sur le terrain est confuse et chaotique, ce qui n'est pas sans ouvrir le champ aux arguments diplomatiques, aux supputations et aux menaces. Depuis Tbilissi, Condoleeza Rice a de nouveau ordonné aux autorités russes de retirer leurs forces armées du territoire géorgien.
mercredi 13 août 2008
La Géorgie accepte à un point près le plan de paix présenté par Nicolas Sarkozy
©REUTERS/David Mdzinarishvili
Le président français Nicolas Sarkozy, représentant la présidence de la France à l’Union Européenne, s’est rendu à Tbilissi le 12 août en fin de journée, après avoir obtenu à Moscou l’acceptation russe d’un plan de paix en six points. Le président géorgien Mikhaïl Saakachvili acceptait à son tour ce dernier plan, en émettant toutefois quelques réserves.
Le sixième point du plan a notamment été rejeté ; il stipulait que des négociations seraient ouvertes sur le statut des républiques séparatistes. Selon le président géorgien, ce dernier point était ambigu et laissait libre cours à différentes interprétations, dont certaines pouvaient remettre en cause l’intégrité territoriale de la Géorgie qu’il considère inaliénable.
Les cinq autres points ont été acceptés comme tels :
-Non utilisation de la force par toutes les parties engagées : Géorgiens, Russes, Ossètes, Abkhazes.
-Cessation des hostilités ; ce point est provisoire mais devra être rendu permanent, selon Nicolas Sarkozy
-Libre accès aux zones de combats pour l’aide humanitaire et réponse aux besoins des personnes déplacées
-Côté géorgien, retour des forces armées aux positions initiales, dans leur zone habituelle de cantonnement. Les Russes doivent quant à eux retirer leurs troupes de la région. Ceci s’applique aux forces supplémentaires amenées par les Russes après le déclenchement des hostilités, les forces du maintien de la paix russes resteront quant à elles dans la région, du moins pour le moment
-Les forces du maintien de la paix russes prendront toutes les mesures de sécurité nécessaires avant la mise en place des mécanismes internationaux. Le président géorgien a interprété ce point comme une assurance que l’opération de maintien de la paix dans la région sera internationalisée.
Nicolas Sarkozy aurait eu plusieurs entretiens téléphoniques avec son homologue russe durant son entrevue avec Mikhaïl Saakachvili, et Dimitri Medvedev aurait accepté l’écartement du sixième point. « J’ai l’accord de tous les protagonistes », a assuré le président français. Les deux camps n’ont toutefois pas encore signé le document, qui sera présenté au conseil des ministres de l’Union Européenne à Bruxelles, avant d’être proposé comme « texte-cadre » pour une résolution de l’ONU.
Bien que le secrétaire général de l’OTAN, Jaap de Hoop Scheffer, ait affirmé que les perspectives d’adhésion de la Géorgie à l’Alliance Atlantique sont maintenues, on peut s’interroger sur le réel crédit que la communauté internationale laisse au régime de Mikhaïl Saakachvili après qu’il ait frisé une catastrophe militaire et diplomatique.
Faisant un bilan de cette guerre de 5 jours, l’entourage de Nicolas Sarkozy a affirmé que le président géorgien a « joué et perdu », étant « tombé dans un piège grossier » en lançant son offensive en Ossétie du Sud.
La Maison Blanche, qui soutient toujours son allié géorgien, tente quant à elle de sanctionner la Russie pour son intervention militaire en Géorgie. Condoleeza Rice, la secrétaire d’Etat des Etats-Unis, a déclaré que Moscou avait mis en péril l’intégration de la Russie aux structures internationales. Washington a en outre annulé un exercice militaire russo-américain qui devait être exécuté dans la mer du Japon du 15 au 23 août.
Les leaders des Pays Baltes, de la Pologne et de l’Ukraine, alliés à la Géorgie depuis plusieurs années dans son opposition au Kremlin, ont quant à eux appelé l’Occident à un plus fort soutien à Tbilissi, où ils se sont rendus le 12 août.
Sur le terrain, il semble que les hostilités soient en voie de cessation complète, alors que les forces russes se sont retirées du port de Poti dans la nuit du 12 au 13 août, non sans avoir coulé plusieurs navires géorgiens. Par ailleurs, aucune altercation majeure n’a apparemment eu lieu cette nuit là, malgré quelques tirs recensés aux alentours de la zone de conflit d’Ossétie du Sud.
La Géorgie et la Russie ont toutes deux proclamé la journée du 13 août « jour de deuil » pour les victimes du conflit, alors qu’elles proclamaient séparément un cessez-le-feu.
mardi 12 août 2008
Nicolas Sarkozy obtient de Dimitri Medvedv la signature d'un "plan de paix" en 6 points
-Un cessez-le-feu, ne pas recourir à la force
- Mettre un terme aux opérations militaires
- Mise en place d’un corridor humanitaire pour permettre de venir en aide aux victimes civiles en Ossétie du Sud.
- Retour des forces géorgiennes à leur cantonnement initial
- Retour des forces russes à leurs positions d’avant le lancement des hostilités
- Ouverture de négociations internationales sur le statut des républiques séparatistes. La décision sur le sort de ces dernières est donc remise à plus tard
Dimitri Medvedev a accepté ce plan de paix. La Russie reconnaît par ailleurs la souveraineté de la Géorgie, alors que Dimitri Medvedev a confirmé que la Russie ne comptait pas rester sur son territoire. Selon le président russe, tout dépend actuellement de Tbilissi.
Au soir du 12 août, Nicolas Sarkozy se rend à Tbilissi pour présenter le plan de paix et convaincre le président géorgien Mikhaïl Saakachvili d’y sous signer.
Les Abkhazes reprennent contrôle de la vallée de la Kodori
Après un déni, le gouvernement géorgien a annoncé vers 16h00 que ses troupes ont effectivement quitté la vallée.
La vallée de la Kodori était la seule partie de l’Abkhazie que le gouvernement géorgien avait réussi à maintenir sous son contrôle et représentait une clé stratégique majeur dans le conflit qui oppose Tbilissi aux territoires séparatistes.
Avec la perte de cette vallée, toute l’Abkhazie est virtuellement hors de contrôle des autorités géorgiennes. Ce qui représente un revers important pour l'armée géorgienne, après sa débacle de l'Ossétie du Sud et son absence lors de l'avancée russe en Géorgie occidentale.
Moscou dit arrêter la guerre, Sarkozy s’en félicite, Tbilissi récuse
Le président russe Dimitri Medvedev a annoncé officiellement qu’il avait ordonné à son état-major d’arrêter ses opérations militaires en Géorgie. « L’agresseur a été puni », a déclaré Medvedev. L’état-major russe a annoncé que l’armée arrêterait sa progression, mais resterait sur les positions qu’elle occupe maintenant.
Accusant les forces géorgiennes de continuer à tirer en Ossétie du Sud, Moscou dit ne vouloir signer un cessez-le-feu que lorsque le côté géorgien aurait donné toutes les garanties qu’il cessera toute violence.
Bien qu’il dénie vouloir renverser le régime géorgien, le Ministère des Affaires Etrangères russe a déclaré ne pas vouloir avoir Mikhaïl Saakachvili comme interlocuteur, et M. Lavrov a refusé de s’entretenir avec lui. Le Kremlin a dans la foulée fait savoir que la situation s’améliorera si Saakachvili n’est plus au pouvoir.
Le côté géorgien a lui déclaré que les forces russes poursuivent des attaques aériennes sur des cibles civiles, malgré les déclarations du président russe. Par ailleurs, alors que les forces de la république séparatiste abkhaze a lancé une offensive sur les positions géorgiennes dans la vallée de la Kodori, un observateur aurait vu un important détachement de tanks russes se diriger dans cette direction.
Le président géorgien Mikhaïl Saakchvili, dans une adresse en public à la nation alors que la foule de Tbilissi manifestait sa joie à la nouvelle d’une fin du conflit, a déclaré que l’Ossétie du Sud et l’Abkhazie sont des territoires occupés et que la guerre ne serait réellement terminée que lorsque le dernier occupant en serait parti. Lors de sa conférence de presse, il a également énuméré les opérations militaires russes qu’il dit encore être en cours, a pointé une attaque réitérée sur le pipeline BTC, a évoqué la mort d’un journaliste néerlandais lors du bombardement de Gori du 12 août au matin.
Mikhaïl Saakachvili ajoutait que la Géorgie quitterait la Communauté des Etats Indépendants, en signe de protestation face à « ceux qui veulent restaurer l’Union Soviétique ».
Le Premier Ministre géorgien Lado Gourguénidzé a quant à lui déclaré qu’il voulait plus d’évidence d’un cessez-le-feu russe et restait « prêt à tout » jusqu’à ce que Moscou ait signé un traité de paix.
Le président français Nicolas Sarkozy, présent à Moscou pour tenter une médiation de la guerre, a déclaré que le président Medvedev confirmait une bonne nouvelle, et que le cessez-le-feu devait prendre forme de manière concrète. Il a enjoint les parties à dresser un calendrier et à reprendre les positions tenues avant le début du conflit armé.
Le président russe ordonne la fin de la guerre en Géorgie
Cet ordre intervient quelques minutes avant que le président français Nicolas Sarkozy devait rencontrer son homologue russe au Kremlin pour tenter une médiation au conflit.
L'état major russe en Ossétie du Sud a immédiatement déclaré qu'il retirerait des troupes de la région s'il y avait un cessez-le-feu.
Le parti russe a signifié qu’il accepterait un plan de paix uniquement si les troupes géorgiennes n’étaient pas inclues dans un plan de maintien de la paix à l’avenir.
Fausse alarme à Tbilissi : les forces russes restent largement cantonnées aux républiques séparatistes
Le président américain George W. Bush avait confirmé ces informations préoccupantes pour les Géorgiens en disant que « la Russie a envahi un Etat voisin souverain et menace un gouvernement démocratique élu par le peuple ».
Dans la foulée, les représentations étrangères en Géorgie faisaient pour la plupart évacuer leurs ressortissants. Plusieurs avions chargés de citoyens étrangers arrivaient hier soir de Géorgie en Arménie, à Erévan et à Gyumri. Le gouvernement arménien a par ailleurs contesté l’information selon laquelle ses spécialistes militaires américains seraient arrivés en Arménie.
Pourtant, alors que la capitale géorgienne était prise de mouvements de panique, les autorités russes annonçaient un plus tard que leurs forces n’avaient jamais tenu Gori, et qu’elles s’apprêtaient à se retirer de Sénaki en Mingrélie, alors que l’objectif de leur opération dans cette ville avait été atteint.
Le mouvement de panique à Tbilissi prenant des proportions préoccupantes, certains essayant même de fuir la ville, Mikhaïl Saakachvili effectuait une seconde intervention télévisée aux alentours de 23h00 pour appeler les Tbilissiens au calme. Il précisait que Tbilissi n’encourait aucun danger d’attaque dans la nuit et confirmait que les Russes s’étaient retirés de Sénaki. Il s’efforçait aussi d’être rassurant en promettant que si la capitale encourait un danger, les habitants seraient prévenus 12 heures auparavant.
Le démenti des informations initiales du gouvernement géorgien se confirme le 12 au matin, alors que plusieurs journalistes indépendants informent que l’armée russe n’est apparemment jamais entrée dans Gori. L’annonce d’invasion généralisée semble bien avoir été une manœuvre de bluff des autorités géorgiennes.
Si les troupes russes restent majoritairement cantonnées au territoire des deux républiques séparatistes, les hostilités n’ont pas cessé pour autant. Un nouveau bombardement de la ville de Gori semble s’être confirmé mardi matin, faisant au moins cinq morts.
lundi 11 août 2008
Les forces russe occupent Gori, selon le camp géorgien
Le ministère de la défense russe a cependant démenti cette information.
Les troupes venues d'Abkhazie auraient quant à elles franchi la ville de Sénaki et se dirigeraient vers la ville de Koutaïssi.
L'armée russe envahit le territoire géorgien au-delà des républiques séparatistes
Après s’être emparées de la ville évacuée de Zougdidi, les forces russes avancent en direction de Sénaki, en position avancée à l’intérieur du territoire géorgien.
En Ossétie du Sud également, des blindés russes ont franchi la frontière pour marcher en direction de la ville de Gori, où les deux armées se livreraient actuellement bataille.
L’armée géorgienne a par ailleurs annoncé se replier en direction de Tbilissi, après avoir apparemment renouvelé des attaques sur l’Ossétie du Sud.
Les pays occidentaux appellent la Russie à un cessez-le-feu immédiat, mais cette dernière a accusé la Géorgie de ne pas avoir observé le cessez-le-feu qu’elle-même proposait. Simultanément, les représentations internationales font évacuer leurs ressortissants de Tbilissi.
Le double mouvement de l’armée russe, qui pénètre en territoire géorgien sur les deux fronts à la fois, marque le début d’une réelle invasion de la Géorgie par la Russie qui semble bien décidée à atteindre Tbilissi.
Catastrophe humanitaire en Ossétie du Sud : Blessés, Morts et Réfugiés
Guerre en Géorgie : la Géorgie appelle au cessez-le feu, la Russie démentit un « plan d’invasion » mais continue de bombarder (11 août au matin)
Gori bombardée, © Leli Blagonrarova
Depuis le retournement militaire en défaveur des Géorgiens en Ossétie du Sud, au terme de la journée du 9 août, les autorités du pays tentent de désengrener la situation pour faire face à une Russie qui a déployé d’importants effectifs dans les deux républiques séparatistes et bombarde régulièrement des cibles stratégiques un peu partout en Géorgie intérieure. Le président géorgien Mikhaïl Saakachvili a par deux fois appelé la Russie à un cessez-le-feu. Les autorités du pays tirent l’alarme d’une « invasion russe », autant par leurs appels à l’aide auprès de la communauté internationale que par les messages qu’elles envoient auprès de sa population.
Ceci marque un tournant par rapport au terme du 9 août, deuxième jour après l’offensive géorgienne en Ossétie du Sud, où les médias nationaux véhiculaient encore l’information que les troupes géorgiennes tenaient Tskhinvali. Dans la matinée du 10 août, Tbilissi reconnaissait que les Russes maîtrisaient la capitale sud ossète et annonçait son retrait des troupes du territoire sud ossète, ce qui représente l’une des conditions mises en avant par la Russie pour qu’elle cesse sa contre-offensive. Peu après, une allocution télévisée prévenait les citoyens d’une invasion imminente en Géorgie occidentale et les enjoignait à se battre jusqu’au bout. La ville de Zougdidi, en première ligne après la frontière de l’Abkhazie, a été évacuée et serait quasiment vidée de ses habitants. La ville de Gori, qui a subi des bombardements civils le 9 août, serait aussi quasiment vide, alors que l’aviation russe y aurait lâché de nouvelles bombes le 11 au matin.
Char russe dans Tskhinvali détruite ©ASSOCIATED PRESS/RTR Russian Channel
La « course à la guerre et à la paix » s’est jouée dans la journée du 10 août autour de la question de la présence géorgienne sur le territoire sud ossète. Tbilissi annonçait à plusieurs reprises que son armée avait évacué ce dernier et repris ses positions initiales ; en soirée, les autorités faisaient même savoir qu’elles renonçaient à utiliser la force. Cependant, la Russie n’a cessé de déclarer que la Géorgie avait encore des effectifs en Ossétie du Sud et poursuivait des attaques. La seconde exigence du Kremlin pour qu’il accepte de cesser son action militaire, c'est-à-dire que la Géorgie signe un traité de non agression envers l’Ossétie du Sud, n’a pour l’instant pas été relevée par Tbilissi.
Sur le plan militaire, les données en Ossétie du Sud sont difficiles à établir ; il semble cependant que la Russie ait acheminé quelques 6000 hommes depuis l’Ossétie du Nord (Fédération de Russie), qui auraient pris position face à la Géorgie intérieure. Il semble également acquis que les forces russes maîtrisent Tskhinvali et l’ensemble du territoire sud ossète. L’armée géorgienne se serait repliée sur la ville de Gori, autour de laquelle elle aurait adopté des positions défensives.
Dans l’intervalle, un deuxième front s’est ouvert dans la deuxième république séparatiste, l’Abkhazie, dans une logique russe d’encerclement. Moscou aurait acheminé 4000 hommes par la Mer Noire ; les autorités Abkhazes ont annoncé avoir dépêché 1000 hommes en direction de la vallée de la Kodori, seule partie de l’Abkhazie tenue par les Géorgiens. Tbilissi a déclaré plusieurs fois avoir subi des attaques à Kodori. Toujours d’après Tbilissi, la flotte russe a mis en place un blocus du Port de Poti, le plus grand port géorgien, pour empêcher l’approvisionnement du pays en armes et en céréales. Un navire militaire géorgien aurait également été coulé par les torpilleurs russes. L’aviation russe a quant à elle poursuivi ses actions ciblées dans la journée du 10 août, visant notamment l’aéroport militaire de Tbilissi ainsi qu’une usine d’aviation attenante. Elle semble aussi avoir assez intensément bombardé la Mingrélie, région géorgienne frontalière de l’Abkhazie, notamment la ville de Zougdidi et des villages frontières. Mais il ne semble pas que ces actions aériennes aient entraîné d’importantes pertes humaines.
Le 11 août au matin, la Russie semble poursuivre son action militaire de menace, faite d’un encerclement par voie de terre et de mer et de bombardements par voie aérienne, sans pour autant lancer l’invasion redoutée par Tbilissi. Dans la nuit, deux bombes étaient larguées sur la capitale géorgienne, l’une touchant une station radar, l’autre dans une zone inhabitée. La base militaire de Sénaki en Mingrélie, le terrain d’aviation militaire de Dédoplitskharo en Kakhétie, d’autres infrastructures militaires en Adjarie, ainsi que le centre de Gori vidé de ses habitants ont également été bombardés. Les autorités géorgiennes ont décelé en tout 50 bombardiers russes volant dans l’espace aérien de la Géorgie dans la nuit du 10 au 11 août.
Les forces russes enregistraient quant à elles une reprise de confrontations armées sur le territoire sud ossète. Si les autorités russes ont pour l’instant nié tout « plan d’invasion » de la Géorgie, aucun pas vers une acceptation du cessez-le-feu proposé par Tbilissi n’est décelable.
Entre 5 et 8 heures du matin, l’armée russe a adressé un ultimatum à la Géorgie en Abkhazie, exigent qu’elle retire ses forces armées du no man’s land qui sépare les territoires contrôlés par les milices séparatistes de la Géorgie intérieure. Tbilissi a rejeté cet ultimatum ; la réponse de Moscou est encore à attendre.
Du côté de Washington, qui tente de soutenir son allié, le ton est monté vis-à-vis du Kremlin. Le président George W. Bush affirme avoir dit personnellement au Premier Ministre russe Vladimir Poutine que cette violence était inacceptable. La diplomatie américaine qualifie la réaction russe de disproportionnée, montrant l'énorme déséquibilre existant entre forces armées russes et géorgiennes. Elle accuse aussi le Kremlin de planifier un changement de régime à Tbilissi, ce que Moscou a démenti. La Maison Blanche a également menacé le Kremlin d’un sérieux endommagement des relations russo-américaines si toute nouvelle escalade côté russe venait à se produire. Le Kremlin a de son côté accusé la Géorgie d'avoir perpétré un génocide en Ossétie du Sud et promet de réunir des preuves à cet effet et de prendre les dispositions internationales conséquentes.
La réaction de la communauté internationale fait quant à elle son chemin pour tenter de mettre en place une médiation entre les deux camps. Le Ministre des Affaires étrangères français, Bernard Kouchner, est arrivé le 10 août au soir à Tbilissi aux côtés de son homologue finlandais Alexander Stubb. Représentant respectivement l’UE et l’OSCE, ils ont mis en avant un plan de sortie de crise, qu’ils iront présenter à Moscou dans la journée du 11 août. Ce plan consiste principalement à un arrêt des hostilités et un retour aux positions antérieures au 7 août. Le président Mikhaïl Saakachvili a annoncé le 11 août avoir signé un cessez-le-feu en présence des MAF français et finlandais. Nicolas Sarkozy devrait se rendre à Moscou mardi.
Avant qu’une réelle médiation de conflit ne soit mise en place par la communauté internationale, il est difficile à dire dans quelle direction la situation militaire évolue. Il semble que la Russie tienne à maintenir sa pression sur Tbilissi et à obtenir de meilleures positions militaires aux frontières entre les deux républiques séparatistes et la Géorgie proprement dite, mais aucun signe de préparation d’une offensive générale ne s’est encore fait sentir.
dimanche 10 août 2008
Guerre en Géorgie : l’invasion russe se confirme
©REUTERS/Denis Sinyakov
Le 9 juillet, la confrontation militaire en Ossétie du Sud a rapidement tourné en défaveur de l’armée géorgienne. En fin de journée, les autorités géorgiennes, relayées par les médias nationaux, affirmaient tout comme le Kremlin tenir Tskhinvali et la majorité du territoire sud ossète. Pourtant, il semblait le 9 en fin de journée acquis qu’en réalité la contre-offensive de l’armée russe et notamment le parachutage d’un grand nombre d’hommes dans Tskhinvali ait rapidement repoussé les troupes géorgiennes au sud de la capitale sud ossète. Le Ministère de la Défense russe déclarait que Tskhinvali avait été « libérée » et la télévision russe diffusait des images de la ville vide de soldats géorgiens.
Dans l’intervalle, le président géorgien Mikhaïl Saakachvili déclarait officiellement la guerre à la Russie et imposait la loi martiale par décret approuvé par le parlement. Moins d’une heure après, il demandait un cessez-le-feu au président russe Dimitri Medvedev. Cette demande a été relayée par George W. Bush dans une déclaration faite depuis Pékin. Le président américain appelle la Russie à cesser ses bombardements et à revenir au statu quo du 6 août. Demande rejetée par Moscou.
Simultanément à la progression des troupes russes sur le terrain, la rhétorique des dirigeants du Kremlin se durcissait. Le Premier Ministre russe Vladimir Poutine, arrivé à Vladikavkaz en Ossétie du Nord (Fédération de Russie), a quant à lui confirmé qu’il considérait les opérations russes sur le territoire géorgien comme pleinement légitimes. Il a aussi affirmé que la Géorgie avait par son action en Ossétie du Sud porté un coup à sa propre intégrité territoriale et endommagé son statut d’Etat. Considérant donc que l’armée russe avait carte blanche », il a martelé qu’un cessez-le-feu serait envisageable si les troupes géorgiennes se retiraient entièrement du territoire sud ossète et revenait à ses positions d’avant les combats, et si la Géorgie signait un traité de non utilisation de la force face aux sud ossètes. Ceci n’impliquerait en aucun cas un retour des troupes russes dépêchées sur le terrain. Mikhaïl Saakachvili a déclaré dans une conversation téléphonique avec Bush qu’il serait prêt à démilitariser la région si la Russie retirait ses troupes d’Ossétie du Sud. Mais le 9 août au matin, le Ministère de l’Intérieur géorgien déclarait que toutes les troupes avaient été retirées de ce territoire.
Alors qu’une troisième réunion du Conseil de Sécurité des Nations Unies n’aboutissait pas plus que les précédentes, la situation militaire s’envenimait d’heure en heure. Le conflit s’étendait en Abkhazie, où les troupes abkhazes attaquaient la haute vallée de la Kodori tenue par l’armée géorgienne. D’après le président géorgien, toutes les opérations abkhazes auraient pour l’instant été repoussées. L’aviation russe aurait également bombardé différents villages de la vallée.
Le projet d’une invasion du territoire géorgien hors des deux zones de conflit semblait se confirmer dans la nuit du 9 au 10 août . Alors que la Géorgie rapatriait la veille d’urgence ses 2000 soldats présents en Irak, le gouvernement géorgien déclarait que la Russie avait amené 10 000 hommes sur son territoire aux côtés de nombreux blindés ; 4000 d'entre eux auraient été débarqués par la mer en Abkhazie.
Suite aux incursions de l’aviation russe en territoire géorgien le 9 août, où notamment la ville de Gori à proximité de l’Ossétie du Sud subissait d’importants bombardements engendrant la mort de civils, les Tbilissiens ont pu entendre le bruit des bombes dans la nuit. Trois bombes ont été lâchées au petit matin sur un aéroport militaire de Tbilissi, à proximité de l’aéroport international, trois autres sur une usine dans la banlieue de Tbilissi.
Le ton de la communauté internationale s’est quant à lui fait plus ferme à l’encontre de la Russie. Notamment la position française, initialement réticente à heurter le Kremlin. Le Ministre des Affaires français, Bernard Kouchner, se rendra à Tbilissi et en Russie aux côtés d'une délégation européenne pour tenter une médiation, alors que les 27 pays de l’UE sont d’accord pour demander la paix. Ils devraient prochainement s’entendre sur un accord avertissant la Russie qu’elle détériorerait ses relations avec l’UE si elle ne cessait pas les attaques en Géorgie.
Cependant la progression des troupes russes aux frontières de la Géorgie intérieure laisse redouter une opération militaire d’envergure dans la journée du 10 août.
samedi 9 août 2008
Embrasement de l’Ossétie du Sud : vers une guerre russo-géorgienne ?
Par Nicolas Landru à Voiron
©REUTERS/David Mdzinarishvili
Suite à l’offensive géorgienne de la nuit du 8 août 2008 sur la République Séparatiste d’Ossétie du Sud, cette partie du Caucase semble s’embraser. Après une demi-journée d’offensive éclair de l’armée géorgienne, laquelle avait emporté de nombreuses positions, la Russie est ostensiblement entrée dans les combats pour prêter main forte aux milices des séparatistes ossètes, mettant le conflit sur la voie d’une guerre russo-géogienne.
Des semaines de tensions entre la Géorgie et les régions séparatistes d'Abkhazie et d'Ossétie du Sud avaient débouché sur plusieurs escarmouches mortelles entre milices sud ossètes et forces géorgiennes. Dans la nuit du 7 au 8 août, Tbilissi a lancé une attaque massive sur les positions ossètes aux alentours de la capitale séparatiste Tskhinvali.
Le 7 août en soirée, un représentant du Ministère de la Défense géorgien, Mamouka Kourachvili, déclarait que le camp ossète avait contrecarré la décision du président géorgien de prévoir un cessez-le-feu général en mitraillant un village géorgien. Par conséquent, selon lui, "le camp géorgien a décidé de restaurer l'ordre constitutionnel dans toute la région."
Le 8 août, vers 1heure du matin, soit quelques heures après que le président géorgien Mikhaïl Saakachvili ait proposé un cessez-le-feu général, l'armée géorgienne engageait des tirs sur les milices séparatistes dans la banlieue de la "capitale" sud ossète Tskhinvali. Puis elle lançait une opération d'envergure, au moyen de blindés, pour encercler la ville. Dans la matinée du 8 août, les forces géorgiennes semblaient s'être emparées de 8 villages ossètes et faisaient pression sur les quartiers périphériques de Tskhinvali.
Intervention russe
Dans la journée du 8 août, des colonnes de blindés russes franchissaient le tunnel de Roki qui sépare l’Ossétie du Nord de l’Ossétie du Sud, c’est à dire officiellement la Russie de la Géorgie.
Selon les autorités géorgiennes, des avions militaires russes auraient bombardé des points stratégiques en Géorgie, hors de la zone de conflit. Parmi ceux-ci, un poste de police était touché à Karéli ; plusieurs bombardements importants ont touché Gori, entraînant la mort d’un grand nombre de civils. En Géorgie occidentale, le port de Poti aurait subi d’importantes destructions et une base militaire à Sénaki a été touchée. En Géorgie orientale, l’aviation russe pilonnait la base militaire de Vaziani dans la banlieue de Tbilissi et un aérodrome militaire à Marnéouli, provoquant ainsi la mort de plusieurs personnes ; elle touchait aussi le pipeline Bakou-Tbilissi-Ceyhan à proximité. Des cibles civiles en différents endroits du pays ont à maintes reprises été évoquées. Les autorités parlent en outre de cyber-attaques sur la Géorgie, dont une partie du réseau internet a été coupé. Des sources d’informations et des sites officiels ont été visés. La Russie a contredit la plupart de ces informations, mais beaucoup d’entre elles ont été confirmées par des observateurs indépendants.
Dans la zone de conflit elle-même, les informations sur le déroulement des combats sont contradictoires selon les camps. Le 9 août au matin, le président géorgien Mikhaïl Saakachvili a affirmé que son armée contrôlait la majeure partie de l’Ossétie du Sud, dont la capitale Tskhinvali. Les autorités géorgiennes ont également déclaré que l’armée de l’air géorgienne avait abattu cinq avions russes, fait non confirmé côté russe. La porte-parole du gouvernement séparatiste, Irina Gogloeva, a quant à elle affirmé que la ville est sous contrôle ossète. Le Ministère de la Défense russe a également affirmé avoir emporté la contre-attaque et détruit les positions géorgiennes aux alentours de Tskhinvali. Il semble avéré des forces russes aient été parachutées à Tskhinvali et aient repris contrôle de la plus grande partie de la ville.
Urgence humanitaire
Il semble en tous cas certain que la majeure partie de ce territoire ait été désertée, alors que la capitale ossète est largement en ruine. Un journaliste de Reuters dit avoir vu des soldats géorgiens épuisés de retour entre Tskhinvali et Tbilissi, sur des routes désertes jonchées de tanks abandonnés.
Il semble qu’une large partie des habitants ait fui la zone des combats, en direction de l’Ossétie du Nord pour les Ossètes et en Géorgie intérieure pour les Géorgiens. A la veille de l’offensive géorgienne, les autorités sud ossètes avaient anticipé en évacuant quelques cinq cent personnes, majoritairement des enfants, en Ossétie du Nord.
D’après les sources disponibles, la situation humanitaire semble être très difficile sur le territoire sud ossète. Selon le Comité International de la Croix Rouge, les combats n’ont laissé aucune possibilité à la mise en place d’une aide humanitaire et Tskhinvali serait coupée de toute aide extérieure. L’hôpital de la ville aurait cessé de fonctionner et les ambulances ne pourraient pas accéder aux milliers de blessés. Le CICR appelle d’urgence à la création d’un couloir humanitaire.
Edouard Kokoity, le président de la République séparatiste, parle de 1600 morts côté sud ossète, des observateurs ont confirmé cet ordre de mesure. Le 9 août au matin, l’armée géorgienne fait état de 30 morts et les forces du maintien de la paix russe disent avoir perdu 15 de leurs soldats. L’atteinte de cibles civiles en divers points du territoire géorgien fait peser de lourdes inquiétudes sur une évolution dramatique des évènements, alors qu’aucune zone de la Géorgie n’est désormais à l’abri de bombardements.
Vers un régime de guerre
Les deux camps considèrent que l’autre a commis des actions équivalant à une déclaration de guerre et se rejettent mutuellement la responsabilité de l’escalade du conflit. La Russie en dénonçant l’attaque des Géorgiens sur ses forces du maintien de la paix et sur ses citoyens (une grande partie des Ossètes du sud ont un passeport russe). Le président Saakachvili a de son côté fustigé l’entrée de l’armée russe sur ce qui est officiellement le territoire géorgien, de fait contrôlé par les autorités séparatistes. Il a également dénoncé les bombardements qui selon lui ont été commis par l’aviation russe en Géorgie intérieure.
La détérioration du conflit s’est confirmée dans l’intervalle. Côté russe, Moscou affirmait le 8 août qu’elle maintiendrait ses gardiens de la paix en Ossétie du Sud, accusés par Tbilissi de combattre aux côtés des séparatistes. Puis le 9 août au matin, l’Etat-major russe déclarait qu’il s’apprêtait à renforcer ses effectifs dans la zone de conflit. Le président russe Dimitri Medvedev a également parlé d’un devoir d’actions punitives à l’encontre des « agresseurs » Géorgiens. Le président géorgien, enfin, décrétait le 9 au matin la loi martiale en Géorgie pour gérer le conflit.
Mikhaïl Saakachvili a par ailleurs rappelé les 2000 soldats géorgiens détachés en Irak pour venir servir sur le front. Il a également décrété la mobilisation totale de l’armée incluant les réservistes, une partie des hommes valides ayant effectué leur service militaire et désignés comme tels sur cette période. La journée du 8 août a vu des colonnes de régiments partant au front traverser les rues de Tbilissi ; des témoins déclarent même avoir vu des militaires venir chercher les appelés dans leurs foyers.
Dans le même temps, les autorités d’Ossétie du Nord ont formé des régiments de mercenaires volontaires désireux d’aller prêter main forte à leurs « frères » du sud. De 500 à quelques milliers d’hommes auraient ainsi rejoint les positions des milices séparatistes en Ossétie du Sud, accompagnant les colonnes de blindés russes.
Si la guerre en Ossétie du Sud commence à mettre en danger l’intérieur du territoire géorgien, elle risque également d’entraîner dans son sillon le conflit abkhaze, marqué lui aussi de violences au cours des dernières semaines. Les autorités séparatistes ont accusé la Géorgie d’avoir acheminé des troupes à la frontière, alors qu’elles entamaient le 8 août un déplacement massif de troupes dans cette direction.
Quel rôle la communauté internationale peut-elle jouer ?
L’offensive géorgienne a été lancée au petit matin de l’ouverture des Jeux Olympiques à Pékin, alors que les caméras du monde entier étaient braquées sur la Chine. Malgré tout, les médias mondiaux parlaient en Une, aux côtés de l’ouverture des jeux, d’une nouvelle guerre dans le Caucase entre le Goliath russe et le David géorgien. Dans la journée du 8 août, Mikhaïl Saakachvili appelait la communauté internationale à réagir pour stopper l’attaque russe qui pousserait la Géorgie à se replier sur un système d’autodéfense.
La diplomatie américaine s’est empressée de réitérer son soutien à l’intégrité territoriale de la Géorgie. Lors de l’offensive géorgienne, la diplomatie américaine, a sommé les milices ossètes de cesser leurs tirs. Après la contre-attaque russe, Condolezza Rice enjoignait à la Russie de retirer ses troupes du territoire géorgien et de stopper ses attaques aériennes. Malgré une rencontre furtive entre Vladimir Poutine et George Bush lors de la cérémonie d’ouverture des J.O. à Pékin, la Russie a catégoriquement refusé toute cessation de son déploiement militaire.
Cette double attitude a confirmé aux yeux des géopoliticiens le prisme d’un « conflit des grands » qui s’affronteraient dans le « pré carré » osséto-géorgien. En tous les cas, l’avortement des réunions du conseil de sécurité de l’ONU pour parvenir à une déclaration commune dévoile un important désaccord entre les deux puissances, plus fort à court terme que la volonté de faire cesser la tempête militaire.
Quant au reste de la communauté internationale, il a tardé à réagir, alors qu’en fin de la journée du 8 août les Etats européens, l’OTAN, l’UE ou le Conseil de l’Europe exigeait une cessation sans appel des hostilités. Les principales organisations internationales dépêcheront des émissaires sur place dans la journée du 9 août pour tenter de faire barrage au conflit et pour empêcher qu’il ne s’étende. Il semble cependant qui ni l’armée géorgienne, ni la Russie, ni les forces sud ossètes ne soient prêtes à obtempérer sur de simples appels à la paix. Et le risque d’un embrasement général de la région est de plus en plus à craindre.
vendredi 8 août 2008
Flächenbrand in Südossetien: kommt es zum russisch-georgischen Krieg?
Übersetzt von Astrid HAGER
Artikel erschienen in Caucaz.com
Nach der georgischen Offensive in der Nacht vom 8. August 2008 in der Separatistischen Republik Südossetien, scheint dieser Teil des Kaukasus schier zu brennen. Nach einem halben Tag Blitzoffensive seitens der georgischen Armee, die anfänglich zahlreiche Stellungen einnehmen konnte, trat Russland ostentativ in die Kampfhandlungen ein, um den südossetischen separatistischen Milizen seinen starken Arm zu reichen, und machte somit den Konflikt zu einem ausgewachsenen russisch-georgischen Krieg.
Die Wochen der Spannungen zwischen Georgien und den abtrünnigen Regionen Abchasien und Südossetien mündeten in häufigem tödlichen Geplänkel zwischen südossetischen Milizen und georgischen Streitkräften. In der Nacht vom 7. zum 8. August startete Tbilissi einen massiven Angriff gegen die südossetischen Stellungen um die Hauptstadt der Separatisten Zchinwali.
Am Abend des 7. August erklärte Mamuka Kuraschwili, Vertreter des georgischen Verteidigungsministeriums, die südossetische Seite habe gegen die von Präsident Saakaschwili vorgeschlagene Waffenruhe verstoßen, indem sie ein georgisches Dorf beschossen habe. In der Konsequenz habe, so Kuraschwili, „die georgische Seite beschlossen, die verfassungsrechtliche Ordnung in der gesamten Region wieder herzustellen“.
Am 8. August, gegen ein Uhr morgens, einige Stunden nachdem der georgische Präsident Michail Saakaschwilli die allgemeine Waffenruhe vorgeschlagen hatte, nahm die georgische Armee die separatistischen Milizen in den Vororten der „Hauptstadt“ Zchinwali unter Beschuss. Dann unternahm sie eine großangelegte Panzeroffensive, um die Stadt einzukesseln. Am Vormittag des 8. August schienen die georgischen Streitkräfte acht südossetische Dörfer eingenommen zu haben und in die Außenviertel Zchinwalis vorzurücken.
Die russische Intervention
Im Laufe des 8. August passierten russische Panzerkolonnen den Roki-Tunnel, der Nordossetien von Südossetien trennt und somit offiziell die Grenze zwischen Russland und Georgien bildet.
Den georgischen Behörden zufolge sollen russische Militärflugzeuge strategische Punkte in Georgien bombardiert haben, die außerhalb der Konfliktzone liegen. Unter anderem wurde ein Polizeiposten in Kareli getroffen; auch Gori wurde von mehreren Bombenangriffen heimgesucht, wobei es zahlreiche zivile Opfer zu verzeichnen gab. Im Westen Georgiens wurden der Hafen von Poti und eine Militärbasis in Senaki stark zerstört. Im Osten des Landes nahm die russische Luftwaffe den Militärstützpunkt Vaziani in einem Vorort von Tbilissi sowie einen Militärflugplatz in Marneuli unter Beschuss, was ebenfalls mehrere Tote forderte. Auch die in der Nähe gelegene Baku-Tbilissi-Ceyhan-Pipeline war von den Bombardements betroffen. Zivile Ziele wurden an unterschiedlichen Orten mehrfach angegriffen. Die georgischen Behörden sprachen zudem auch von Cyber-Angriffen, wobei ein Teil des Internetnetzes gekappt wurde. Wichtige Informationsquellen sowie offizielle Seiten waren Ziel der Angriffe. Russland seinerseits dementierte diese Informationen, die größtenteils jedoch von unabhängigen Beobachtern bestätigt wurden.
Im Konfliktgebiet selbst waren die Aussagen beider Seiten über den Verlauf der Auseinandersetzungen widersprüchlich. Am Morgen des 9. Augusts behauptete der georgische Präsident Michail Saakaschwili, dass seine Armee weite Teile Südossetien kontrolliere, darunter auch die Hauptstadt Zchinwali. Die georgischen Behörden erklärten weiter, dass die georgischen Luftstreitkräfte fünf russische Flugzeuge abgeschossen hätten, was von russischer Seite jedoch nicht bestätigt wurde. Die Sprecherin der separatistischen Regierung in Südossetien, Irina Goglojewa, behauptete ihrerseits, die Stadt stehe unter südossetischer Kontrolle. Der russische Verteidigungsminister sprach ebenfalls davon, dass der Gegenangriff erfolgreich verlaufe und die georgischen Stellungen um Zchinwali zerstört worden seien. Es scheint zu stimmen, dass russischen Truppen über Zchinwali mit dem Fallschirm abgesetzt wurden und die Kontrolle über den Großteil der Stadt wiedergewonnen haben.
Humanitäre Hilfe
Auf jeden Fall scheint sicher zu sein, dass der Großteil des Gebiets verlassen wurde und die südossetische Hauptstadt weitgehend einer Ruine gleicht. Ein Journalist von Reuters berichtete von georgischen Soldaten, die erschöpft auf ihrem Rückweg von Zchinwali nach Tbilissi an verlassenen Panzern vorbeizögen, die die Straßen säumten.
Scheinbar ist ein Großteil der Bewohner aus der Kampfzone geflohen, die südossetische Bevölkerung in Richtung Nordossetien, die georgische Bevölkerung ins georgische Kernland. Am Vorabend der georgischen Offensive evakuierten die südossetischen Behörden vorsorglich etwa 500 Personen, hauptsächlich Kinder, und brachten sie nach Nordossetien.
Zugänglichen Quellen zufolge scheint die humanitäre Lage in Südossetien sehr angespannt zu sein. Laut dem Internationalen Roten Kreuz machten es die kriegerischen Auseinandersetzungen unmöglich, humanitäre Hilfe zu leisten und Zchinwali sei von jeglicher externer Hilfe abgeschnitten. Das Stadtkrankenhaus habe seinen Betrieb eingestellt und die Krankenwagen könnten die Tausenden von Verletzten nicht erreichen. Das Internationale Rote Kreuz ruft dringend dazu auf, einen Korridor für humanitäre Hilfe einzurichten.
Der Präsident der separatistischen Republik, Eduard Kokoity spricht von 1600 Toten auf Seiten der Südosseten, eine Größenordnung, die von Beobachtern bestätigt wurde. Am Morgen des 9. August registrierte die georgische Armee 30 Tote. Die russischen Friedenstruppen sprechen von 15 Soldaten, die auf ihrer Seite getötet wurden. Der Beschuss ziviler Ziele auf georgischem Gebiet gibt Anlass zu größter Besorgnis, dass sich die Ereignisse dramatisch zuspitzen könnten, da nun kein Teil Georgiens mehr vor den Bombardements sicher ist.
Dem Kriegslauf entgegen
Beide Seiten bezichtigen sich, die Auseinandersetzungen, die einer Kriegserklärung gleichkommen, angezettelt zu haben und schieben sich gegenseitig die Schuld an der Eskalation des Konflikts zu. So verurteilt Russland den Angriff Georgiens auf seine Friedenstruppen und auf seine Staatsbürger (ein Großteil der südossetischen Bevölkerung besitzt einen russischen Pass). Präsident Michail Saakaschwili prangert seinerseits die Intervention Russlands auf dem zwar de facto von Separatisten kontrollierten aber offiziell zu Georgien gehörenden Territorium scharf an. Er verurteilte auch die Bombardierungen, die, so Saakaschwili, von der russischen Luftwaffe im Kernland Georgiens verübt wurden.
Der Konflikt spitzte sich indes intervallartig zu. Auf russischer Seite bekräftigte Moskau am 8. August , dass eslediglich seine Friedenstruppen in Südossetien unterstütze, die von Tbilissi wiederum beschuldigt werden, auf Seiten der Separatisten zu kämpfen. Am Morgen des 9. August erklärte der russische Generalstab dann, dass die Truppen in der Konfliktregion verstärkt würden. Der russische Präsident Medwedew sprach ebenfalls davon, den georgischen „Aggressor“ bestrafen zu müssen. Der georgische Präsident verhängte am Morgen des 9.August schließlich das Kriegsrecht über Georgien, um den Konflikt kontrollieren zu können.
Michail Saakaschwili berief zudem die 2000 im Irak stationierten georgischen Soldaten an die georgische Front ab. Daneben verfügte er die Generalmobilmachung sämtlicher Streitkräfte und Reservisten, ein Teil der gesunden Männer, die ihren Militärdienst abgeleistet hatten und momentan als solche zur Verfügung standen. Im Laufe des 8. August waren ganze Regimenter zu sehen, die durch die Straßen Tbilissis zogen, um sich an die Front zu begeben; Zeugen berichten von Militärs, die die Einberufenen sogar in ihren Häusern aufgesucht hätten.
Zeitgleich formierten die Behörden Nordossetiens Regimenter aus freiwilligen Söldnern, die sich bereit erklärten den „Brüdern“ im Süden zur Hilfe zu kommen. Von 500 bis einigen Tausend Männern sollen sich schließlich den Stellungen der separatistischen Milizen in Südossetien angeschlossen und die russischen Panzerkolonnen begleitet haben.
Wenn der Krieg in Südossetien die territoriale Integrität Georgiens bedroht, so könnte er auch den Konflikt mit Abchasien neu anheizen, welcher ebenfalls in den vergangenen Wochen von Gewalt geprägt war. Die separatistischen Behörden warfen Georgien vor, während der Truppenbewegungen vom 8. August auch Kräfte an die abchasische Grenze verlagert zu haben.
Welche Rolle kann die internationale Staatengemeinschaft spielen?
Die georgische Offensive wurde am Morgen der Eröffnung der Olympischen Spiele in Peking gestartet, während die Kameras der ganzen Welt auf China gerichtet waren. Dennoch berichteten die Medien auf den Titelseiten neben den Olympischen Spielen auch von einem neuen Krieg im Kaukasus zwischen dem russischen Goliath und dem georgischen David. Im Verlaufe des 8. August rief Michail Saakaschwili die Staatengemeinschaft auf, etwas zu unternehmen, um den russischen Angriff zu stoppen, der „Georgien dazu zwinge, auf das Prinzip der Selbstverteidigung zurückzugreifen“.
Die amerikanische Diplomatie war indes bemüht, ihre Unterstützung für die territoriale Integrität Georgiens zu wiederholen. Während der georgischen Offensive rief die amerikanische Diplomatie die südossetischen Milizen immer wieder auf, ihren Beschuss einzustellen. Nach der russischen Gegenoffensive rief Condolezza Rice Russland dazu auf, seine Truppen aus dem Gebiet Georgiens abzuziehen und seine Luftangriffe einzustellen. Trotz eines flüchtigen Treffens zwischen Wladimir Putin und George Bush am Rande der Eröffnungsfeiern der Olympischen Spiele in Peking, lehnte Russland es kategorisch ab, seine militärische Machtdemonstration abzubrechen.
Dieses Verhalten der beiden Seiten bestätigte in den Augen vieler Geopolitiker das Prisma eines „Konflikts der Großen“, die sich im südossetisch-georgischen „Hinterhof“ gegenüber stehen. Das Scheitern im UN-Sicherheitsrat über eine gemeinsame Erklärung zeigte jedenfalls mehr als deutlich, wie tief die Diskrepanzen zwischen den beiden Mächten sind, zumindest stärker als der Wille, kurzfristig kriegerische Auseinandersetzungen zu stoppen.
Die anderen Staaten haben mit ihrer Reaktion auf sich warten lassen, auch wenn die europäischen Staaten, die NATO, die EU oder der Europarat am Abend des 8. August eine unwiderrufliche Waffenruhe forderten. Die großen internationalen Organisationen schickten dann auch gleich am 9. August Vertreter vor Ort, die versuchen sollten, den Konflikt einzudämmen und ein weiteres Aufflammen der Auseinandersetzungen zu verhindern. Dennoch scheint, dass weder die georgische noch die russische Armee noch die südossetischen Kräfte bereit sind, dem simplen Aufruf nach Frieden nachzukommen. Und das Risiko eines Flächenbrands in der gesamten Region ist immer mehr zu befürchten.
Offensive géorgienne massive en Ossétie du Sud
© Nicolas Landru, rue de Tskhinvali
Après des semaines de tensions entre la Géorgie et les régions séparatistes d'Abkhazie et d'Ossétie du Sud, lesquelles ont débouché ces derniers derniers jours sur plusieurs escarmouches mortelles entre milices sud-Ossètes et forces géorgiennes, Tbilissi a lancé une attaque massive sur les positions ossètes aux alentours de la capitale séparatiste Tskhinvali dans la nuit du 7 au 8 août.
Le 7 août en fin d'après-midi, un représentant du Ministère de la Défense géorgien, Mamouka Kourachvili, déclarait que le camp ossète avait contredit la décision géorgienne de prévoir un cessez-le-feu général en mitraillant un village géorgien. Par conséquent, selon lui, "le camp géorgien a décidé de restaurer l'ordre constitutionnel dans toute la région."
Le 8 août, vers 1heure du matin selon les autorités ossètes, l'armée géorgienne a engagé des tirs sur les milices séparatistes dans la banlieue de la "capitale" Tskhinvali. Puis elle lançait une opération d'envegure, au moyen de blindés, pour encercler la ville. Selon les informations divulguées respectivement par les deux camps, 15 miliciens ossètes et 10 soldats géorgiens auraient été tués. Dans la matinée du 8 août, les forces géorgiennes semblent s'être emparées de 8 villages ossètes et font pression sur les quartiers périphériques de Tskhinvali.
Les autorités ossètes reconnaissent la perte de ces villages, mais soutiennent que les positions de leur capitales ne sont pas mises en danger. Le président géorgien Mikhaïl Saakachvili a en revanche déclaré que Tskhinvali était déjà en grande partie sous contrôle de son armée. Il déclarait également la mobilisation générale des troupes du pays. Les dirigeants ossètes disent quant à eux ne pas avoir besoin de la Russie pour repousser l'attaque éclair des Géorgiens.
Les gardiens de la paix russes présent dans la région ont déclaré que 5 avions militaires géorgiens ont bombardé des positions ossètes à Tskhinvali. Le Ministère de l'Intérieur géorgien a quant à lui affirmé que 3 avions russes ont lâché des bombes hors de la zone de conflit, aux alentours d'un poste de police de la ville géorgienne de Kareli.
Le conflit séparatiste, en statu quo depuis 15 ans et ponctué de temps à autres par des actions militaires de moindre ampleur (échanges de tirs, explosions) amenant rarement la mort, pourrait bien escalader rapidement en raison de ses imbrications géopolitiques aigues. Le dirigeant de l’Ossétie du Nord, république autonome de la fédération de Russie, a déclaré que des centaines de volontaires se dirigeaient déjà en direction de l’Ossétie du sud pour aider leurs « frères ». Les autorités séparatistes d’Abkhazie ont entamé un déplacement massif de troupes depuis la base d’Otchamtchiré vers la « frontière » géorgienne.
Les grands acteurs de l’échiquier géopolitique à qui l’on prête souvent un pouvoir de décision primordial dans les conflits séparatistes de Géorgie se sont également empressés d’intervenir. Les Etats-Unis ont enjoint la Russie à convaincre les forces sud-ossètes de cesser leurs tirs. Quant au Ministère des Affaires Etrangères russe, il a qualifié d’ « incompréhensible » l’action des forces géorgiennes et ajouté que les évènements montrent que « les autorités géorgiennes ont zéro crédit de confiance ».
Le conseil de sécurité de l’ONU, convoqué par la Russie, s’apprête à tenir une séance d’urgence pour envisager la situation. Et le Dimitri Medvedev, le président de la Fédération de Russie qui se trouve à la tête des forces de maintien de la paix dans la zone de conflit, se serait entouré sur le champ de ses conseillers pour discuter des stratégies possibles pour « restaurer la paix en Ossétie du Sud et défendre la population civile locale ».
Alors que l’offensive géorgienne poursuit son cours, il serait étonnant que les autorités russes restent passives au cours des évènements à suivre, d’autant qu’elles ont déjà mis en avant le devoir de protection des citoyens russes résidant en Ossétie du Sud.
Depuis le cessez-le-feu du 6 novembre 1992, plus encore que lors du regain des tensions de l’été 2004, le conflit sud-ossète n’avait jamais été aussi près de reprendre une tournure sanglante.
mercredi 16 juillet 2008
Villages de Khevsourétie : entre archaïsme et XXIème siècle
Par Nicolas LANDRU à Djouta, Chatili
© Nicolas Landru, oratoire en Khevsourétie
Djouta est un petit village d'une trentaine de familles. Il se trouve au coeur des massifs orientaux du Grand Caucase géorgien qui culminent au Mont Kazbek (5033m), sur le versant nord de la chaîne, à 7 kilomètres de la frontière Ingouche (Fédération de Russie). A 2200 mètres d'altitude, c'est le deuxième lieu habité le plus haut d'Europe - si l'on y est bien en Europe -, après Ouchgouli en Svanétie, Géorgie orientale. Perché tout en haut d'une profonde vallée, Djouta se trouve aux confins des régions géorgiennes historiques de Khévie et de Khevsourétie. Au-dessus du village, il n'y a plus âme qui vive, et les seules traces de civilisation que l'on y trouve sont des sanctuaires de pierres sèches, petits oratoires aux confins du christianisme et du paganisme.
Coupé de la Khevsourétie proprement dite par le massif de Tchaoukhi (3842m) et relié par la route à Stépantsminda (Khazbégui), chef-lieu de la Khévie, Djouta est habité par des Khevsoures, groupe clanique à part en Géorgie. Au village, il serait inutile de demander à parler à Monsieur Arabouli, car tous les habitants s'appellent Arabouli, nom vraisemblablement d'un ancêtre commun. Ailleurs en Khevsourétie, ce nom est omniprésent.
Les Khevsoures, entre mythes et réalité
Les Khevsoures - environ 700 familles en tout - sont un groupe à part parmi les Géorgiens, idéalisés par le romantisme national comme garants de l'identité et de la foi géorgiennes, vus en guerriers portant de curieuses cottes de mailles de croisés, portant haut la croix orthodoxe, combattant incessamment musulmans Tchétchènes, Perses ou Daghestanais. Et détenteurs de traditions païennes jamais éteintes, ils auraient conservé l'âme des antiques géorgiens même à travers le Christianisme.
Le poète géorgien du XIXème siècle Vaja Pchavéla, lui-même originaire de la Pchavie attenante à la Khevsourétie, chantait leur bravoure et leur amour de la nature. Mais dans les années 1950, alors que le « communisme national » lançait un renouveau de la construction nationale et déterrait le mythe du pur Khevsoure pour le public de Tbilissi, la moitié de la Khevsourétie était « déportée » vers des régions de plaines, la Kakhétie, la Kvémo Kartlie ou Tbilissi. L'industrialisation massive avait besoin de bras pour faire marcher usines et kolkhozes alors sorties de terre au milieu de la steppe – et aujourd’hui presque entièrement ruinées. De plus les turbulents Khevsoures, jamais réellement domptés par une autorité extérieure à leurs communautés, posaient des problèmes de soumission au régime soviétique. Antagonisme entre action politique et propagande, le régime ne semblait guère s'en soucier. Le village de Chatili, un Aoul médiéval (village fortifié du Nord Caucase), devenait l'icône de la Géorgie des montagnes à travers le cinéma, juste après que ses habitants en étaient arrachés.
A Djouta, géographiquement en Khévie, la population n'a pas été déportée. Mais ce n'est pas un hasard si Iago, homme du village éduqué à Khazbégui puis à Tbilissi qui tente de reconvertir le village dans le tourisme, a épousé une Khevsoure du sud de la Kakhétie, où la famille de celle-ci avait été déportée dans les années 1950. Ce scénario est répandu : les Khevsoures épousent des Khevsoures, et dans les familles déportées, on essaiera souvent de marier sa fille à un homme ayant gardé un pied d'attache en Khevsourétie.
Des conditions de vie austères
La population restée quant à elle dans les montagnes n'a jamais eu la vie facile. Le grand-père de Iago, berger, a été emporté dans une avalanche. L’enfance de Iago s'est passée coupée du monde, sans électricité, dans une maison où bêtes et hommes se côtoyaient. Architecture frugale, les murs de sa maison sont en partie recouverts de bouse de vache séchée en guise d'isolation.
Djouta ne possède l'électricité que depuis l'automne 2007. Un pipeline acheminant du gaz y avait été installé à l'époque soviétique, sortant le village de son isolement ancestral. L'un des endroits les plus froids de Géorgie, il peut être coupé du monde jusqu’à 8 mois de l'année, pris dans les neiges. Aucun programme gouvernemental ne prévoyant de réparer et de sécuriser les routes, cette situation semble devoir continuer à l’avenir comme auparavant.
La pomme de terre est la seule récolte envisageable à Djouta, trop haut pour d'autres cultures. Les habitants possèdent avant tout des vaches, produisent beurre et fromage. Les autres produits sont acheminés des terres plus basses. A l’époque soviétique, on se rendait à Vladikavkaz en Ossétie du Nord, qui n’est jamais qu’à une soixantaine de kilomètres. Mais maintenant, la frontière russo-géorgienne étant quasiment close, on achemine les biens de Tbilissi à Khazbégui (plus de 180 km), puis de Khazbégui à Djouta.
Bien des anciens du village ont été bergers, « individuels » dans leur jeunesse, puis « collectifs » à l'époque soviétique, lorsque les troupeaux de moutons étaient collectivisés, et que plusieurs bergers devaient parcourir des centaines de kilomètres avec des centaines de milliers de bêtes. Lagaza, le père de Iago, accompagnait ces immenses troupeaux depuis la Khevsourétie jusqu’à la Mer Caspienne au Daguestan.
Un pied dans les traditions
Porteuses de rudes conditions de vie, les montagnes ont aussi maintenu plus longtemps qu'ailleurs d'ancestrales traditions. Jusqu'à il y a une trentaine d'années, le costume « tribal » aurait encore été porté à Djouta. Aujourd'hui encore, malgré la pression de l'église orthodoxe parmi la société géorgienne, le curieux syncrétisme des Khevsoures s'est maintenu, en contrastant d'ailleurs singulièrement l'image des défenseurs acharnés du christianisme qui colle aux Khevsoures dans les représentations nationales. Ces derniers n'ont pas de clergé, pas d'église, mais des lieux sacrés, où se mélangent culte des saints, de la croix, des ancêtres, et rites animistes.
Lors de festivals religieux, les Khevsoures se rassemblent dans le lieu sacré du village, souvent une cabane entourée de pierre à l'extérieure du village. Les femmes s’y voient interdites, elles « amèneraient l’impureté dans ce lieu ». Elles vivront le festival de leur côté, rassemblées dans l'école ou dans un autre espace commun. Dans le lieu sacré, c'est l'Ancien du village qui préside au culte, porte des toasts en guise de prière.
Jusqu’à l’époque soviétique, les communautés vivaient sans hiérarchie fixe ; le Khévisbéri, l’Ancien de la tribu ou de la confédération tribale, présidait au culte et aux choses militaires. Ce statut de l’Ancien s’est symboliquement conservé lors des rituels. Après son office, on sacrifiera un mouton - voire un boeuf dans certaines circonstances. Puis on festoiera ensemble, se délectant de l'animal sacrifié et buvant la gnôle ou la bière fabriquées sur place. A chaque festival, deux familles sont responsables de l'organisation et de l'approvisionnement en denrées. Le poids financier de la fête pèse ainsi tour à tour sur différentes familles, qui ont aussi le temps d'économiser pour le prochain festival qu’elles devront organiser.
Le clergé orthodoxe d'autres régions de Géorgie ne voie pas d'un bon oeil la survivance de ces traditions païennes en Khevsourétie. A commencer par la Khévie voisine, à l’identité très orthodoxe : le patriarche de l'église géorgienne, Illia II, est originaire du village de Sno, à moins de 15km de Djouta. Les orthodoxes tentent, comme dans la Touchétie voisine, de mener des campagnes de "dépaganisation" de la région. Ils investissent des lieux vénérés par la mythologie nationale, comme l’Aoul de Chatili. Mais ils semblent pour l'instant avoir trouvé peu d'écho parmi ces communautés montagnardes qui vivent encore repliées sur elles-mêmes en vivant leurs traditions ancestrales, et qu'aucune autorité extérieure, pas même les soviétiques, n'ont réussi à pleinement soumettre. Reste à voir si la construction nationale qui se déroule de nos jours en Géorgie n’aura pas un jour raison de ces particularismes.
Des aspects résolument modernes
Aujourd'hui, une bonne partie des familles de Djouta, dont les jeunes sont établis à Tbilissi - et surtout dans ses banlieues -, passe la mauvaise saison dans la capitale géorgienne, puis remontent à Djouta de la fin du printemps à la mi-automne. Certaines, néanmoins, passent toute l'année ici, et font le plein de farine, de sel ou de sucre avant les premières neiges, pour pouvoir tenir les 6 à 8 mois d'isolement. A la fonte des neiges et avant l'arrivée de l’hiver, c'est tout un convoi qui s'achemine vers Djouta depuis Khazbégui, le chef-lieu de Khévie, et même depuis Tbilissi, pour approvisionner ses habitants. En minibus qui pourra y grimper malgré l'état désastreux de la route ou en jeep soviétique "Niva" jusqu'au bas du village, vers l'école ; puis à dos d'âne à travers le village qui s’étale sur une pente raide.
La proximité de la frontière de la Fédération de Russie a engendré une forte présence militaire en Khevsourétie. Frontière Tchétchène à Chatili, Ingouche à Djtoua : les conflits nord caucasiens des dernières décennies ont militarisé la région jusqu'à la paralyser. Jusqu'en 2004-2005, le visiteur devait demander une permission au ministère de la défense pour pouvoir s'y rendre. Mais l'armée Russe a vaincu la guérilla tchétchène et la situation s'est apaisée. A présent, la frontière est pour les Khevsoures une ressource : la plupart des jeunes des villages frontaliers travaillent comme gardes-frontières. Sans cela, en Khevsourétie, la situation serait incomparablement plus difficile.
L'éventualité récemment évoquée par le ministère de la défense de ne plus employer des locaux (pour toutes les raisons d'interférences, de cooptation ou de corruption que l'on peut imaginer) à ces frontières, mais d'envoyer des soldats « centraux », a créé de forts remous dans la région. Mais ces projets semblent s'être enlisés, et pour un temps au moins, la région pourra vivre de l'activité militaire. D'autant que possédant des véhicules modernes et tout l'équipement nécessaire, l'armée est un allié incomparable des habitants pour dégager les routes bloquées par les avalanches, dépanner les tracteurs enlisés ou amener un voisin d'un village à l'autre.
Mais la pénétration du XXIème siècle et de la modernisation qui l’accompagne dans cette région reculée du Caucase prend parfois des voies insoupçonnées. Côté nord Caucase en haute Khevsourétie, région vidée de ses habitants dans les années 1950 où quelques familles seulement sont retournées s’établir à partir de la fin des années 1970, le téléphone portable ne passe pas. Alors qu'en basse Khevsourétie, qui s'étale sur le versant donnant sur Tbilissi et qui est toujours reliée à la capitale, la centralisation avance à petit pas et les relais téléphoniques ont été installés. Pourtant, la famille de Chota Arabouli, qui vit à Korcha en basse Khevsourétie, a envoyé l'un de ses fils en internat à l'école de Chatili, en haute Khevsourétie, à quelques 3 ou 4 heures de 4x4 par une route praticable seulement entre juin et octobre... Parce qu'à Chatili, aux confins de la civilisation, on reçoit Internet par satellite !
Reste que la Khevsourétie accueille chaque année un peu plus de touristes, qui ouvrent d’autres perspectives à cette région qui contient encore des systèmes de valeurs contrastés et renvoyant à des époques différentes.