lundi 18 août 2008

Les forces russes sont-elles vraiment sur le départ de Géorgie, comme l’annonce le Kremlin ?


©AFP - Natalia Kolesnikova, convoi russe

Alors que la Géorgie et la Russie ont toutes deux signé le plan de paix proposé par Nicolas Sarkozy, la diplomatie comme la situation sur le terrain sont toujours dans l’impasse 10 jours après le commencement du conflit.

L’occupation russe se prolonge

L’armée russe continue d’occuper des positions significatives en Géorgie, cependant que les dirigeants russes, ces derniers jours, tergiversaient sur la question d’un retrait. La ville de Gori, à quelques kilomètres de la zone de conflit sud ossète, est clairement investie par l’armée russe. Le général russe qui commande la position à Gori, Viatchislav Borisov, semble même investir son rôle comme si la ville était en territoire russe. Ce week-end, il s’affichait à l’église aux côtés des habitants qui n’ont pas fui à Tbilissi ; il recevait un convoi humanitaire dirigé par le patriarche de l’église orthodoxe géorgienne comme s’il lui rendait visite. « Nous avons pour mission de garder la paix », indique le général aux journalistes internationaux.

Les déclarations du Kremlin à ce sujet restent généralement vagues ; il a été question tour à tour d’évacuer les troupes, de rester pour des raisons de sécurité, puis de retirer les troupes de combat pour faire place à des gardiens de la paix russe. Alors que Dimitri Medvedev a annoncé un retrait des troupes pour lundi 18 à midi, les militaires de Gori ne parlent d’aucune prévision d’évacuation. La situation est moins claire encore en Géorgie occidentale, beaucoup moins au centre des caméras du monde entier et dont la Géorgie orientale et Tbilissi sont coupées par l’occupation de Gori et la destruction des infrastructures par les russes. La Mingrélie, dont les villes stratégiques de Poti, Sénaki et Zougdidi sont toujours occupées et aucun signe ne laisse entrevoir un retrait imminent. Les russes ont également pris le contrôle de la centrale hydroélectrique de la rivière Ingouri, « pour la sécurité de l’approvisionnement en électricité de l’Abkhazie et de la Géorgie ».

Ces derniers jours, les militaires russes ont mené une série d’opération visant à détruire les infrastructures géorgiennes. Ils ont fait sauter la principale ligne de chemin de fer Tbilissi-Batoumi ; la route principale Tbilissi-Batoumi est quasiment impraticable et gardée par des chars russes au niveau de Gori, le pays étant par là même coupé en deux. Ce dernier point est d’ailleurs fort préoccupant pour la santé du pays, alors que les importations turques, jusqu’alors capitales dans l’économie géorgienne, ne peuvent être acheminées à Tbilissi. Farine, denrées alimentaires, vêtements, des produits capitaux pourraient rapidement venir à manquer dans la capitale, alors qu’ils manquent déjà dans des zones occupées comme la ville de Gori.Le matériel géorgien militaire et policier des zones occupées, souvent américain et de bien meilleure qualité que l’équipement russe, a quant à lui été en grande partie subtilisée, des chaussures de soldats aux machines de guerre.

De tels signes laissent à penser que les forces russes cherchent à endommager le plus possible non seulement la force militaire, mais aussi les infrastructures et l’économie de la Géorgie avant d’envisager un retrait réel. Quant à leur maîtrise des régions séparatistes, elle est à présent totale, puisque la dernière enclave géorgienne en Abkhazie a été prise et que tous les Géorgiens qui vivaient en Ossétie du sud ont été chassés en même temps que les soldats qui tenaient les zones où ils vivaient. Qu’il découle d’un ordre officiel ou de la décision d’un soldat, le fait que des journalistes internationaux aient été refoulés au check point d’Ossétie du Sud parce qu’ils n’avaient pas de visas russes est révélateur.

En tous les cas, la situation pour la Géorgie empire de jour en jour alors que le nombre de personnes déplacées s’évalue à présent à 88 000 personnes. La capitale Tbilissi tente tant bien que mal de gérer ce flot, avec l’aide des organisations humanitaires internationales. Quant aux zones où la guerre a fait rage, qui sont plus où moins sous contrôle russe à ce jour, elles connaissent une situation humanitaire particulièrement difficile. A Gori, on a pu observer des femmes se battant pour des paquets de riz délivrés par l’aide humanitaire. Des bandes armées, qui sont apparemment des groupes paramilitaires nord caucasiens dans la plupart des cas, ont été recensées pillant des villages en Géorgie en en Ossétie du Sud. Dans cette dernière zone, où l’acheminement de l’aide humanitaire est plus difficile qu’en Géorgie proprement dite, la présence de l’armée russe ne semble pas assurer de sécurité. Beaucoup d’Ossètes ont quitté leurs villages et trouvé refuge en Russie, en Ossétie du Nord ou en Kabardino-Balkirie. Des observateurs ont remarqué que leurs maisons ont fait l’objet d’un pillage systématique de groupes organisés venus du nord –notamment des Kabardes, des Tchétchènes ou des Ingouches semble-t-il.

L’Occident exige le départ des troupes russes

Alors que l’occupation russe semble bel et bien se prolonger au gré des tergiversations du Kremlin, le ton des Occidentaux est monté ce Week-End. La chancelière allemande Angela Merkel a demandé à Dimitri Medvedev un retrait immédiat des forces russes de Géorgie, lors de sa visite à Moscou. Le président français Nicolas Sarkozy a dimanche 17 août exigé de Medvedev un retrait lors d’une conversation téléphonique. Et la Maison Blanche poursuit ses menaces verbales sur le Kremlin.

Peut-être cette attitude peu transparente de la Russie commence-t-elle à jouer en sa défaveur auprès de la communauté internationale. Les conseillers d’Angela Merkel avaient annoncé qu’elle serait très critique envers Mikhaïl Saakachvili lorsqu’elle lui rendrait visite à Tbilissi. Mais lors de cette visite dimanche 17 août, elle réitérait surtout ses pressions sur le Kremlin et assurait au président géorgien que l’intégration de la Géorgie à l’OTAN était toujours à l’ordre du jour.

Le Kremlin a annoncé un retrait organisé pour le lundi 18 août à midi ; la porte-parole des autorités sud ossètes, Irina Gogloeva, a déjà assuré que la police ossète avait remplacé le commandement russe à Tskhinvali. Les forces géorgiennes reprendront-elles aussi rapidement le contrôle d’un territoire géorgien qu’elles ont en grande partie déserté sans combattre pour le prévenir d’une invasion ? Ni l’attitude de la Russie ces derniers jours ni même l’attitude du leadership géorgien, qui s’est enfermé dans une position passive d’attente intégrale d’une aide occidentale ne permettent de le dire.

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