vendredi 20 juin 2008

Djouta, deuxième village le plus haut d'Europe

A la frontière entre les régions historiques de Khévie et de Khevsourétie, Djouta est, à 2200 mètres d'altitude environ, le plus haut village de l'est de la Géorgie, le deuxième plus haut de Géorgie après Ouchgouli en Svanétie, et par conséquent le deuxième plus haut d'Europe - si l'on considère cette partie du monde comme étant en Europe.

Djouta se trouve sur le versant nord de la chaîne du Grand Caucase, à une vingtaine de kilomètres de Stépantsminda, anciennement Khazbégui, la bourgade la plus importante des hautes montagnes géorgiennes. Il se trouve au pied des massifs du Tchaoukhi (3882m) et du Charil (4456m), à l'est du massif du Kazbek (5033m). Le village est également situé à 7km de l'Ingouchie, en Fédération de Russie.

Ce village rustique est fait de maisons de pierre sèches en partie couvertes de bouse de vache en guise d'isolation ; on utilise ces dernières également pour chauffer. Il y a une peite école à Djouta, ainsi qu'un point militaire.


Djouta est peuplé d'une trentaine de familles de Khevsoures, un groupe clanique ou subethnique particulier en Géorgie, célébré par les canons de la culture nationale comme "montagnards des montagnards", garants de l'âme géorgienne.


A ce qu'on dit jamais entièrement soumis à une autorité extérieure, même à l'époque soviétique, les Khevsoures pratiquent un christianisme fort empreint de paganisme, sans prêtres ni églises, et possèdent des "lieux sacrés" où le village s'assemble lors de festivals ; on y sacrifie des moutons, l'Ancien du village y donne le culte, priant les saints, la nature et les ancêtres. Bien que le traditionnalisme des Khevsoures ait fortement décliné, certains rituels se pratiquent toujours et ces festivals sont toujours les évènements majeurs de la vie du village.


Djouta est coupé du monde 6 à 8 mois dans l'année. Une partie des habitants passe l'hiver à Tbilissi, mais certains s'approvisionnent à l'automne pour rester au village. Seule la pomme de terre pousse à Djouta ; l'élevage bovin y est pratiqué et on y produit beurre et fromage. Le reste doit être acheminé sur la mauvaise route en provenance de Khazbégui.


Les soviétiques avaient installé un gazoduc qui fonctionne encore, sortant le village de son isolement ; plus récemment, l'installation d'une ligne électrique à l'automne 2007 a sensiblement amélioré les conditions de vie des habitants.




En dehors de l'agriculture de subsistance, les habitants vivent en partie de la frontière Russe : certains hommes du village travaillent comme gardes frontières dans l'armée géorgienne.


Le tourisme est sans doute l'avenir économique de ce village idéal pour les activités de montagne ; Iago Arabouli, qui vit moitié à Tblissi, moitié à Djouta, a fait de sa maison une maison d'hôtes et espère voir le nombre de visiteur s'agrandir d'année en année. A Djouta, il vaut mieux chercher Iago par son prénom que par son nom de famille : tout le village s'appelle Arabouli!


Iago Arabouli et son père Lagaza


Djouta est à la lisière de la civilisation. Au-dessus règnent le minéral et la maigre faune et flore des hauts alpages.

Toutes les photos : © Nicolas Landru

3 commentaires:

Frau M. a dit…

Vos photos sont très belles

Anonyme a dit…

Félicitation pour votre blog, j'apprends de nouvelles choses à chaque page que je découvre..

mais comment se fait-il au juste qu'à Djouta, les habitants aient tous pour patronymes "arabouli" ????

Nicolas Landru a dit…

Je vous remercie beaucoup...

Pourquoi tout le monde s'appelle Arabouli? Je crois que personne ne sait exactement, mais enfin il y aurait deux explications possibles.

Il s'agit vraisemblablement d'un ancêtre commun il y a plus ou moins longtemps, dont tous les habitants sont les descendants (comme 1 français sur 4 serait un descendant de Charlemagne, ça paraît plausible).

Ou bien, deuxième explication, ce nom a été attribué à une période où il fallait que les villageois s'enregistrent des patronymes. Et le qualificatif d'"Arabouli" aurait été attribué à tout le village à la fois, pour le distinguer d'un autre.

L'autre ambiguité est étymologique : "Arabouli" en Géorgien peut vouloir dire "arabe", l'adjectif pour un être inanimé (comme du pain arabe, terre arabe). N'allez pas le dire aux habitants de Djouta, vous vous feriez égorger (ils sont fiers de leurs origines chrétiennes et "purement" géorgiennes). Eux-mêmes font dériver le mot d'une autre racine en Géorgien). Mais les Arabes ont réellement conquis la région au VIIIème siècle et beaucoup de noms topographiques viennent de l'Arabe (Darial, Elbrouz, Kazbek). On peu donc imaginer que ceux qu'on a appelé "Arabouli" étaient par exemple ceux qui vivaient sur une terre appartenant aux Arabes, ou même qu'ils aient été des descendants d'Arabes... Mais je n'ai aucune preuve de ce que j'avance et à Djouta, on me réfuterait sec!