dimanche 10 août 2008

Guerre en Géorgie : l’invasion russe se confirme


©REUTERS/Denis Sinyakov

Le 9 juillet, la confrontation militaire en Ossétie du Sud a rapidement tourné en défaveur de l’armée géorgienne. En fin de journée, les autorités géorgiennes, relayées par les médias nationaux, affirmaient tout comme le Kremlin tenir Tskhinvali et la majorité du territoire sud ossète. Pourtant, il semblait le 9 en fin de journée acquis qu’en réalité la contre-offensive de l’armée russe et notamment le parachutage d’un grand nombre d’hommes dans Tskhinvali ait rapidement repoussé les troupes géorgiennes au sud de la capitale sud ossète. Le Ministère de la Défense russe déclarait que Tskhinvali avait été « libérée » et la télévision russe diffusait des images de la ville vide de soldats géorgiens.

Dans l’intervalle, le président géorgien Mikhaïl Saakachvili déclarait officiellement la guerre à la Russie et imposait la loi martiale par décret approuvé par le parlement. Moins d’une heure après, il demandait un cessez-le-feu au président russe Dimitri Medvedev. Cette demande a été relayée par George W. Bush dans une déclaration faite depuis Pékin. Le président américain appelle la Russie à cesser ses bombardements et à revenir au statu quo du 6 août. Demande rejetée par Moscou.

Simultanément à la progression des troupes russes sur le terrain, la rhétorique des dirigeants du Kremlin se durcissait. Le Premier Ministre russe Vladimir Poutine, arrivé à Vladikavkaz en Ossétie du Nord (Fédération de Russie), a quant à lui confirmé qu’il considérait les opérations russes sur le territoire géorgien comme pleinement légitimes. Il a aussi affirmé que la Géorgie avait par son action en Ossétie du Sud porté un coup à sa propre intégrité territoriale et endommagé son statut d’Etat. Considérant donc que l’armée russe avait carte blanche », il a martelé qu’un cessez-le-feu serait envisageable si les troupes géorgiennes se retiraient entièrement du territoire sud ossète et revenait à ses positions d’avant les combats, et si la Géorgie signait un traité de non utilisation de la force face aux sud ossètes. Ceci n’impliquerait en aucun cas un retour des troupes russes dépêchées sur le terrain. Mikhaïl Saakachvili a déclaré dans une conversation téléphonique avec Bush qu’il serait prêt à démilitariser la région si la Russie retirait ses troupes d’Ossétie du Sud. Mais le 9 août au matin, le Ministère de l’Intérieur géorgien déclarait que toutes les troupes avaient été retirées de ce territoire.

Alors qu’une troisième réunion du Conseil de Sécurité des Nations Unies n’aboutissait pas plus que les précédentes, la situation militaire s’envenimait d’heure en heure. Le conflit s’étendait en Abkhazie, où les troupes abkhazes attaquaient la haute vallée de la Kodori tenue par l’armée géorgienne. D’après le président géorgien, toutes les opérations abkhazes auraient pour l’instant été repoussées. L’aviation russe aurait également bombardé différents villages de la vallée.

Le projet d’une invasion du territoire géorgien hors des deux zones de conflit semblait se confirmer dans la nuit du 9 au 10 août . Alors que la Géorgie rapatriait la veille d’urgence ses 2000 soldats présents en Irak, le gouvernement géorgien déclarait que la Russie avait amené 10 000 hommes sur son territoire aux côtés de nombreux blindés ; 4000 d'entre eux auraient été débarqués par la mer en Abkhazie.

Suite aux incursions de l’aviation russe en territoire géorgien le 9 août, où notamment la ville de Gori à proximité de l’Ossétie du Sud subissait d’importants bombardements engendrant la mort de civils, les Tbilissiens ont pu entendre le bruit des bombes dans la nuit. Trois bombes ont été lâchées au petit matin sur un aéroport militaire de Tbilissi, à proximité de l’aéroport international, trois autres sur une usine dans la banlieue de Tbilissi.

Le ton de la communauté internationale s’est quant à lui fait plus ferme à l’encontre de la Russie. Notamment la position française, initialement réticente à heurter le Kremlin. Le Ministre des Affaires français, Bernard Kouchner, se rendra à Tbilissi et en Russie aux côtés d'une délégation européenne pour tenter une médiation, alors que les 27 pays de l’UE sont d’accord pour demander la paix. Ils devraient prochainement s’entendre sur un accord avertissant la Russie qu’elle détériorerait ses relations avec l’UE si elle ne cessait pas les attaques en Géorgie.

Cependant la progression des troupes russes aux frontières de la Géorgie intérieure laisse redouter une opération militaire d’envergure dans la journée du 10 août.

4 commentaires:

ometiklan a dit…

salut!
Est-ce une fausse impression où ce conflit russo-géorgien se déroule dans un contexte de frictions est/ouest (assez classique finalement)? et de convoitises des ressources énergétiques du caucase, avec l'objectif en particulier pour le Kremlin ,surtout si les troupes russes envahissent effectivement le territoire national géorgien, de prendre le contrôle du BTC dont Moscou a été écarté ?

l'excutif "bicéphal" russe, poutine/medvedev nous feraient-ils pas leur "guerre du pétrole" à la différence notable! près qu'on n'assiste pratiquement à aucune réactions hostiles/hystériques des agités (associatifs, politiques, opionions,"experts",etc..) qui prenaient pour cible les USA et leur "invasion" de l'Irak animés ,selon ces agités de tous horizons, du désir éhonté de s'approprier le pétrole irakien..

Au-delà de sa volonté de contrôler son 'ancien' pré-carré et écraser cette petite Géorgie (la leçon sur fond de soutien aux indépendantistes abkhazes n'ayant pas suffit) qui s'est permise de se tourner davantage vers l'Occident,
la RUSSIE ne cherche t-elle pas ,en flattant la "fierté" russe et son statut de grande puissance endormie..en refaisant la géographie de ses frontières, surtout à faire "sa" guerre pour s'approprier le pétrole de la région..??

Nicolas Landru a dit…

Il me semble évident qu'il existe des intérêts géostratégiques en Géorgie, et que c'est aussi ce qui oppose les américains alliés à un gouvernement géorgien pro-occidental et les russes. Côté américain en tous cas, le "corridor énergétique", pour acheminer les hydrocarbures du bassin de la Caspienne, est certainement un élément clé.

Côté russe, la Géorgie ne représente pas un corridor énergétique pour elle-même, mais plutôt une voie concurrente à celles qui empruntent le territoire russe. Le "pré carré" et les intérêts énergétiques se rejoignent donc sur ce point.

Cependant, je ne pense pas qu'il faille surestimer la question du pétrole ni même le "jeu des grands" dans le conflit sud ossète. Les prismes du "grand échiquier" ne suffisent ni à expliquer les causes, ni à relater les faits.

Il existe par exemple une grande part d'irrationnel dans les relations russo-géorgiennes, les deux pays surestimant affectivement l'importance de l'autre.

La personnalité du président géorgien, qui semble toujours aller beaucoup plus loin que ce que ses alliés américains lui conseillent, a aussi été un facteur déterminant sur l'offensive géorgienne du 8 août.

Enfin, je pense aussi qu'il y a un beaucoup plus grand vague dans les stratégies des deux camps qu'on ne l'imagine souvent. En Russie même, il y a des intérêts divers, parfois contradictoire. Peut-être le pays n'avait pas de stratégie déterminée avant que les Géorgiens n'attaquent Tskhinvali, du moins ne s'y attendaient-ils certainement pas. Après, au fil des évènements, c'est aussi "l'occasion qui fait le larron".

En tous cas, pour finir de te répondre, je ne vois pas bien pourquoi la Russie ferait à travers le conflit géorgien sa guerre du pétrole. Les champs d'hydrocarbures sont en Azerbaïdjan et pas en Géorgie, la Russie a son propre pétrole et les importations de la Caspienne lui sont faciles. Eliminer la concurrence, oui au passage, mais je crois que c'est loin d'être la motivation principale dans les évènements d'août 2008.

En plus du fait que je pense le déroulement des évènements côté russe au moins aussi spontané et opportuniste que planifié, je pense qu'on observe dans cette affaire complexe la convergence de beaucoup de facteurs d'ordre différents, qui engendrent le chaos actuel et en général le manque de clarté de tous les conflits du Caucase géorgien.

Anonyme a dit…

Bonjour et merci pour vos éclaircissements Mr Landru,

Pourriez-vous toutefois me dire également, si d'après vous, les heurts (si la guerre d'invasion n'a pas lieu) avec la Russie peut précipiter la Georgie de saakashvili dans l'intégration de l'Otan ou si les Americains prefereront , en depit de leurs visées stratégiques, ménager les Russes ??
MERCI ;)
(ometiklan, mon mdp ne fonctionne plus :(

Nicolas Landru a dit…

Bonjour,

Je crois que malgré les déclarations de la Maison Blanche selon lesquelles d'adhésion de la Géorgie à l'OTAN ne serait pas remise en question, cette guerre de 5 jour était une lourde défaite pour Saakachvili sur de nombreux points. Tout d'abord, le camp occidental a dû "prier" le Kremlin d'arrêter sa guerre victorieuse. Il ne faut pas oublier que le vainqueur de cette affaire, c'est Moscou. Je suis donc certain qu'il y a en contrepartie d'une non-invasion de la Géorgie de nombreux avantages pour les Russes, et que l'intégration euro-atlantiste de la Géorgie, qui les dérange tant, ne sera pas remise sur le tapis avant un moment.

Au-delà de ça, même les Américains auront largement perdu leur confiance en le régime de Saakachvili qui les a entraîné dans cette situation délicate et même humiliante, puisqu'au final, les Russes maîtrisaient toutes les cartes et les Américains n'ont rien pu pour défendre leur allié.

Loin de précipiter l'adhésion à l'OTAN, cette guerre aura plutôt fait comprendre au camp occidental que le terrain géorgien est miné, que la Russie est bel et bien là et que ce pays, qui possède la 4ème armée au monde est prête à intervenir très rapidement. Je vois donc, côté occidental, plus un lâchage de leste et un désengagement de Géorgie à long terme qu'une accélération des processus d'intégration à l'UE ou à l'OTAN.

D'ailleurs, c'est de très mauvaise augure pour la Géorgie qui commençait à peine à lever la tête en terme de développement. Son importance a été déculpée en raison d'enjeux géopolitiques, mais s'il y a un désengagement des forces en puissance, ce que je tends à entrevoir, ce pays a de bien maigres ressources...